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Pouliot - L'impact de Verizon sur BCE, Rogers, Telus et Québecor

Par François Pouliot

Publié le 26/07/2013 à 09:28, mis à jour le 26/07/2013 à 12:01

BLOGUE. Viendra, ne viendra pas, Verizon, au Canada?


C'est la question qui court depuis quelques semaines sur le marché des télécommunications, alors que les titres des grands joueurs sont presque tous sous pression.


Depuis plusieurs années, l'espoir des autorités réglementaires est d'avoir une concurrence à quatre joueurs, si ce n'est nationalement, du moins dans la plupart des marchés du pays. Les prix sont jugés trop élevés. Il y a une question de territoire et de densité de population, mais il y aurait aussi une question d'oligopole et de manque de concurrence.


À l'exception du cas Québecor, l'octroi de spectre à de nouveaux concurrents a été un échec total. Wind et Mobilicity sont aujourd'hui à vendre (et justement réputées discuter avec Verizon) parce qu'elles n'ont plus les capacités financières nécessaires à la lutte.


Verizon pourrait-elle économiquement réussir, là où tant d'autres ont échoué?


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Les forces de la concurrente potentielle


À n'en pas douter, c'est une colosse. Ses ratios d'endettement sont relativement faibles, et ses capacités financières sont énormes. Sa valeur boursière fait presque le double des capitalisations additionnées de BCE, Rogers et Telus.


L'entreprise pourrait en outre avoir des coûts d'exploitation plus faibles que ses prédécesseurs en utilisant ses bureaux de facturation aux États-Unis et en faisant jouer son pouvoir d'achat d'appareils.


Elle aurait de même un avantage concurrentiel important sur le marché des utilisateurs qui traversent la frontière. Les communicateurs canadiens doivent payer d'importants frais aux réseaux américains pour la prise en charge de l'appel d'un client lorsqu'il voyage aux États-Unis. Verizon n'aurait qu'à utiliser son propre réseau, ce qui lui permettrait d'avoir un avantage de coûts potentiellement séduisant pour les grandes entreprises canadiennes.


Est-ce suffisant?


Pas sûr.


Le marché transfrontalier, qui semble un grand avantage, à première vue, n'est en réalité pas énorme (6% des revenus totaux de l'industrie, selon Canaccord Genuity). Il n'est pas non plus généré par les grandes entreprises, mais par de multiples voyageurs occasionnels, qui ne feront pas de leur escapade aux États-Unis un critère de choix de fournisseur.


Les avantages apparaissent donc limités.


L'américaine devra pendant ce temps faire face au même grand désavantage que ses prédécesseurs: l'incapacité à offrir des bouquets. Les nouveaux arrivants dans le sans-fil sont morts parce qu'ils n'avaient pas de capacités financières suffisantes, mais aussi parce qu'ils n'avaient pas la possibilité d'ajouter d'autres services à leur offre sans-fil (télé, Internet, téléphonie traditionnelle).


À produits et à prix égaux, beaucoup de gens préfèrent n'avoir qu'un seul fournisseur. C'est pour cette raison qu'il existe tant de bouquets.


Tous savent que le sans-fil est l'avenir, et pour cette raison, on peut être quasi assuré que les grands acteurs se battront bec et ongles pour ne pas perdre de parts de marché. BCE, Telus, Rogers et Québecor chercheront à accoter les prix décrétés par Verizon. Conséquence: il ne lui sera pas très facile de gagner des parts de marché. À prix identiques, les clients préféreront généralement demeurer avec leur fournisseur.


Si Verizon venait quand même



Si Verizon venait quand même


Pas concluant comme plan d'affaires, donc. Et c'est pour cela que l'on est personnellement loin d'être sûr que Verizon viendra.


Mais si elle s'amenait quand même, quels seraient les dommages?


On l'a vu plus haut, Verizon risque d'avoir du (sans) fil à retordre pour prendre des parts de marché. Si elle s'amène, c'est qu'elle aura à ce moment décidé d'utiliser l'arme fatale dont les autres ne disposaient pas: ses poches profondes. Elle cassera fortement les prix. Les pertes seront colossales les premières années, mais elle fera le pari qu'après coup, une fois installée, elle pourra laisser remonter les prix et le jeu en aura valu la chandelle.


Évidemment, tout ne se fera pas du jour au lendemain. La rentrée s'amorcera vraisemblablement d'abord en Ontario.


À l'exception de Québecor, les cours boursiers des sociétés de téléphonie ont déjà été secoués en anticipation. Ceux de Telus et Rogers particulièrement, alors que le bénéfice du sans-fil représente pour eux entre 60 et 65% du bénéfice total (38% pour Bell).


Dans une récente analyse, sur la base des bénéfices anticipés en 2015, Vince Valentini, de Valeurs mobilières TD, estime que, dans le pire de ses scénarios, le titre de BCE (42,38$) pourrait passer à 34$, celui de Rogers (41,41$) à 36$, et celui de Telus (31,18$) à 26$.


Le scénario est en effet probablement un peu noir pour l'horizon 2015-16. Verizon n'aurait à ce moment probablement pas encore attaqué tous ses marchés géographiques et certains afficheraient encore des prix relativement élevés. Il n'est cependant certainement pas à écarter pour un peu plus loin dans le temps.


En théorie, Québecor semble dans une meilleure posture que les autres. Il y a déjà quatre concurrents au Québec, et le réseau de distribution de Verizon y est totalement à construire (Wind et Mobilicity ne sont pas ici). En outre, le sans-fil ne pèse pour l'instant que pour un peu plus de 7% de ses revenus. Cela dit, sa croissance future serait remise en doute.


D'autant que Verizon semble avoir le sol québécois bien en mire. Un commentaire du chef de la direction financière lors de la dernière conférence téléphonique de l'entreprise, le laisse en tout cas entendre. «Si vous regardez la population du Canada, 70% se trouve entre Toronto et Québec. C'est adjacent à notre réseau», a-t-il dit.


Ça ressemble à une indication de cible.


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