La scène se déroule il y a un peu plus d'un an, quelques jours avant Noël, alors qu'on est sur le point de se mettre en route pour le grand congé du temps des fêtes.
«Il faudrait bien que je règle ce fameux WEF, depuis le temps que je le surveille.»
Coup de fil au courtier. Achat du titre de Western Forest Products (Tor., WEF, 1,88 $) au prix de 1,95 $.
Le raisonnement était alors le suivant. Le dividende offre un rendement annuel de 4 %. Il semble se profiler un cycle haussier intéressant, que plusieurs qualifient même de supercycle.
Quand surviendra-t-il ? Difficile à dire. Ça peut être dans un an comme dans cinq ans. Mais la mathématique est favorable.
«Et de toute façon, peu importe. L'objectif est de faire 10 % de rendement par année sur un horizon raisonnable. L'entreprise étant peu endettée, et le dividende assez sécurisé, j'ai déjà à peu près 4 % de fait chaque année. Le cycle devrait permettre de faire les 5 à 6 % qui manquent à un certain moment. D'ailleurs, si jamais ce cycle ne se concrétise pas, 4 % par année, ce n'est pas si mal. Un placement en obligations ne me donnerait pas ça.»
Tel était le raisonnement qui sous-tendait la démarche d'investissement.
À quel prix était WEF un an plus tard, au début de 2015 ? Autour de 2,75 $.
À quel prix est WEF aujourd'hui ? Autour de 1,90-1,95 $.
Greed, greed, greed, tu es effectivement péché mortel...
Le gain était de plus de 40 %, soit l'équivalent de 3 à 4 ans de la réalisation de l'objectif initial (en seulement un an), et on a laissé tout ça s'évaporer parce qu'on en voulait encore plus.
C'était nono. À 2,75 $, on voyait bien qu'il y avait trop d'anticipation. Les données fondamentales du marché s'étaient améliorées, mais pas avec une telle force.
D'accord, mais que fait-on maintenant ?
Le prix du bois est en baisse de 12 % depuis le début de l'année (à environ 300 $ US le millier de pieds mesure de planche (pmp).
Tous les titres forestiers font marche arrière, mais quelques analystes ne sont pas convaincus que le secteur a suffisamment reculé par rapport aux résultats qui seront livrés dans le trimestre en cours. Le consensus pour les bénéfices semble encore élevé.
La demande chinoise s'était considérablement améliorée en 2014, avec une hausse des importations de 7,1 %. Elle contribuait à faire avancer les prix. Les choses vont cependant moins bien en Chine, et Marchés mondiaux CIBC s'attend même à ce qu'elle recule de 5 à 10 % en 2015.
Le bois qui était envoyé là-bas revient aux États-Unis, et c'est ce qui fait actuellement fléchir les prix. Il est même fort probable que le niveau de prix actuel déclenchera prochainement des droits de 5 % sur les exportations de bois canadien aux États-Unis.
Le développement pourrait bien faire de nouveau plier les cours boursiers.
Mieux vaut jeter l'éponge, dira-t-on.
Ça dépend de l'horizon sur lequel on évalue la situation. Il est normal qu'occasionnellement la demande chinoise fluctue. Mais elle continuera à augmenter dans l'avenir.
Pendant ce temps, la thèse du supercycle à venir pour les États-Unis n'a pas encore été effacée de l'ardoise.
Depuis 1950, la moyenne des mises en chantier chez l'oncle Sam est de 1,5 million d'unités par année. Cette cadence est générée par l'évolution démographique, la nécessité de remplacer des maisons vétustes et la construction de résidences secondaires.
La moyenne s'est établie au fil des différents cycles de taux d'intérêt, et elle a été maintes fois atteinte et dépassée avec des taux d'intérêt plus élevés qu'aujourd'hui. Même chose pour l'indice du prix des maisons par rapport au revenu disponible.
Les projections des démographes restent favorables au fait de s'établir. Un seul hic : une tendance plus prononcée à construire aujourd'hui du condo, ce qui demande un peu moins de bois. Mais restons quand même avec le chiffre de 1,5 million d'unités à des fins d'illustration.
En 2014, le nombre de mises en chantier a été de 1 million d'unités aux États-Unis. Parce qu'elles sont depuis plusieurs années sous la moyenne historique, CIBC estime que le marché est en retard de 3 millions d'unités. C'est dire que, pour que la moyenne soit atteinte, il faudrait à l'heure actuelle qu'il se construise 1,8 million d'unités par année dans les 10 prochaines années.
Tous ces chiffres peuvent être discutés, mais, entre 1 million d'unités (les mises en chantier actuelles) et 1,8 million d'unités (le potentiel), il y a quand même un important écart, susceptible de faire augmenter à la fois les prix et les volumes à un certain moment dans l'avenir.
Pendant ce temps, le dividende de 4 % de WEF devrait aider à amortir le potentiel recul printanier. On reste, même si quelques bourrasques semblent encore en vue. En touchant du bois.
Sur le radar
Western Forest products (Tor., WEF, 1,88 $) - Le titre sur un an
Les recommandations des analystes qui suivent le titre de Western Forest products
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Cours cible : 2,95 $
Source : Bloomberg