La question se pose avec encore plus d'acuité ces jours-ci, à la suite du départ de Robert Dépatie. Le chef de la direction s'en va pour des raisons de santé, non sans que se manifestent en arrière-scène quelques bruits de dissension interne quant aux orientations de l'entreprise.
La Presse rapportait notamment que M. Dépatie aurait aimé vendre les journaux Sun dans l'Ouest, mais qu'il s'était heurté au veto de Pierre Karl Péladeau.
Les journaux Sun n'ayant qu'un poids minimal dans l'actif total de Québecor, il n'en fallait pas plus pour que le marché s'interroge au sujet de divergences d'opinions plus importantes ailleurs.
Le nouveau chef de la direction, Pierre Dion, a tenté de rassurer les analystes lors de la dernière conférence téléphonique de l'entreprise, indiquant clairement que le plan de match n'avait pas changé. Il semble avoir assez bien réussi, aidé par le fait que la stratégie n'était de toute façon pas tout à fait limpide dernièrement.
Jetons un coup d'oeil sur les principaux créneaux d'activités de Québecor pour tenter de voir leur potentiel futur. Un mot en fin de chronique sur la valeur de la société quant à ce potentiel.
Les activités médias
On ne passera pas beaucoup de temps ici. Ce n'est pas Sun Media ni TVA (51 %) qui feront bouger l'aiguille au cours des prochaines années. En fait, ils pèseront probablement sur la croissance. Le secteur des journaux est tout simplement en déstructuration. Il y a peut-être un peu de croissance à long terme à espérer pour TVA, mais il serait étonnant que cela suffise à contrebalancer le recul dans les journaux. La bonne nouvelle est que ces actifs ne devraient pas non plus être un boulet trop lourd, leur présence générant moins de 10 % du bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA).
Les activités de câble, d'Internet et de téléphonie traditionnelle
C'est ici le coeur de la rentabilité actuelle de l'entreprise.
Ces activités font l'objet d'une attaque plus soutenue depuis quelque temps, avec Bell qui déploie son réseau Fibe. Cela exerce de la pression sur la croissance des abonnés et limite celle des prix.
Au premier trimestre, la société a perdu 14 000 abonnés à la télé et 5 700 en téléphonie traditionnelle. Elle a réussi à ajouter 900 abonnés à son service Internet. C'est un des pires trimestres en matière d'abonnements. Il est teinté de l'émotion liée à l'entrée en politique de Pierre Karl Péladeau, mais à l'évidence, la croissance dans ces activités ne viendra pas grâce à une augmentation du nombre d'abonnés. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas un peu de croissance. Les revenus Internet de l'entreprise ont par exemple grimpé de 7 % au dernier trimestre, alors que le nombre des abonnés n'a augmenté que de 1,5 %. Ce qui laisse entrevoir une certaine capacité à hausser les prix malgré la concurrence qui sévit.
Le sans-fil
C'est ici que se trouve l'avenir.
Il s'est ajouté 18 300 abonnements au service de téléphonie sans fil au cours du dernier trimestre. Avec l'iPhone qui est maintenant offert, la cadence devrait s'accélérer. Et la rentabilité aussi, en ce que les utilisateurs de iPhone consomment généralement plus de données que les autres utilisateurs de téléphones intelligents.
Il ne serait pas étonnant de voir Vidéotron y aller prochainement d'initiatives (RBC suggère une application iPhone Illico, qui pourrait offrir 50 chaînes de télé) et de promotions, afin de courtiser les abonnés des concurrents dont les contrats viendront à expiration. L'offre du iPhone devrait en outre ramener au bercail ceux qui préfèrent n'avoir qu'un fournisseur de services (et les rabais forfaitaires qu'il propose), mais qui tenaient absolument à avoir le téléphone intelligent d'Apple.
Sans compter qu'à la fin de l'été, Vidéotron devrait lancer son réseau LTE avec Rogers, ce qui lui permettra de lutter à armes égales sur le terrain des amateurs de haute performance.
Certains analystes parlent de gains potentiels assez importants. Il y avait 503 000 abonnés au service sans fil de Vidéotron en 2013, la TD en voit plus de 900 000 en 2016. Avec un BAIIA sans-fil qui passerait de 1,8 M$ à près de 105 M$.
Dans la globalité des choses, ce n'est pas un bond si énorme, un peu plus de 6 % par rapport au BAIIA total 2013. Mais le bond grimpe à 10 % lorsqu'on le combine aux autres activités, et à 50 % lorsqu'on regarde le bénéfice net.
Quel est le potentiel du titre ?
Si l'on adapte le modèle d'évaluation de la TD sur 2016, dans trois ans, c'est une action qui pourrait alors valoir près de 38 $ (par rapport à 26,50 $ aujourd'hui).
Il faut cependant que la stratégie sans fil fonctionne bien. Et il y a un gros point d'interrogation : ira ou n'ira pas dans le sans-fil au Canada anglais, Québecor ?
La direction continue d'étudier ses options. Elle indique qu'aucune décision ne sera prise avant que des discussions aient eu lieu avec les autorités fédérales sur une éventuelle facilitation des conditions d'entrée. La plupart des observateurs doutent de la rentabilité d'une pareille expédition (et on est du nombre), mais il n'est pas dit que la société ne sera pas tentée d'y aller si le gouvernement force le Big Three à lui fournir des tarifs de gros à faibles prix avant et pendant la construction de son réseau.
Ce serait alors faire le pari d'une rentabilité potentiellement supérieure à long terme, mais vraisemblablement inférieure à court terme. Même chose pour le cours de l'action.
Sur le radar: Québecor (Tor., QBR.B, 26,40 $)
Les recommandations des analystes qui suivent le titre de Québecor
3 Conserver
6 Acheter
7 Surperformance
Cours cible : 30,60 $
Source : Bloomberg