Blogue. Annonce surprise vendredi, en fin de journée: le hedge fund Pershing Square Management détient désormais une participation de 12,2% dans le CP. Quel peut bien être le plan de match de Bill Ackman?
Pershing Square n'a pas la réputation d'être un investisseur passif. Le fonds est dans le passé notamment entré au capital de sociétés comme McDonald's, Wendy's, Sears Canada, J.C. Penney et Target. Rarement les choses ont ensuite été tranquilles.
Dans Wendy's, en 2006, le fonds a utilisé sa position de 9,9% pour forcer l'essaimage de Tim Horton's. Deux mois après le spin off, Pershing ressortait avec un rendement de 67% sur deux ans.
Chez Sears Canada, le fonds était entré au capital début 2005 alors que le titre se négociait à 10$. Avec la complicité de deux autres actionnaires, il avait alors bloqué une tentative de Sears Holding (la société mère américaine) de privatiser la compagnie à 16,86$ par action. La participation allait finalement être vendue à Sears Holding en avril 2010, mais à 30$, soit trois fois sa mise.
D'autres bons coups furent réalisés, note CIBC Marchés mondiaux. Avec J.C. Penney (depuis 2010) le gain est de 43%. Avec McDonald's, il fut de 78% sur deux ans.
Tout ce que touche le hedge fund ne se transforme cependant pas nécessairement en or.
L'aventure Target en 2007, fut un cuisant échec. Pershing Square IV, un fonds spécialement dédié pour des opérations sur le détaillant, commença à acheter à 63,60$. Il vendit finalement ses actions au premier trimestre 2011 autour de 50$ par action. Pendant ce temps, les investisseurs du fonds, eux, étaient à perte de 90%...
La participation de plus de 30% dans Borders n'empêcha pas non plus le libraire de faire faillite.
Quel est le plan de match pour le CP?
Bonne question.
L'hypothèse de la mise en vente ne manquera pas d'être soulevée, mais on n'y attacherait pas une très forte probabilité, du moins à court terme.
La meilleure façon d'obtenir un bon prix pour un actif est d'améliorer sa rentabilité ou de structurer différemment des éléments d'actif dont le marché reconnaît mal la valeur.
Monsieur Ackman a une solide expertise en immobilier. Il est possible que quelque chose soit en plan de ce côté.
En 2007, Brookfield Asset Management avait demandé un accès aux livres du CP pour se livrer à une vérification diligente en vue, présumait-on, d'une offre qui aurait conduit à la séparation de l'entité en deux nouvelles sociétés. L'une aurait été propriétaire du réseau de chemin de fer et l'autre des activités du transporteur.
Un tel modèle aurait cependant peu de chance d'être approuvé par les autorités réglementaires. Celles-ci seraient vraisemblablement préoccupées par le risque de voir la compagnie immobilière réduire au minimum ses investissements, avec tous les risques pour la sécurité des passagers que cela suppose. Il y aurait aussi un risque de voir les coûts de transport augmenter au pays puisqu'il faudrait ajouter une deuxième marge bénéficiaire pour les mêmes activités.
Accélérer la rentabilité ne sera pas facile
Accélérer la rentabilité ne sera pas facile
Reste donc la voie de l'amélioration de la rentabilité. Une voie qui ne s'annonce pas facile.
Le CP affiche actuellement un ratio d'exploitation se situant autour de 75% (coûts d'exploitation sur les revenus). C'est un ratio très élevé comparativement à celui du CN, qui se situe dans le bas des 60%.
Le CN est cependant le transporteur ferroviaire avec le meilleur ratio en Amérique du nord et différents facteurs font que celui du CP pourrait prendre un certain temps à fondre.
Le Canadien Pacifique a pour objectif de ramener son ratio près de 70%, mais sur 3 ou 4 ans.
Valeurs mobilières TD explique entre autres que les coûts des régimes de retraite devraient atteindre un sommet de 125 M$ en 2013, comparativement à 46 M$ en 2011, pour ensuite revenir dans une fourchette 80-100 M$.
Une partie des gains en efficacité que le transporteur vise à obtenir passe de même par une série d'investissements dans ses embranchements au cours des 3 ou 4 prochaines années. Même si le capital était illimité, la capacité de la compagnie à accélérer ces investissements est limitée par le fait qu'ils consomment du temps de chemin de fer.
Il faudra donc du temps, et il ne faudrait pas non plus avoir d'attentes démesurées sur le ratio atteignable. Le réseau du CP commandera vraisemblablement toujours plus de dépenses que celui d'autres sociétés ferroviaires. Du fait qu'il traverse les Rocheuses, il doit composer avec plus de dénivelée et est davantage exposé aux avalanches et inondations.
Faut-il prendre le train avec Pershing?
BMO Marchés des capitaux calcule qu'au niveau actuel du titre (61,60$), le marché escompte déjà un ratio d'exploitation de près de 73%. Un ratio de 70%, qui arriverait en 2014, signifierait une valeur de 72$ pour le titre.
Parvenir à ce niveau avant permettrait sans doute d'accroître un peu cette valeur. À l'inverse, un nouvel arrivant qui connaît peu le monde ferroviaire a aussi le potentiel de faire dérailler le plan de match actuel. Rien ne garantit que son plan sera plus intéressant. Il pourrait même l'être moins.
Il ne s'agit pas de dire que le CP est sans potentiel à long terme. Seulement de constater que l'arrivée de Pershing ne semble pas ajouter significativement à ce potentiel.