Il est très rare que le premier ministre d'une province se mêle d'une campagne électorale fédérale. C'est une tactique risquée, qui peut se retourner contre sa province si le parti qu'il a combattu est élu.
Ce risque n'effraie pas la première ministre libérale ontarienne, Kathleen Wynne, qui n'entend pas plier l'échine devant le chef conservateur fédéral, Stephen Harper. Certains prétendent qu'elle agit de la sorte pour favoriser le Parti libéral de Justin Trudeau, avec qui elle a certainement des affinités politiques. Cependant, elle a une tout autre raison d'accuser M. Harper de ne pas vouloir collaborer avec sa province.
En effet, M. Harper refuse à l'Agence du revenu du Canada (ARC) de percevoir les cotisations du nouveau régime de retraite que l'Ontario veut mettre en place, et dont la loi constitutive a été adoptée en avril. Il s'agit de l'Ontario Retirement Pension Plan (ORPP), qui sera décrit plus loin.
Kathleen Wynne croyait pouvoir compter sur la coopération de l'ARC, qui perçoit déjà les cotisations du Régime de pensions du Canada (RPC) pour l'ensemble des provinces, à l'exception du Québec. Celui-ci est autonome à cet égard avec le régime de retraite du Québec, l'Agence du revenu du Québec, qui en perçoit les cotisations, et la Caisse de dépôt et placement, qui gère les fonds.
C'était mal connaître l'obstination et le cynisme dont est capable Stephen Harper. Pensons à son refus de transférer, à Québec, les fichiers québécois du registre fédéral des armes à feu. Il a préféré les faire détruire en sachant pertinemment que les Québécois avaient payé leur part de son coût et qu'ils paieront de nouveau pour en créer un autre. De la même façon, le premier ministre Harper sait très bien qu'il coûtera plus cher à l'Ontario de gérer son système de retraite que de sous-traiter cette tâche à l'ARC.
Après un bref point de presse tenu récemment à Markham, en Ontario, Stephen Harper a attaqué l'ORPP, qu'il a qualifié de «hausse de taxe sur la masse salariale». Il s'est également félicité de son refus de permettre à l'ARC de percevoir les cotisations du nouveau régime, «ce qui le rendra plus difficile à mettre en place». Qui en paiera le coût ? Les Ontariens.
Désinformation odieuse
Le futur ORPP n'a rien d'une taxe, car ses cotisations ne vont pas à l'État. Elles financeront plutôt les rentes de 3,5 millions d'Ontariens qui ne participent pas à un régime d'employeur ou qui n'épargnent pas pour leur retraite.
M. Harper veut plaire aux salariés et aux employeurs qui ne veulent pas payer pour cela. Cette désinformation odieuse rappelle celle de certains ténors républicains qui ont fait peur aux Américains en pourfendant le projet d'assurance maladie de Barack Obama.
L'ORPP aura ses enjeux, mais il sera, tout compte fait, un meilleur dispositif que le régime volontaire d'épargne-retraite (RVER) du Québec, qui restera marginal en plus de coûter cher à administrer. C'est le compromis que Québec a trouvé pour plaire aux employeurs et aux gestionnaires de fonds. Ainsi, certains ne feront rien de plus pour leurs salariés, et la Caisse de dépôt et placement n'aura pas plus de fonds à gérer.
L'ORPP ressemble au RPC. Il sera mis en vigueur en quatre phases, en commençant par les entreprises de 500 salariés et plus en 2017. Suivront les entreprises de 50 à 499 salariés en 2018 et de moins de 50 salariés en 2019. Les régimes qui ne seront pas encore en phase avec l'ORPP devront l'être en 2020. Les cotisations croîtront graduellement, passant de 0,8 % des revenus pour chaque partie (employeur et employé) en 2017 à 1,9 % en 2020 et au cours des années subséquentes. Cette cotisation s'appliquerait sur tous les revenus gagnés jusqu'à 70 ans et jusqu'à concurrence de 90 000 $. Elle atteindrait alors un maximum de 3 420 $ par an pour les deux parties (90 000 $ x 1,9 % x 2). Au terme de 40 ans, le bénéficiaire aurait droit à une rente annuelle de 12 815 $ (6 410 $ si son revenu maximum a été de 45 000 $) s'il a toujours cotisé le maximum. Cette rente s'ajouterait à la pension de la Sécurité de la vieillesse et à celle du RPC.
Les employeurs qui ont un régime à prestations déterminées décent seraient exemptés, tout comme ceux qui offrent à leurs salariés un régime à cotisations déterminées qui leur permet de contribuer pour au moins 8 % de leurs revenus.
Certes, ce régime coûtera cher aux entreprises qui n'offrent pas de régime de retraite (65 % des salariés ontariens n'en sont pas pourvus). De plus, il sera vu comme de l'épargne forcée pour bien des salariés qui n'épargnent pas pour leur retraite. Mais ne faut-il pas forcer la main de certains si on veut leur éviter de vivre leurs dernières années dans la pauvreté ?
L'ORPP est la réponse de l'Ontario au fait que les gouvernements n'aient jamais pu s'entendre sur une amélioration du Régime de pensions des Canadiens. Le compromis d'ouvrir le RPC (et le Régime de rentes du Québec) à des cotisations optionnelles, qui était intervenu en 2010, a été tué par nul autre que le gouvernement Harper. Or, voilà que le ministre fédéral des Finances, Joe Oliver, réintroduit cette idée dans le débat. Le fait-on à dessein, pour court-circuiter le gouvernement ontarien ? Quoi qu'il en soit, c'est sûrement une idée à considérer, puisque toute la machine administrative est en place pour le faire (perception des cotisations, gestion des fonds, gestion des rentes).
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