BLOGUE. Faut-il demander plus aux minières qui décident d'exploiter des gisements au Québec?
Ce n'est pas dans l'enthousiasme que l'industrie minière et le gouvernement du Québec se préparent pour le forum sur l'impôt minier, qui a lieu ce vendredi.
Les miniers voient d'un mauvais œil la volonté du gouvernement de revoir complètement le système et d'en plus instaurer un impôt sur le «surprofit».
Le débat est complexe, et il est facile de s'y perdre.
Le régime actuel
Le régime en place prévoit un impôt de 16% qui s'applique aux profits miniers selon une approche «mine par mine». S'ajoutent un impôt provincial de 11,9% et un impôt fédéral de 15%. De même que 12% de taxes et charges sur la masse salariale (RRQ, CSST, etc.) (dixit PricewaterhouseCoopers).
Essentiellement, c'est l'impôt de 16% sur le profit des mines qui constitue la redevance que reçoit le Québec pour son or, son nickel, son cuivre, ou son fer. Mais il faut prendre en compte l'ensemble des charges publiques pour vérifier la compétitivité du régime avec les autres juridictions.
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Il s'est écrit et dit beaucoup de choses sur le dernier régime minier du gouvernement libéral. Certains lui ont notamment reproché d'être inefficace, soulignant qu'en 2011, la moitié des sociétés minières n'ont pas payé de redevances.
Mieux vaut ne pas déchirer sa chemise trop rapidement. En début d'investissements, le régime permet aux minières de récupérer pendant un certain temps leur argent (elles bénéficient de déductions et d'allocations). Il y a un certain délai avant que l'État ne commence à se servir. Si bien que la statistique peut aussi plutôt être vue comme positive pour l'avenir.
Il a aussi été reproché au régime d'être encore trop généreux pour les minières. En termes de compétitivité canadienne, il est vrai que les écarts ne sont pas nécessairement très grands, mais il est celui qui demande le plus aux minières, après le Yukon.
Son principal défaut se trouve plutôt dans le fait que la redevance s'applique sur le profit et non sur le prix des ressources elles-mêmes. Lors des cycles baissiers, le gouvernement du Québec risque de se retrouver avec de fortes baisses de revenus susceptibles de lui causer des difficultés avec ses cibles budgétaires.
Le Parti québécois souhaite notamment amender le régime et appliquer les redevances sur la valeur de la ressource (ad valorem) afin de régulariser les entrées de fonds.
Malheureusement, l'approche a aussi un défaut. Elle ajoute du fardeau sur les minières lors de bas cycliques. Or, un régime moins accommodant dans les temps difficiles n'envoie pas vraiment un signal d'investissement. Et le Québec a besoin des investissements des minières pour que son minerai ait une valeur.
Personnellement, on serait plutôt porté à conserver le régime actuel, et à examiner la possibilité d'envoyer les redevances dans un fonds, duquel on prélèverait les revenus lors des cycles baissiers. Il faudrait voir avec les comptables s'il n'y a pas moyen de monter quelque chose du genre, sans pénaliser le fonds des générations.
Faut-il taxer le surprofit?
Faut-il taxer le surprofit?
Voici l'autre question. Et sans doute la plus importante de ce forum.
Qu'est-ce que le surprofit?
Sans aller trop loin dans les détails techniques, c'est tout le profit qui se trouve au-delà du rendement auquel s'attend un investisseur lorsqu'il place dans une entreprise. Le rendement attendu par un investisseur est ce qu'on appelle le taux de rendement interne. C'est un chiffre qui varie selon les risques d'un projet, selon les secteurs, selon le niveau d'emprunt et souvent aussi, selon l'humeur ambiante. Professeur à l'UQAM, Yvan Allaire s'est penché sur la question. Il cite un bulletin de Ressources naturelles Canada, qui, en 2011, a déterminé que le taux de rendement interne pour un projet minier moyen est de 15% (avant taxes et impôts) et de 30% pour un projet très rentable.
Les exemples fournis par monsieur Allaire permettent de voir que s'il prenait une cote de 30% lorsque les profits dépassent une attente à 15%, sur certaines années fortes, le trésor public pourrait encaisser entre 70% et 100% plus de revenus que dans le régime actuel. Dépendamment de la force des surprofits, les sociétés minières conserveraient des rendements internes de 17 à 30% sur leurs investissements. Plus élevés que l'attente.
L'approche est défendable, surtout que le gouvernement est prêt à garantir un rendement annualisé (les années de pertes seraient reportées dans le futur) au minières avant de se servir.
Idée exécutable? Ça c'est une autre histoire.
Peut-être dans le fer, où la compétition vient beaucoup de Chine et de l'Australie. La Chine a des coûts de production plus élevés, ce qui, au plan de la compétitivité internationale, nous laisse de la place pour majorer. L'Australie a des coûts de production beaucoup moins élevés, mais un régime un peu plus gourmand, ce qui laisse encore ici un peu de place (quoique que pas tellement selon une autre étude de PricewaterhouseCoopers).
Dans les autres métaux (or, cuivre, nickel, zinc, etc.), on voit mal cependant ce qui inciterait les autres minières à continuer à investir ici si Québec est la seule juridiction en Amérique à implanter un régime qui force les sociétés à partager davantage dans les années les plus payantes.
Il faudrait pour cela convaincre d'abord les autres provinces (particulièrement l'Ontario, la Colombie-Britannique et Terre-Neuve) d'adhérer à une approche apparentée. Et probablement après coup, aller aussi sonner à la porte du Mexique et du Chili, dont les taux d'imposition effectifs ressemblent actuellement à ceux du Québec.
Sans de tels accords, l'idée apparaît avoir une faible probabilité de succès. Et une forte probabilité de destruction de valeur.
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