Le contexte dans lequel le projet de cimenterie gaspésienne a été annoncé en a fait un dossier politique.
La première ministre Pauline Marois y a vu une occasion de marquer des points pour son parti. En parodiant Maurice Duplessis, elle a déclaré qu'il était payant de voter «du bon bord». La cimenterie sera située à Port-Daniel dans la circonscription de Bonaventure, qui a maintenant un député péquiste après avoir été un château fort libéral.
Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a condamné la participation de l'État dans ce projet et y a vu un abus de fonds publics. Pour sa part, le chef libéral, Philippe Couillard, s'est engagé, si son parti est porté au pouvoir, à revoir le financement du projet.
Essayons de démêler tout cela.
Tout d'abord, il s'agit d'un projet d'une société privée, Ciment McInnis, dont l'actionnaire principal est Beaudier, société de la famille de Laurent Beaudoin, actionnaire principal de Bombardier (avions et trains passagers) et de BRP (véhicules récréatifs). Beaudier possède le terrain et a financé des études pour confirmer sa viabilité, assurer sa pérennité (estimée à 100 ans) et évaluer ses impacts environnementaux.
Investissement Québec (IQ) y investira 100 millions de dollars en capital-actions et garantira un prêt de 250 M$, consenti au taux du marché. Il ne s'agit pas de subventions, mais de placements comme IQ en fait dans d'autres sociétés.
La Caisse de dépôt et placement, qui n'est pas une société d'État (elle gère des caisses de retraite et des fonds de régimes d'assurance), investira elle aussi 100 M$ en capital-actions. La Caisse prend ses décisions de façon indépendante et sur la base d'un rendement attendu.
D'autres investisseurs privés doivent se joindre au capital-actions, mais le reste du financement proviendra de prêts garantis par les installations.
Le projet pourrait bénéficier du congé fiscal de 10 ans pour les projets de 300 M$ et recevoir l'appui d'Exportation et développement Canada, qui assure les exportations. Le marché visé est celui de la côte est des États-Unis. Le produit y sera acheminé par bateau, le moyen de transport de loin le plus économique pour ce produit.
Projet risqué et controversé
Le projet est risqué par son coût : 800 M$ pour les installations de production et 200 M$ pour les installations portuaires et d'entreposage à Port-Daniel et sur la côte est américaine.
Il est aussi controversé sur le plan environnemental, puisque l'usine sera alimentée en coke de pétrole et qu'elle produira d'importants volumes de CO2. De plus, le projet n'a pas à être autorisé en vertu de la Loi sur les mines, étant donné que le terrain est une propriété privée. Il ne sera pas soumis à l'impôt minier ni aux redevances, car les substances minérales de surface en sont exemptées. Enfn, le projet échappe au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, puisqu'il bénéficie d'une clause de droits acquis.
Mais la plus grande controverse résulte du fait que la cimenterie aura une capacité de production de 2,2 millions de tonnes (Mt), qui s'ajouteront aux capacités combinées de 3,7 Mt des quatre cimenteries existantes au Québec : Lafarge à Saint-Constant, Holcim à Joliette, Ciment Québec à Saint-Basile-de-Portneuf et Colacem à Grenville en Outaouais. Pourtant, ces cimenteries ne fonctionnent qu'à 60 % de leur capacité. Elles servent surtout le marché québécois et certaines exportent un peu dans le marché limitrophe des États-Unis.
Pour sa part, McInnis visera le marché de la côte est américaine, qui importerait quelque 6 Mt de l'étranger. Ce marché est desservi par des cimentiers étrangers, qui y ont leurs propres installations. Certains ont des filiales au Québec, d'où l'opposition virulente de ces dernières et de leurs salariés, qui craignent pour leur emploi.
Cette crainte est en partie justifiée, car il n'est jamais bon de voir arriver un nouvel acteur dans un marché. Par contre, nos cimentiers étant intégrés, on comprendrait mal que les bétonnières de Lafarge, Demix et Unibéton utilisent le ciment d'un fournisseur autre que leur société mère. McInnnis pourrait vendre du ciment à Béton Provincial, un indépendant qui achète souvent sa matière première de l'étranger.
La cimenterie gaspésienne procurera quelque 400 emplois, dont 200 indirects (carrière, transport, services divers, etc.). Pour la région, cet apport sera très important.
Sa construction présentera un défi considérable, puisqu'on y installera les technologies les plus avancées dans l'industrie et que l'on devra recourir à de la main-d'oeuvre syndiquée. Espérons que McInnis n'aura pas à revivre le cauchemar de l'ex-usine de la Gaspésia de Chandler.
Globalement, le projet se tient. Les investisseurs qui se sont engagés dans ce projet sont expérimentés et ils en ont sûrement évalué les risques. Ce n'est pas parce que l'État y investit qu'il faut le condamner automatiquement.
J'aime
En rejetant à six contre un la décision du gouvernement canadien de nommer à la Cour suprême du Canada le juge Marc Nadon de la Cour d'appel fédérale, le plus haut tribunal du pays a reconnu que non seulement des juristes civilistes expérimentés doivent y siéger, mais aussi que les traditions juridiques et les valeurs sociales distinctes du Québec doivent être représentées à cette cour.
Je n'aime pas
La tentative du gouvernement canadien de nommer à la Cour suprême un juge qui ne siège pas à une cour québécoise et qui n'est pas membre du Barreau du Québec allait à l'encontre de la Loi sur la Cour suprême. Ce geste était également irrespectueux des compétences des provinces, comme on l'a vu aussi dans la formation de la main-d'oeuvre, une attitude malsaine pour le bon fonctionnement du fédéralisme.