Les partisans du CH sont frénétiques. La saison régulière de la Sainte-Flanelle s'amorcera le 8 octobre face aux Maple Leafs, à Toronto. Et ils ne sont pas seuls : les diffuseurs le sont aussi. Particulièrement chez TVA (Tor., TVA.B, 8,72 $), où l'on se prépare à présenter les premiers matchs du Canadien. Gagnant ou perdant, la LNH, pour TVA ?
Au cours de l'été, le collègue Stéphane Rolland et moi avons profité d'une entrevue éditoriale pour interroger le président de Bell Média sur l'inattendue perte des droits de diffusion nationaux de la LNH. Surprise, Kevin Crull a accepté de sauter sur la glace. «Ce qui s'est passé, c'est 5,2 G$ ! [ la somme demandée pour tous les matchs à l'époque]. Il arrive un seuil où une affaire comme celle-là n'a pas de sens !» s'était-il exclamé.
Essentiellement, M. Crull avait indiqué qu'en vertu d'un tel montant, Bell aurait perdu des millions de dollars au Québec et n'aurait eu, à terme, aucun rendement de l'investissement.
Regard réaliste ? Frustration de s'être fait coiffer par Rogers et Québecor ?
Essayons de voir.Un peu de perspective
La première difficulté, et elle n'est pas petite, est que TVA n'est apparemment pas autorisée à divulguer combien elle a payé pour les droits de diffusion. Un analyste de Valeurs mobilières TD note cependant qu'aux états financiers, le poste «droits de diffusion et de distribution» passe de 40 M$ actuellement à 811 M$ en 2015. Vince Valentini estime que l'essentiel de l'augmentation est attribuable aux droits de la LNH. Sur 12 ans, cela veut dire 64 M$ par année.
Adoptons le chiffre, en sachant bien qu'il est peut-être modulé différemment dans la réalité.
En 2013, Groupe TVA a réalisé un bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) de 61 M$. En 2012, il avait été de 42 M$. On constate qu'à eux seuls, les droits de la LNH sont nettement supérieurs à la rentabilité actuelle de toute l'entreprise.
Ce n'est pas en soi la fin du monde. Ils généreront plus de revenus qu'actuellement. C'est quand même une illustration de l'ampleur que devront avoir ces nouveaux revenus.À première vue, ça regarde mal
Une façon d'aborder la situation peut être de se mettre dans la perspective de BCE.
En 2013, grâce à une ronde en séries éliminatoires du CH, la chaîne RDS a généré un bénéfice (BAIIA) de 51 M$. Les droits de télé du CH et des autres équipes de la LNH coûtaient apparemment 31 M$ par année à RDS. Si on retranche du BAIIA de 51 M$ les 33 M$ supplémentaires que doit débourser TVA pour obtenir les droits de la LNH, on se retrouve avec un bénéfice de 18 M$. C'est à première vue alléchant pour TVA (bond de 30 % du bénéfice global).
Il y a cependant un important «mais». Le bénéfice de l'année 2013 de RDS a été bonifié par d'importants ajustements de tarifs rétroactifs qui n'ont pas été divulgués. À titre de comparaison, le bénéfice de 2012 était, non pas de 51 M$, mais de 27 M$. Le dernier chiffre est probablement un peu plus représentatif de la réalité, même si le CH n'avait pas cette année-là fait les séries.
Dans un tel scénario, on arrive plutôt à une perte (BAIIA) de 6 M$ par année. Une perte qui bénéficie en outre de revenus publicitaires pour l'ensemble des matchs du CH. Elle serait plus lourde chez TVA, qui a le potentiel des séries, mais qui ne diffusera que 22 matchs en saison.
On comprend ici nettement mieux le pessimisme de M. Crull.Un potentiel important...
D'un autre côté, l'analyste de la TD roule pour TVA Sports un chiffrier qui laisse entrevoir un potentiel beaucoup plus important.
Il fait certes voir des pertes de 32,8 M$ en 2014 et de 22,8 M$ en 2015, mais, à compter de 2017, le BAIIA tourne au positif avec une force surprenante : + 19,8 M$.
Une force qui pourrait faire doubler le titre de TVA sur une période de trois à quatre ans, estime même M. Valentini.
Comment la chose est-elle possible ?
À 2,5 millions, le nombre d'abonnés prévu semble conservateur (3,3 millions chez RDS). Les dépenses d'exploitation semblent toutefois à première vue un peu faibles par rapport à celles de RDS.
Une grande différence réside dans le prix d'abonnement de la chaîne. TD postule un prix de 3,50 $ par mois, tandis que TVA Sports n'a rapporté en 2013 que 0,68 $ et devrait dévoiler, en 2014, environ 0,96 $. C'est une hausse de 265 %. Comparativement à ce qu'obtient aujourd'hui RDS (le chiffre le plus important), c'est une augmentation qui semble de l'ordre de 40 %.
Il ne serait pas surprenant que le consommateur soit prêt à accepter une telle hausse. Il est moins clair cependant si les distributeurs (ceux qui en réalité décident pour le consommateur) le seront et quel sera le résultat des négociations.
Constat ?
TVA ne devrait pas faire les séries pour quelques saisons encore, mais, même si le scénario de la TD était de moitié erroné, la LNH pourrait bien par la suite être favorable à l'investisseur.
Pour l'instant, dans l'attente de plus de certitude sur les coûts d'exploitation, et devant les pertes importantes à venir, cet investisseur serait cependant bien avisé de rester encore quelque temps au vestiaire.