L'Ontario songe à privatiser Hydro One, qui transporte et distribue de l'électricité. Hydro One est l'équivalent de TransÉnergie, le transporteur d'électricité de grande puissance d'Hydro-Québec, et d'Hydro-Québec Distribution (HQD).
Ontario Hydro possède également Ontario Power Generation, qui produit de l'électricité. Les sociétés ontariennes sont des entités juridiques distinctes, alors qu'Hydro-Québec Production, TransÉnergie et HQD sont des divisions d'Hydro-Québec.
L'idée de la privatisation de Hydro One découle des réflexions d'un comité d'experts présidé par Ed Clark (jusqu'à récemment président du Groupe TD). Celui-ci avait été mandaté par le gouvernement ontarien pour trouver des moyens d'accroître les bénéfices provenant de certaines sociétés d'État, dont Hydro One. Après une analyse de diverses possibilités, le groupe a suggéré de regrouper les activités de distribution de l'électricité, qui sont assurées à la fois par Hydro One et par un réseau de 70 entités municipales.
L'objectif du gouvernement ontarien est de trouver de nouveaux moyens de financer les 130 milliards de dollars de projets d'infrastructures qu'il prévoit en 10 ans, de réduire son déficit (qui atteindra 12,5 G$ cette année) et de diminuer sa dette qui, à 38 % de son PIB, est la deuxième en importance parmi les provinces.
Deux hypothèses principales circulent : la vente de 10 à 15 % du capital-actions de Hydro One, ce qui paraît acceptable aux syndicats puisque l'État en garderait le contrôle et qu'ils se sentiraient protégés ; ou la vente d'une majorité des actions de Hydro One. Le ministre de l'Énergie, Bob Chiarelli, a précisé que si le gouvernement va de l'avant, «la province conservera un intérêt significatif». Il n'a cependant pas dit «majoritaire».
Il a raison. Le marché financier ne s'intéressera pas aux actions de Hydro One si l'État en conserve le contrôle, car il ne serait pas possible d'optimiser sa gestion et de réaliser les gains de productivité espérés. Par contre, si le gouvernement se départit de la majorité des actions de Hydro One, celle-ci pourrait alors être gérée comme une société privée. Elle pourrait plus facilement réorganiser les activités de distribution et se libérer des contraintes propres aux sociétés d'État. Bien entendu, ses tarifs continueraient d'être réglementés. Hydro One devrait payer de l'impôt au fédéral, mais il est plausible de penser que les gains de productivité seraient supérieurs à cette charge.
Des précédents
Cette privatisation a des précédents. Emera, de Halifax, est née de la privatisation de Nova Scotia Power en 1998. Elle a maintenant un actif de 9,4 G$, une capitalisation boursière de 5,5 G$ et des revenus de 2,9 G$. Elle s'est déployée aux États-Unis et dans les Caraïbes. Elle détiendra 100 % des câbles sous-marins de transmission qui seront installés entre Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse, et 35 % de la ligne qui reliera le Labrador et l'île de Terre-Neuve. Emera est bien vue des marchés financiers.
Le secteur privé est aussi très présent dans la production de différentes sources d'énergie ainsi que dans la transmission et la distribution d'électricité en Alberta (avec Atco, TransAlta, et AltaLink que SNC-Lavalin vient de vendre à Berkshire Hathaway) et à Terre-Neuve (avec Fortis). Certaines de ces sociétés font affaire aux États-Unis et jusqu'en Australie (TransAlta).
Plus près de nous, Gaz Métro transporte et distribue du gaz et de l'électricité aux États-Unis.
Une réflexion nécessaire au Québec
Pour des raisons politiques et à cause de la frilosité des citoyens, il est impossible pour les monopoles d'État du secteur de l'électricité de se déployer à l'étranger. Hydro-Québec, qui a investi pendant 25 ans dans des réseaux de transmission à l'étranger, a dû vendre ces actifs pour permettre au gouvernement d'encaisser le fruit de ces investissements. Une décision discutable qui a permis à une filiale de Brookfield d'acheter l'important réseau Transelec du Chili.
La privatisation possible de Hydro One s'est vite répercutée au Québec, où des voix se sont élevées pour exprimer le danger du début d'une réflexion sur les avantages et les inconvénients d'une privatisation partielle d'Hydro-Québec. Bien sûr, on n'en discutera pas, car «on veut pas savoir», comme dirait Yvon Deschamps.
Une privatisation partielle de HQD pourrait à la fois dégager d'importants revenus pour l'État et permettre à cette entité de se déployer dans d'autres marchés et d'y faire des profits.
Si elle est impossible actuellement, l'étude de ce dossier deviendra peut-être nécessaire quand les marchés financiers exigeront la remise en ordre de nos finances publiques. Le Québec a maintenant une dette nette d'environ 185 G$ (22 230 $ par habitant), représentant 50 % de son PIB (100 % en tenant compte de sa part de la dette fédérale) et dont les intérêts grugent 11 % des revenus du gouvernement.
Cet héritage irresponsable, laissé à nos enfants et à nos petits-enfants, amènera peut-être ceux-ci à voir autrement l'avenir d'Hydro-Québec.