Il ne sera pas facile de trouver la solution optimale aux déficits des régimes de retraite municipaux, mais le gouvernement avait l'obligation de s'attaquer à cet enjeu.
Les syndicats qui représentent les employés municipaux ont déjà déclaré la guerre au projet de loi du gouvernement, mais ils devraient se rendre compte que leurs membres bénéficient de la Cadillac des régimes de retraite, en plus d'être les mieux rémunérés de tous les salariés québécois.
Si la réforme du ministre Pierre Moreau est adoptée, on sauvera peut-être aussi les régimes à prestations déterminées, dont bénéficient presque tous les employés du secteur public, mais qui sont en voie de disparition dans le secteur privé. Ces régimes ont l'avantage de garantir la rente des retraités, tandis que celle des régimes à cotisations déterminées dépend du rendement des placements.
Des enjeux cruciaux
Un des principaux enjeux du projet de loi est le remboursement des déficits des régimes municipaux, qui était de 3,9 G$ à la fin de 2013. La totalité de ces déficits est imputable aux villes, donc, aux contribuables qui, dans une proportion de 47 %, ne participent à aucun régime de retraite.
Ces déficits ont été creusés par plusieurs facteurs : la très grande générosité des régimes, la faiblesse des rendements pendant plusieurs années, l'insuffisance des cotisations en regard des avantages promis, l'espérance de vie plus longue que prévu, la prise de la retraite à un plus jeune âge qu'anticipé et les congés de cotisation que certaines villes ont pris périodiquement.
S'ajoute à cette problématique le fait que les villes cotisent beaucoup plus que leurs employés au financement de leurs régimes de retraite. Cette situation particulière signifie que, si le statu quo est maintenu quant au partage inégal des cotisations, les villes continueront de contribuer beaucoup plus que leurs employés au rétablissement de la situation financière des régimes et à la résorption d'éventuels déficits.
Principes directeurs
La réforme proposée repose sur des principes qui s'appuient sur le gros bon sens :
> l' équité intergénérationnelle : il y a une limite à faire payer les généreuses pensions de retraités des villes par de jeunes contribuables qui ne bénéficieront jamais de rentes comparables ;
> l'équité envers l'ensemble des contribuables, dont la capacité de payer est limitée. La très grande majorité n'aura jamais accès aux mêmes avantages que les employés municipaux ;
> la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées. Si on ne trouve pas de solution aux déficits des régimes de retraite des municipalités, ceux-ci seront appelés à disparaître dans le secteur public, à l'instar de la grande tendance observée dans le secteur privé ;
> l'ouverture à la négociation. Un règlement négocié vaut généralement mieux qu'une entente imposée.
Vers une solution optimale
La solution vers laquelle il faut tendre doit non seulement régler les déficits des régimes de retraite municipaux et les stabiliser financièrement, mais aussi en répartir équitablement la facture entre les différentes parties prenantes : les contribuables, les retraités et les salariés qui ont acquis des rentes sous-financées dans le passé et qui en acquièrent encore d'autres pendant les années en cours.
Le projet de loi propose d'obliger les salariés à payer 50 % du coût de leur régime de retraite pour les années courantes et 50 % des cotisations de rattrapage pour le déficit imputable aux années passées. C'est une norme qui se généralise.
On ne propose pas de réduire les rentes des retraités, mais de suspendre leur indexation automatique aussi longtemps que le régime de retraite n'aura pas retrouvé sa stabilité financière. Étant donné que cet avantage est à peu près inexistant dans les régimes privés, cette concession temporaire est raisonnable.
Les parties devront constituer une réserve pour les périodes de faible rendement. Prudence et diligence valent mieux qu'imprévoyance.
La loi permettra aussi aux parties de négocier la période de temps nécessaire pour rétablir la stabilité financière du régime et éviter un rattrapage trop brutal pour les salariés.
L'État devra également s'attaquer aux déficits de ses régimes de retraite
Les parties auront un an pour s'entendre, à défaut de quoi elles auront accès à un conciliateur du ministère du Travail. Si aucun accord n'est conclu, un arbitre imposera une solution.
Les débats qui s'amorcent seront sans doute musclés, mais, au-delà des retraites des employés municipaux, c'est l'avenir même des régimes à prestations déterminées qui est en jeu.
Par souci d'équité, l'État devra aussi s'attaquer aux déficits des régimes de ses employés, des réseaux de la santé et de l'éducation, des sociétés d'État, des juges et des députés. Les principes qui valent pour les municipalités sont aussi pertinents pour ces derniers.