Ils étaient quatre jeunes étudiants. Un jour, l'un d'entre eux a brisé ses lunettes. Les remplacer coûtait si cher qu'il passa tout un semestre sur les bancs de l'université sans ses verres. Avec ses amis fatigués de l'entendre se plaindre, il décida de s'attaquer au problème. Le constat a été rapide : si le prix des lunettes est élevé, c'est que l'industrie est dominée par un géant, l'italien Luxottica. Les quatre jeunes ont ainsi lancé en février 2010 leur propre boutique de lunettes en ligne. L'américaine Warby Parker était née. Premier objectif : offrir des lunettes à un prix abordable. Comment ? Principalement en réalisant eux-mêmes le design des montures. Deuxième objectif : parce que tout le monde a le droit de voir, pour chaque paire vendue, une autre serait offerte à quelqu'un qui en aurait besoin.
Les quatre comparses ont ensuite ajouté leur petite touche. Le design des lunettes serait cool avec un style rétro. Si vous surfez sur leur site, l'approche est plutôt ludique. Enfin, la stratégie médias sociaux a été minutieusement pensée pour bâtir la marque autour du concept : acheter des lunettes, c'est sympathique et pas cher.
En quatre ans, Warby Parker a ainsi révolutionné le marché de la lunetterie. Elle est devenue la marque tendance que tout le monde s'arrache. Il s'agit de l'entreprise la plus innovante du monde en 2014 dans le secteur du commerce de détail, selon le magazine Fast Company. Le succès est tel que l'entreprise de New York a décidé en 2013 d'avoir pignon sur rue aux États-Unis. Elle y compte 10 boutiques. Selon le Wall Street Journal, Warby Parker vend pour 3 000 $ US de produits par pied carré par an, ce qui en ferait le détaillant le plus lucratif après Apple (4 568 $ US). Ses revenus avoisineraient les 100 M$ US.
Quand on y pense, la recette du succès n'a rien d'extraordinaire : il s'agit d'une histoire authentique habilement exploitée. Tout y est simple et logique. Tenez, par exemple, pourquoi le nom de Warby Parker ? Les quatre étudiants sont des fans du célèbre écrivain Jack Kerouac. Ils ont combiné deux noms utilisés dans les oeuvres du père du mouvement beat aux États-Unis pour former le nom de Warby Parker, finalement un clin d'oeil au design vintage de leurs produits. Autrement dit, Warby Parker est à l'image de ses fondateurs. Un beau modèle d'inspiration pour le secteur du commerce de détail canadien, dont la route est actuellement semée d'embûches.
«Une fois de plus, nos valises cabossées s'empilaient sur le trottoir ; on avait du chemin devant nous. Mais qu'importe : la route, c'est la vie.», tiré du livre Sur la route, de Jack Kerouac.
Géraldine Martin
Éditrice adjointe et rédactrice en chef,
Groupe Les Affaires
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