Rompant avec un règne de 44 ans du Parti progressiste-conservateur (PC), les Albertains viennent de confier leur sort au Nouveau Parti démocratique (NPD), qui n'avait que quatre sièges lors du déclenchement des élections et qui n'avait recueilli que 10 % du suffrage exprimé lors de l'élection de 2012.
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Profitant d'une division de la droite, le NPD s'est faufilé au pouvoir avec 41 % des votes, comparativement à 28 % pour le PC et à 24 % pour le Wildrose, une formation encore plus à droite que le PC. À l'élection de 2012, ces deux partis avaient recueilli 78 % des votes au total. Quant au Parti libéral, il est passé de 10 %, en 2012, à un famélique 4 % cette année.
Ayant fait élire 53 députés sur un total de 87, le NPD a profité d'une vague, mais le résultat est loin d'être un raz-de-marée. Les partis de droite devancent toujours le NPD.
On peut y voir une analogie avec la vague orange survenue lors des élections fédérales au Québec en 2011, alors que le NPD avait reçu 43 % des votes exprimés et avait fait élire 58 députés sur un total de 75.
Bien des Québécois avaient voté davantage pour Jack Layton, un leader affable et sans prétention, que pour son parti. Ils ont perçu chez lui une grande authenticité, comme c'est le cas pour un grand nombre d'Albertains à l'égard de la chef néo-démocrate, Rachel Notley. Cette femme de 51 ans, avocate de formation, a toujours pris la cause des travailleurs et défendu les systèmes publics d'éducation et de santé. Ses racines sont profondes. Son père, Grant Notley, a aidé à fonder le NPD albertain il y a 50 ans. Il en a même été le seul député de 1971 à 1982.
Son principal adversaire, le chef du PC, Jim Prentice, a une image de politicien de carrière. Issu d'un parti usé qui a mal géré les finances publiques, il a frayé avec le grand capital, ayant été vice-président du conseil d'administration de la Banque CIBC. En disant aux Albertains de « se regarder dans le miroir » pour expliquer l'état désastreux des finances de leur province, il leur a fait partager la responsabilité de ce gâchis. Autre maladresse, il a devancé d'un an les élections pourtant prévues à date fixe. Confiant, il a présenté juste avant les élections un budget déficitaire de cinq milliards de dollars comportant des hausses d'impôt et de taxes pour les particuliers.
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Des défis considérables
On ne peut certes pas attribuer à M. Prentice la situation financière du gouvernement, dont il a hérité en septembre 2014, ni le déclin de l'économie de l'Alberta, qui a un taux de croissance réelle estimé à seulement 0,5 % en 2015. Les raisons : l'effondrement du prix des hydrocarbures, dont la province est très dépendante, tout comme les finances du gouvernement et la chute des investissements dans ce secteur.
Cette réalité rendra la vie très difficile au gouvernement que doit constituer Rachel Notley, qui sera formé d'un caucus de 49 nouveaux élus, donc néophytes sur le plan politique et en matière de gestion des affaires de l'État. Rachel Notley a beaucoup promis : révision à la hausse des redevances tirées de l'exploitation des hydrocarbures, relèvement de 10 % à 12 % du taux d'impôt sur les bénéfices des sociétés, nouveaux taux d'impôt progressif pour les particuliers gagnant plus de 125 000 $ par année, augmentation du salaire minimum à 15 $ de l'heure, gel des droits de scolarité des étudiants, meilleur financement de l'éducation et des garderies, appui financier accru aux dépenses d'infrastructures des municipalités et du secteur de la santé.
En plus d'avoir à présenter un nouveau budget, elle doit aussi statuer rapidement sur les objectifs de réduction des gaz à effet de serre provenant des sables bitumineux que le gouvernement fédéral veut présenter à la réunion du G7, le 7 juin prochain.
Des militants qui devront patienter
Il est évident qu'elle devra reculer sur un certain nombre de ses promesses, surtout sur celles qui sont les plus inappropriées, compte tenu de la chute des revenus, des bénéfices et des investissements du secteur des hydrocarbures.
Elle aura aussi à faire patienter ses militants de centre gauche, dont les attentes sont parfois irréalistes, et courtiser les 59 % d'électeurs qui n'ont pas voté pour les politiques de son parti.
Elle bénéficiera d'une période de grâce, mais qui pourrait être de courte durée si les prix du pétrole et du gaz ne remontent pas et si, par conséquent, l'économie ne reprend pas. Fondamentalement, elle aura à réconcilier les valeurs de centre gauche de sa base militante et d'une population de plus en plus sensible au développement durable avec les enjeux d'une économie fondée sur l'exploitation des énergies fossiles.
Les milieux économiques et financiers se sont montrés discrets sur l'avènement du nouveau gouvernement. Cela ne veut pas dire qu'ils n'ont pas une certaine appréhension quant à l'avenir de l'économie albertaine, surtout si le prix des hydrocarbures reste bas. Il en est sans doute ainsi pour l'ensemble du pays en raison de l'importance de l'économie de l'Alberta et des revenus qu'elle procure au gouvernement fédéral et à de nombreux résidents des autres provinces.
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