Il n'y a pas que la bâtonnière du Québec, Me Lu Chan Khuong, qui soit dans l'eau chaude. Le Barreau se retrouve lui aussi dans l'embarras, car il doit maintenant gérer sa décision de la suspendre alors que de nombreux avocats lui reprochent d'avoir agi de façon précipitée.
Rappelons les faits qui ont mené à la crise que vit cet ordre professionnel.
1. Peu avant d'être élue vice-présidente du Barreau en 2014, Me Khuong a fait l'objet d'une plainte policière à la suite d'un présumé vol à l'étalage de deux pantalons. Elle prétend avoir oublié de les payer par distraction.
2. Le procureur de la Couronne lui a offert de se prévaloir du Programme de traitement non judiciaire de certaines infractions criminelles commises par des adultes. Ce programme, qui vise des infractions mineures, a pour but d'éviter un casier judiciaire à une personne qui serait jugée coupable à la suite d'un procès. Ainsi, son nom a été inscrit sur une liste confidentielle pour une durée de cinq ans.
3. Comme des milliers d'autres personnes, Me Khuong a accepté cette non-judiciarisation pour éviter un procès. Celui-ci aurait été très médiatisé, puisqu'elle siégeait au conseil d'administration du Barreau et que son conjoint, l'avocat et ex-ministre de la Justice Marc Bellemare, est une personnalité connue. Ce procès aurait probablement ruiné ses chances d'accéder à la présidence du Barreau au printemps 2015.
4. La liste des personnes non judiciarisées est confidentielle : elle est connue d'un nombre restreint d'avocats de la Direction des poursuites criminelles et pénales (DPCP). C'est pourquoi Me Khuong a pris le risque de ne pas en informer le Barreau. On sait maintenant qu'elle aurait dû divulguer cette information au CA du Barreau, où tout ce qui y est dit doit rester confidentiel. Elle a dû craindre que cette règle ne soit pas respectée.
5. La nature humaine étant parfois vilaine, une autre règle de confidentialité a, semble-t-il, été brisée. Des avocats pensent que la divulgation à La Presse+ de la faute reprochée à Me Khuong viendrait d'une source proche de la DPCP ou de la police, puisque les employés du magasin, où aurait été commis l'incident, ne connaissent pas les noms des personnes non judiciarisées.
6. S'agirait-il d'un «règlement de compte», comme le suggère Me Claude Provencher, ex-directeur général du Barreau ? L'élection à la présidence de l'ordre s'est faite au terme d'une campagne électorale assez vive, qui a opposé Me Khuong et un avocat montréalais, Me Luc Deshaies, qui s'est présenté à la tête d'une équipe de candidats pour tous les postes en jeu à l'élection. La plupart des membres de son équipe ont été élus, mais Me Deshaies a été battu par Me Khuong, qui a récolté 63 % des votes. Rien n'indique que l'équipe de Me Deshaies ait été impliquée dans la fuite à La Presse+.
7. Dès qu'il en a été informé, le Barreau a convoqué une réunion de son CA, qui a exigé la démission de la bâtonnière. Face à son refus, le CA, qui est en grande partie composé de membres de l'équipe de Me Deshaies, l'a suspendue. On explique que la bâtonnière doit être au-dessus de tout soupçon, car sa fonction représente le système de justice. Estimant cette décision «déraisonnable», Me Khuong entend la contester.
8. Le Barreau a-t-il réagi trop vite ? La faute reprochée à Me Khuong, qui n'a été ni admise ni prouvée, est-elle si importante, sachant que des juges ont continué de siéger après avoir fait des bêtises ? Que fait-on de la présomption d'innocence ? Quoi qu'il en soit, le CA du Barreau se retrouve dans une situation très difficile qui, de plus, risque de diviser ses membres. Peut-il suspendre indéfiniment sa bâtonnière ? Dans ce cas, il devra demander à l'un des deux vice-présidents, qui sont de l'équipe Deshaies, d'exercer la présidence. Peut-il destituer sa bâtonnière pour cet incident, alors même que Me Khuong reçoit un fort courant de sympathie ?
Séquelles et leçons
Alors que la réputation de la bâtonnière est entachée, le Barreau devra aussi gérer les séquelles laissées par le débat sur les coûts d'admission à la pratique et d'assurance responsabilité. Me Khuong a fait campagne en promettant de réduire à la fois ces coûts et les dépenses du Barreau. Pour un avocat ayant quatre ans et plus de pratique, ces frais dépassent 3 500 $ par année.
Que retenir de tout cela ? Que la transparence et l'intégrité sont des valeurs primordiales ; que l'éthique ne peut souffrir d'aucune apparence de manquement ; que la gouvernance d'une organisation doit prévoir que le pire peut arriver ; que les processus électoraux des administrateurs doivent être gérés de façon à éviter des divisions au sein d'un CA.
On comprend très bien le refus de Me Khuong de démissionner, mais celle-ci ferait un geste éminemment honorable d'offrir au Barreau de reprendre l'élection à la présidence. Même s'ils ne sauront jamais si Me Khuong a vraiment agi par distraction dans la faute qu'on lui reproche, les avocats sauraient à quoi s'en tenir face à sa candidature et à celle de son adversaire. Si elle est réélue, sa légitimité sera assurée. Si elle est battue, elle subira les conséquences de son manque de transparence. Dans l'un et l'autre cas, elle aura montré sa grandeur.
J'aime
La Société des traversiers du Québec exploitera à compter de la mi-juillet un bateau alimenté au gaz naturel liquéfié (GNL). Comme le GNL est plus écologique que le mazout, à quand la conversion au GNL de la centrale de production d'électricité d'Hydro-Québec aux Îles-de-la-Madeleine ?
Je n'aime pas
Pour préserver des emplois à l'usine de Bombardier à Thunder Bay, la Toronto Transit Commission (TTC) lui confie la construction de ses tramways. Or, seulement 6 des 50 voitures du dernier contrat ont été livrées dans les délais prévus. De plus, ces voitures sont si mal assemblées que la TTC envisage d'annuler son option d'en acheter d'autres. Une vieille technologie, une vieille usine et des problèmes de main-d'oeuvre expliquent ce fiasco. En Europe, Bombardier construit des trains à la fine pointe de la technologie.