Le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, Gaétan Barrette, veut s'approprier la gestion de 49 % du budget des dépenses de programmes du gouvernement du Québec.
En effet, tel sera l'effet du projet de loi 10 sur la réorganisation du système de santé si celui-ci est adopté sans amendement majeur. Il n'y a pas que l'ex-ministre Claude Castonguay qui a qualifié ce projet de loi de «catastrophique». C'est aussi l'avis des experts qui ont participé récemment à un colloque de l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux.
Il est probable que le ministre fasse fi de ces commentaires, car il se comporte comme s'il était le seul à posséder la vérité et qu'il était capable de gérer le système de santé à lui seul.
En effet, le projet de loi donne au ministre le pouvoir :
> de dresser le plan stratégique de chaque centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) et de l'imposer à son conseil d'administration (CA) et à sa direction. Les CISSS seront au nombre de 16 (un par région administrative). Toutefois, les quatre centres universitaires de la région de Montréal (CHUM, CUSM, Sainte-Justine et Institut de cardiologie) conserveront leur statut ; ils seront régis par la même loi ;
> de décider de la structure organisationnelle de chaque CISSS. En Montérégie (1,5 millions de personnes), le CISSS regroupera 19 entités différentes ; ce sera tout un défi de gestion de faire travailler tout ce monde-là ensemble ;
> de nommer les administrateurs de chaque CISSS, son directeur général et son directeur général adjoint. Au préalable, les membres indépendants des CA auront été sélectionnés et recommandés au ministre par un comité d'experts qu'il aura nommés, selon les profils de compétence qu'il aura déterminés (actuellement, c'est le conseil des ministres qui nomme les membres des CA ; les directeurs généraux sont nommés conjointement par le conseil des ministres et le CA de leur établissement) ;
> de démettre toutes les personnes qu'il aura nommées s'il le juge à-propos ;
> d'émettre des directives «sur les objectifs, les orientations et les actions» des CISSS ;
> d'assurer la coordination de leurs activités ;
> de fixer leurs enveloppes budgétaires (par programme-service) et d'interdire toute permutation des sommes prévues dans ces enveloppes, sans égard aux besoins régionaux ;
> d'autoriser les CA des CISSS qui voudraient se doter de comités consultatifs pour des besoins spécifiques ; dans l'affirmative, de nommer les membres qui en feraient partie.
Des effets pervers
Cette centralisation à outrance de la gestion du système de santé et de services de santé entre les mains d'une personne aura des effets pervers :
> démotivation des administrateurs et des dirigeants des CISSS, qui deviendront de simples exécutants ;
> déconnexion des CISSS des besoins spécifiques à leur région, puisqu'ils ne pourront pas réallouer les budgets en fonction de ces besoins ;
> bureaucratisation accrue. Puisque le ministre veut tout imposer et tout contrôler, on multipliera les rapports au ministre ; les postes que l'on abolira dans les agences se retrouveront ailleurs. On aura l'effet inverse du discours ;
> politisation du système. Les pouvoirs énormes que s'arroge le ministre auront pour effet de politiser davantage le système ;
> réorganisation syndicale complexe et coûteuse. Les fusions de centaines d'entités déclencheront du maraudage et des fusions d'accréditations ; une opération qui surviendra en plein renouvellement des conventions collectives des employés des secteurs publics et parapublics ;
> les patients ne pourront plus être servis dans l'hôpital de leur choix. Par exemple, un patient de la Montérégie ne pourra plus opter pour un hôpital situé à Montréal.
Un échec appréhendé
Si ce projet de loi n'est pas amendé sérieusement, il risque d'être un échec majeur.
Alors que l'État propose de rémunérer les administrateurs indépendants - ce qui est nouveau -, on devrait leur donner la responsabilité d'élaborer leur plan stratégique, de veiller à répondre aux besoins spécifiques de leur région, de faire des permutations budgétaires et de rendre des comptes.
Pour vendre son projet, le ministre soutient que sa réforme fera économiser 220 millions de dollars. Cette estimation est un mirage.
Si le ministre veut s'attaquer au coût excessif du système, il devrait revoir la rémunération des médecins, qui incite à la surconsommation, déléguer des actes aux infirmières, qui coûtent moins cher que les médecins, et s'attaquer aux problèmes du surdiagnostic et de la non-pertinence de certains examens et traitements.
Il doit aussi mettre les médecins dans le coup. Alors que les associations de médecins se comportent en syndicats, il devrait en faire des partenaires. Il faut que le Ministère et la RAMQ, qui paie les médecins, travaillent ensemble.
Voilà des pistes de réforme plus prometteuses que la réforme de structure que propose le projet de loi 10.
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Je n'aime pas
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