Il serait étonnant que les récentes démissions à la haute direction et au conseil d'administration d'Hydro-Québec soient toutes des coïncidences.
Le président et directeur général, Thierry Vandal, quittera son poste le 1er mai 2015, deux ans avant la fin de son mandat, et la vice-présidente exécutive et secrétaire générale, Marie-Josée Nadeau, fera de même le 4 mai. Quant au responsable de l'implantation des compteurs intelligents, Georges Abiad, il est parti le 30 janvier 2015.
S'ajoutent à ces départs les démissions du CA de Michel Plessis-Bélair, donnée en douce le 11 novembre 2014, et de Marie-France Poulin, remise à l'été 2014, avant la fin de son mandat.
Haut dirigeant de Power Corporation depuis plusieurs années, M. Plessis-Bélair était l'administrateur le plus qualifié et le plus expérimenté d'Hydro-Québec. Entrepreneure, ex-vice-présidente de Maax et administratrice de sociétés certifiée, Mme Poulin était aussi très qualifiée pour le poste. Les deux étaient probablement déçus du peu d'intérêt de l'État pour la gouvernance d'Hydro, où le principal critère de nomination au CA semble être lié au parti qui dirige le gouvernement lorsque vient le moment de faire des nominations. M. Plessis-Bélair s'est aussi fait accuser d'être en conflit d'intérêts par l'ex-président du CA, Pierre Karl Péladeau.
Il se peut aussi que les dirigeants et les administrateurs démissionnaires soient mécontents de l'emprise de plus en plus grande du gouvernement dans les affaires de la société. Avec l'actuel projet de loi 28, Québec veut récupérer 100 % des bénéfices excédentaires des divisions réglementées (le transport et la distribution) par rapport à la rentabilité estimée par la Régie de l'énergie lors de l'approbation de leurs tarifs.
Par ailleurs, même si le plan stratégique est en principe du ressort du CA selon la Loi sur Hydro-Québec, il est clair que tous les grands objectifs de la société sont décidés par l'État.
Depuis qu'il est en poste, le gouvernement Couillard a nommé Michael D. Penner à la présidence du conseil d'Hydro-Québec et quatre autres administrateurs. Aucun d'eux n'a de compétence et d'expérience reconnues dans la production et la distribution d'électricité ni dans la gestion d'une grande société. Le CA d'Hydro compte maintenant quatre avocats, mais seulement deux ingénieurs en comptant M. Vandal.
La nomination la plus étonnante est celle de M. Penner, qui est propriétaire d'un petit fabricant de chaussettes, Bonneterie Richelieu. L'entreprise a transféré sa production à l'étranger et son principal fait d'armes est la relance d'une usine de bas en Caroline du Nord, grâce à des subventions de cet État. M. Penner n'a aucune expérience en énergie, en finance ni en gouvernance. Il est lié au Parti libéral et, selon The Gazette, il a appuyé M. Couillard lors de la course à la direction du parti.
M. Penner a succédé au député péquiste Pierre Karl Péladeau, qui est resté en poste 10 mois.
Une insulte aux Québécois
Non seulement ces nominations montrent le peu d'importance que le gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir, accorde à la gouvernance d'Hydro-Québec, mais elles sont une insulte aux Québécois qui s'attendent à ce que l'État se soucie réellement de la saine administration de cette société de premier plan. Hydro-Québec gère un actif de 73 milliards de dollars, réalise des revenus de 14 G$ et compte 20 000 employés. Elle a une dette à long terme de 44,5 G$, qui est détenue dans de nombreux marchés.
Comme d'autres présidents du CA avant lui, M. Penner préside également le comité de gouvernance. C'est une aberration puisque, selon la loi, ce comité est responsable de l'évaluation du CA, ce qui revient à dire que M. Penner s'évalue lui-même. Ce cumul de postes n'existe ni à la Caisse de dépôt, ni à Investissement Québec, ni dans le secteur privé.
Comme il y a quatre postes vacants au CA d'Hydro-Québec, neuf nouveaux administrateurs pourraient y avoir accédé en moins d'un an. Il s'agit d'un taux de roulement très élevé. Il appartient au gouvernement de nommer les administrateurs, mais celui-ci doit le faire en fonction des « profils de compétence et d'expérience » approuvés par le CA et qui « doivent inclure une expérience de gestion pertinente à la fonction ». Il serait intéressant de connaître ces profils et de pouvoir vérifier si on en a tenu compte lors des dernières nominations.
Et la relève ?
Le CA doit aussi planifier « la relève des dirigeants ». Il serait pertinent de savoir où en était le CA sur ce plan quand M. Vandal et Mme Nadeau ont annoncé leur départ.
Alors qu'on se soucie de plus en plus de la saine gouvernance dans les organisations privées, ce message semble ignoré par les dirigeants politiques, qui utilisent trop souvent les CA des sociétés d'État et des organismes publics pour récompenser des amis qui ne sont pas toujours qualifiés pour les responsabilités qui leur incombent. Les premiers à le savoir semblent d'ailleurs les dirigeants politiques eux-mêmes, puisqu'ils ne se gênent pas pour court-circuiter les CA qu'ils nomment. C'est très décevant et très inquiétant !
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