Pour l'investisseur qui suit le secteur du commerce de détail au Canada, l'heure est à la déprime. L'ours (bear) semble partout à la fois. Jacob, Target, Mexx, Bikini Village, Parasuco et Sony sont toutes en train (ou ont fini) de vider leurs étalages au moment où Sears Canada bat vraiment de l'aile.
L'histoire est totalement différente aux États-Unis, où, cette fois, c'est le taureau (bull) qui semble partout, avec nombre de détaillants qui affichent des résultats en forte hausse et des cours boursiers qui poussent plus en avant.
Devrait-on profiter de l'embellie américaine pour courir avec les bulls américains ? Ou devrait-on plutôt se méfier ?
Une récente analyse de Sterne Agee aide à la réflexion.
Il y a des raisons pour courir...
> Le prix de l'essence est en baisse et cela devrait favoriser le pouvoir d'achat du consommateur au fur et à mesure qu'on avancera en 2015. La maison estime que si le prix de l'essence demeure au niveau actuel, il pourrait à lui seul faire grimper les ventes au détail de l'équivalent de 1 %.
> Le consommateur devrait aussi bénéficier de coûts de chauffage moins élevés. Ça ne paraît pas au Québec, mais chez l'oncle Sam l'hiver est beaucoup plus clément que l'an dernier. Les dépenses de chauffage devraient diminuer de 12 % dans le Nord-Est et le Midwest par rapport à l'hiver dernier.
> Troisième élément, Weather Trends International prévoit que le printemps surviendra tôt, ce qui en 2012 avait donné d'excellents résultats pour les détaillants.
... mais méfions-nous de l'ours Grizzly
Attention cependant, l'ours pourrait sortir de sa tanière.
> Il y a beaucoup d'anticipation chez les investisseurs. Wal-Mart se négocie par exemple à plus de 17 fois la prévision de bénéfices 2015, une prime de 30 % par rapport à sa moyenne historique ; Target, à près de 20 fois, une prime de plus de 45 %, Nordstrom, à 19,4 fois, une prime de 30,5 %...
Quand trop d'attentes sont comprises dans un titre, les bénéfices peuvent avancer, mais le gain boursier sera minime. Il peut même y avoir correction si les bénéfices ne progressent pas suffisamment. Il se pourrait en outre qu'à un moment donné le marché commence à anticiper un pétrole plus élevé pour 2016 et un consommateur qui a un peu moins d'argent à dépenser.
Dans cette situation, l'analyste Charles Grom recommande d'avoir recours à la stratégie de l'haltère. C'est-à-dire d'investir d'un côté dans des sociétés de détail bien établies (avec un potentiel de croissance) et de l'autre, dans des sociétés qui sont plutôt en redressement. Dans un cas, on parie sur la poursuite du cycle, et si le pari échoue, on reste tout de même avec des sociétés de qualité qui peuvent nous permettre de récupérer avec le temps. Dans l'autre cas, on achète des sociétés à la valeur déjà minée par rapport au potentiel de croissance.
Sterne Agee fait quelques recommandations de détaillants à installer à chacune des extrémités de l'haltère.
DEUX DÉTAILLANTS BIEN STRUCTURÉS
Costco (COST, 147,41 $ US).
L'achalandage progresse de 4 à 6 % par année. Les cartes de membres offrent des revenus récurrents qui constituent 77 % du bénéfice. Le bilan est solide, et l'on veut porter le nombre de magasins de 671 à plus de 1 200 à long terme. La cible est à 156 $ US.
Dollar General (DG, 72,07 $ US)
La société est particulièrement bien placée pour bénéficier de la baisse du prix de l'essence, elle qui cible les consommateurs moins nantis. Elle a mis en place une série d'initiatives telles une plus grande pénétration de marques privées et l'utilisation de technologies de prédiction de mise en marché. La cible est à 78 $ US.
DEUX DÉTAILLANTS EN RESTRUCTURATION
GNC Holdings (GNC, 48,09 $ US)
Le détaillant de produits naturels a connu d'importantes difficultés au cours des derniers trimestres, alors que ses ventes se sont mises à faire marche arrière. Une nouvelle direction est cependant en place, et après un recul de 3 % des ventes des établissements comparables au dernier trimestre, les chiffres reviennent apparemment en territoire positif. Un certain nombre de nouvelles initiatives sont mises en place pour améliorer en parallèle la rentabilité. La cible est à 54 $ US.
Five Below (FIVE, 32,09 $ US)
Le détaillant vise les adolescents et préadolescents avec une vaste gamme de produits sous les 5 $ US. Il a raté ses cibles de ventes pour la période des fêtes, et ce, pour une troisième année consécutive. Une nouvelle direction est en place et de nouvelles initiatives permettraient de relancer les ventes. L'objectif est de multiplier par cinq le nombre de magasins sur cinq ans (pour atteindre 2 000). La cible est à 42 $ US.
Nous avons personnellement une position dans GNC Holdings depuis quelque temps (à 44,50 $ US). C'est un pari à long terme, qui repose sur le fait que les multiples du titre sont plus faibles que ceux du marché, malgré une démographie qui lui semble plus favorable. Ce n'est pas sans risque, il y a toujours une possibilité d'intervention réglementaire dans ce secteur.