C'était il y a près de 20 ans, au moment où le quotidien Le Soleil s'apprêtait à paraître sous un tout nouveau jour, avec un contenu renouvelé.
Jeune journaliste, ma mission était de lancer une nouvelle chronique boursière, mais sous une forme inédite. Un soir, au cinéma, feuilletant un journal étudiant dans l'attente du film, un petit encart sur une simulation boursière universitaire attira mon attention.
Le lendemain, j'étais au local du Fonds Alpha, cette association d'étudiants qui avait reçu une permission spéciale des autorités pour gérer un fonds commun d'investissement. Un fonds uniquement réservé aux étudiants de la faculté d'administration de l'Université Laval. «Ça ne vous tenterait pas que l'on gère conjointement un portefeuille fictif pour Le Soleil ? Chaque semaine, une analyse de titre, et si on pense que c'est bon, on l'intègre.»
Dans les semaines suivantes l'aventure s'amorçait. Elle dura plus de cinq ans, et ne fut interrompue qu'en raison d'une année sabbatique hors Québec de l'auteur.
Il y a quelques jours, c'était les retrouvailles. L'occasion de se souvenir d'anecdotes, d'en découvrir de nouvelles et de beaucoup rire. L'occasion aussi de constater comment chacun avait évolué. À ma grande surprise, l'occasion surtout de réfléchir sur quelques leçons de vie.
Les leçons de vie
Voir ce que les autres ne voient pas
«C'est vraiment décourageant», me dit un jour un président du Fonds, en revenant d'une entrevue avec une firme de courtage établie. Il tentait d'y obtenir une place de conseiller financier. Après quelques minutes seulement, l'étudiant s'était aperçu que l'on ne s'intéressait pas tellement à ses compétences financières. «Ton réseau, ton réseau, ton réseau, parle-nous de ton réseau», disait l'employeur. Ce qui voulait dire : connais-tu beaucoup de monde avec des poches profondes qui pourraient amener leur argent à la firme ?
Évidemment, quand on a la jeune vingtaine, les occasions n'ont pas encore été tellement nombreuses de frayer avec le gratin.
Quelle fut la suite pour notre ami ? Il n'obtint évidemment pas l'emploi. Il s'exila plus tard à Londres, dans la City. Y trouva quelqu'un qui lui fit confiance sur la base de ses compétences (son réseau londonien étant nul...), gravit les échelons, se retrouva sur le parquet avec pour mission de développer le marché européen des obligations. L'emploi le fit voyager dans plusieurs pays, et il réussit à convaincre d'importants clients, comme le Fonds souverain norvégien, de lui faire confiance. Résultat : un salaire de 1 M$ pendant quelques années.
Morale de l'histoire : ce n'est pas le réseau qui fait la force d'un individu, c'est sa capacité à le développer. Comme en Bourse, il faut essayer de voir au-delà de ce que tout le monde voit. Plusieurs courtiers devraient en prendre note.
Soyez droit, on s'en souviendra, et on vous fera confiance
La première année de notre portefeuille fictif donna un résultat exceptionnel. On doublait les résultats du TSX et on battait à plate couture les meilleurs gestionnaires du pays. Nous avions été chanceux. On commença à trembler lorsqu'on s'aperçut que le public nous voyait nettement trop gros. Le simple fait d'intégrer un titre au portefeuille faisait souvent bouger les cours, et significativement dans certains cas (+ 25 % avec Sico).
C'est alors qu'on découvrit que la triche, cette plaie maudite qui court trop souvent sur les marchés financiers, était en train d'infiltrer nos rangs. Malgré l'interdiction de négocier les titres dont on traitait dans le journal 30 jours avant et 30 jours après, certains trichaient et achetaient tout juste avant la publication. Ils profitaient ensuite de la hausse pour vendre.
Plutôt que d'enterrer l'affaire, le responsable des finances du Fonds me contacta, fit part du problème et garantit qu'il allait prendre les choses en mains.
Je n'entendis plus parler de l'affaire, jusqu'à il y a quelques jours.
«En tout cas, toi, tu es mon premier souvenir. Tu nous avais fait tout un speech sur l'éthique ! Ça m'a marqué», dit un ancien en le retrouvant.
Comme quoi on se rappelle longtemps des exemples d'honnêteté et d'intégrité.
L'orateur est aujourd'hui président d'une société inscrite en Bourse. Ses compétences sont exceptionnelles, et il peut compter un grand nombre de porte-voix prêts à garantir que ce qu'il dit est ce qui est.
Le devoir de reconnaissance
Jusqu'à quel point compte-t-on pour un gestionnaire de patrimoine si notre compte s'élève à 100 000 $ ?
Pour peu, a-t-on pu constater, alors que deux anciens, aujourd'hui gestionnaires, échangeaient sur les contraintes de leurs institutions réciproques. Les grands courtiers traditionnels cherchent souvent à se débarrasser des plus petits clients. De petits comptes amènent à passer trop de temps à échanger avec chacun pour les honoraires que cela génère. Il faut plus de monde pour gérer, la marge diminue, etc.
«C'est pas mêlant, les politiques qui sont adoptées nous disent quasiment de se débarrasser des comptes de moins de 200 000 $», dira l'un.
«C'est vrai. Et c'est vrai aussi qu'en bas de 200 000 $, ce n'est pas tellement payant», dira l'autre.
Froncement de sourcils de ma part.
«En tout cas, moi, je ne suis pas capable de dire à quelqu'un d'aller ailleurs. Beaucoup de ces gens m'ont aidé quand j'ai commencé. Je prenais tous les portefeuilles, et je n'ai pas envie de les laisser tomber, même si ça ne fait pas l'affaire de la boîte.»
Ouf... !
C'est ce qu'on appelle le devoir de reconnaissance. Et savoir choisir la bonne valeur...
Osisko : y aura-t-il surenchère ?
Yamana Gold et Osisko font équipe pour sauver le siège social de la minière québécoise. Dans une transaction complexe, Osisko transporte tous ses actifs dans une société en commandite à être formée, dans laquelle elle aura un intérêt de 50 %. Chaque actionnaire d'Osisko recevra 2,19 $ en argent comptant, des actions de Yamana (évaluées à 2,06 $) et 3,35 $ en nouvelles actions d'Osisko. Une valeur totale estimée à 7,60 $.
Le titre d'Osisko se négocie à environ 7,25 $. En apparence, un rendement potentiel de 5 % en quelques semaines, avec une option d'augmentation si Goldcorp revient à la charge avec une offre majorée.
Faut-il jouer le rendement ?
Quelque chose nous dit que Goldcorp reviendra à la charge. On n'essaie pas d'acheter quatre fois pour lâcher le morceau aussi facilement. La TD estime qu'une offre à 7,20 $ serait neutre sur la valeur nette des actifs de Goldcorp si l'on postule un prix de l'or de 1 250 $ US. Avec un prix de l'or de 1 350 $ US, l'offre devient neutre à 8,50 $.
Il ne serait pas étonnant que Goldcorp majore la sienne à environ 7,75 $.
Il y a cependant deux risques dans l'affaire. Si Goldcorp ne surenchérit pas, il n'est pas sûr qu'au lendemain de la clôture de l'offre de Yamana, les nouvelles actions d'Osisko aient une valeur de 3,35 $. Ni même celles de Yamana, de 2,06 $. Si Goldcorp surenchérit, il n'est pas non plus sûr que la partie de son offre constituée de ses propres actions conservera la même valeur.
Bref, il semble plus sage d'observer à distance ce que sera la suite.