BLOGUE. Ouf… Le moins que l'on puisse dire c'est que l'assemblée annuelle n'a pas été ce qu'il y a de plus harmonieux, mercredi, chez Couche-Tard. Même la conférence de presse a mal parti, lorsque l'auteur de ces lignes a prononcé le mot proscrit: syndicat.
On recherchait une information factuelle sur le nombre de négociations en cours et sur le nombre d'établissements qui avaient été convertis en franchisés récemment. Dès lors, la responsable des relations publiques a fait savoir qu'on ne répondrait pas aux questions sur le sujet. Une ligne qu'a décidé de suivre le grand patron de l'entreprise, Alain Bouchard, lorsque la question lui a été adressée.
Il s'est passé de grandes choses cette année chez Couche-Tard, qui, avec l'acquisition de Statoil Fuel & Retail, a pris une envergure mondiale. L'intégration de Statoil va bien, et semble porteuse d'un assez fort potentiel. Qu'il suffise de penser à ce projet d'essence maison, plus performante, qui fait probablement trembler quelques raffineurs et bannières concurrentes.
Mais ce n'est pas de "cette année extraordinaire", pour reprendre l'expression de monsieur Bouchard, dont avaient envie de parler un certain nombre des participants à l'assemblée.
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Le Regroupement pour la Responsabilité Sociale des Entreprises (RRSE) y présentait une résolution assez surprenante, demandant ceci: "Que le conseil réalise et rende disponible aux actionnaires une étude – à un coût raisonnable et omettant les informations confidentielles – sur les coûts et les bénéfices potentiels de la syndicalisation de ses magasins Couche-Tard d'ici la prochaine assemblée des actionnaires."
Le RRSE représente une cinquantaine de communautés religieuses, qui avaient toutes été informées du dépôt de la proposition.
Ses dirigeants indiquent que c'est de leur propre initiative qu'ils ont entrepris la démarche, et non à la demande des syndicats. À vrai dire, leur intervention a été tout à fait respectueuse, et sur le bon ton, avec de bonnes interrogations. Mais la démarche n'a pas manqué d'alimenter la fibre syndicale de certains et a assurément contribué à l'atmosphère tendue de l'assemblée.
Il faut dire que les motifs de refus de Couche-Tard à la demande s'approchaient également dangereusement du farfelu. "La Société n'a aucune opération de dépanneurs telle qu'alléguée et soutenue par le Fonds (représenté par le RRSE). Les dépanneurs situés au Québec sont opérés par l'une de ses filiales sur laquelle la Société n'intervient aucunement au niveau des décisions d'exploitation et stratégies adoptées, ces dernières étant dans un mode d'exploitation décentralisé qui fait l'une de ses forces et aide à se différencier de ses concurrents."
La réponse est de nature à jeter le sentiment chez les pro-syndicats que l'on se moque un peu d'eux.
Qui a raison?
Qui a raison?
Qui a raison dans tout ce bras de fer entre Couche-Tard et la CSN? Et que penser de la démarche des communautés dans le contexte?
La CSN est actuellement dans six Couche-Tard, dont cinq sont franchisés. Elle attend des décisions arbitrales sur une première convention collective dans la majorité de ceux-ci.
Voici les revendications:
-quatre journées de maladie;
-un système de communication d'urgence en cas de vol à main armée;
-un suivi psychologique pour les victimes d'agression armée;
-des règles objectives pour les octrois de poste et les choix d'horaire et de vacances;
-une échelle salariale menant à un taux horaire de 12,80$ l'heure pour les préposés.
En l'absence d'un repère sur le salaire moyen du commerce de détail, il est hasardeux de commenter sur la revendication salariale. Pour le reste, à première vue, ça n'apparaît pas déraisonnable.
La difficulté de la situation est surtout que ce qui sera demandé demain pourrait bien être différent de ce qui est demandé aujourd'hui. Et, dans les souliers de Couche-Tard, il est tout à fait compréhensible que l'arrivée des syndicats soit redoutée.
Tous ont à l'esprit des entreprises syndiqués où les choses vont bien. Tous ont aussi à l'esprit d'autres entreprises, où les comportements syndicaux ont causé d'importants dommages. On ne sait qu'après.
C'est en pesant le pour et le contre que nous est revenu le souvenir du projet de gaz naturel du Suroît. En 2004, alors que le Québec tergiversait, des communautés religieuses étaient soudainement sorties de leur réserve pour demander au gouvernement d'abandonner le projet. Elles avaient des inquiétudes sur ses conséquences pour l'entente de Kyoto, et des doléances sur la façon dont il était présenté. Les communautés finançaient Hydro-Québec et étaient devenues socialement mal à l'aise avec la façon dont agissait la société d'État. La sortie avait porté le coup fatal au Suroît.
Plus tard, on allait aussi en voir chez Wal-Mart, s'inquiéter du respect des droits des travailleurs. C'était de bon aloi, et conforme aux valeurs de respect.
Cette fois, elles viennent cependant d'endosser une revendication qui va plus loin.
Contrairement aux actions précédentes, qui s'attaquaient à des enjeux ponctuels, la proposition de mercredi risquait ultimement que conduire, non pas au respect de droits ou de valeurs, mais à la promotion d'une cause: celle de la syndicalisation. C'était aller trop loin.
Réclamer l'examen de certaines des revendications défendues par les syndicats (suivi psychologique, etc.), mais avec distance par rapport aux syndicats, aurait sans doute eu plus d'effet dans le public.
Cela dit, en ces jours où certains réclament des communautés religieuses qu'elles gardent bas profil dans les rapports civils, il est bien de les voir continuer de voter leurs procurations et agir. Elles font dans plusieurs cas un meilleur travail que nombre d'investisseurs institutionnels.
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