Bien des enjeux ont été soulevés au cours de l'épuisante campagne qui s'achève, mais l'un d'entre eux domine incontestablement tous les autres : c'est la possibilité de la tenue d'un référendum sur la souveraineté du Québec.
Cet objectif est d'ailleurs la raison première de l'entrée en politique de nouveaux candidats, comme l'a bien démontré Pierre Karl Péladeau.
C'est aussi la raison d'être du Parti québécois (PQ), ce qui explique qu'il reçoive l'appui de gens qui n'ont rien en commun, issus aussi bien de la gauche militante que de la droite antisyndicale, qui sont prêts à marcher sur des valeurs qu'ils ont défendues pendant des années pour «faire du Québec un pays». Pauline Marois ne peut pas prétendre que le but de cette élection soit simplement d'élire un gouvernement. Elle renierait le programme de son parti si elle se contentait de vouloir diriger une province. Après être devenue la première femme à diriger le Québec, son grand rêve à court terme ne peut être autre que d'enclencher le processus menant à un référendum sur la souveraineté. C'est légitime, mais il n'est pas évident que ce soit dans l'intérêt collectif. Les risques de cette aventure sont élevés.
Le processus électoral a été déclenché par des sondages qui ont amené les stratèges péquistes à croire à la possibilité de former un gouvernement majoritaire et à celle de favoriser la démarche menant au pays dont ils rêvent. Et même si la survie du gouvernement n'était pas menacée (celui-ci aurait pu faire adopter plusieurs éléments de ses projets de loi 14 sur la langue et 60 sur la charte des valeurs), le PQ avait élaboré une stratégie électorale bien réfléchie, appuyée sur le réflexe identitaire, comme Mario Dumont l'avait fait avec succès en 2007 pour propulser l'Action démocratique du Québec au statut d'opposition officielle, devant le PQ.
La stratégie péquiste s'appuie sur deux cordes sensibles : 1. la protection du français, que de nombreux francophones estiment menacé ; 2. la protection de certaines valeurs (neutralité religieuse de l'État, laïcité, égalité hommes-femmes, accommodements raisonnables), auxquelles adhèrent un grand nombre de citoyens.
Ces deux projets de loi sont litigieux sur certains aspects, ce qui importe peu aux stratèges péquistes. Ce qui leur importe, c'est que ces projets rejoignent les préoccupations des francophones et qu'ils se traduisent en votes pour leur parti, même si l'appui ainsi obtenu résulte d'un sentiment d'insécurité excessif sur le plan linguistique ou encore de la peur de l'autre, comme l'a illustré Janette Bertrand en parlant de la perte hypothétique du droit d'usage de la piscine qu'elle fréquente.
Contrairement à René Lévesque, les stratèges péquistes n'éprouvent aucune gêne à l'idée de restreindre encore les libertés linguistiques des non-francophones. On peut même se demander si certains militants ne seraient pas contents de l'exode des plus mécontents d'entre eux, qui seraient ainsi moins nombreux à voter contre le PQ.
Alors qu'elle a toujours prétendu que le projet de loi 60 était constitutionnel, voilà que Pauline Marois affirme que son gouvernement pourrait recourir à la clause dérogatoire de la Charte canadienne des droits pour protéger sa charte des valeurs contre tout recours juridique sur l'interdiction du port de signes et de vêtements religieux ostentatoires par les salariés de l'État et d'autres organisations. C'est odieux, mais bon...
Autres enjeux prioritaires
Même si les partis susceptibles de former le prochain gouvernement divergent d'opinion sur la question identitaire, celle-ci restera à l'ordre du jour du parti qui sera élu. Mais quatre grands enjeux devront aussi retenir son attention :
- La démographie. Puisque la population du Québec vieillit très rapidement, il importera d'optimiser le rendement de nos établissements d'enseignement et de formation de la main-d'oeuvre. Il faudra encourager nos citoyens à rester au Québec, attirer plus d'immigrants et s'assurer de bien les intégrer.
- L'investissement. Composante majeure du produit intérieur brut, l'investissement privé devra être encouragé. Pour cela, il faut un climat d'affaires favorable, ce qui signifie contrer l'incertitude et les irritants qui ont repoussé les investisseurs pendant plusieurs décennies.
- Les finances publiques. Parmi les provinces, et toutes proportions gardées, le Québec est celle qui dépense le plus, qui prélève le plus d'impôt et qui a la dette la plus élevée. Le gouvernement dépend fortement du fédéral pour se financer. Un redressement majeur s'impose.
- La santé. Étant de loin le plus important poste budgétaire du gouvernement (49,4 % des dépenses de programmes), le système de santé souffre d'inefficacité tout en accaparant une part toujours plus grande des dépenses de l'État. Beaucoup d'optimisation en perspective.
Il reste à espérer que, face à tous ces défis, le nouveau gouvernement travaille en harmonie avec toutes ses parties prenantes.