Les dirigeants de Metro n'ont probablement pas bondi de joie, ce matin. Le Supercenter, l'arme de destruction massive de Walmart aux États-Unis, entre au Québec. Doivent-ils trembler?
Pour le consommateur, l'annonce de la conversion des Walmart de Mascouche, Laval-Est et Laval-Ouest est une bonne nouvelle. Plus de compétition ne peut que mettre de la pression sur les prix à long terme. On ne démarre qu'avec trois, mais le géant a l'intention de convertir l'ensemble de ses 54 établissements québécois.
Essentiellement, un Supercentre est un Walmart traditionnel auquel on ajoute de 30 à 40 000 pieds carrés de superficie et qui offre des produits frais comme de la viande, des fruits et des légumes. Cette offre vient s'ajouter à celle des produits d'épicerie non périssables.
Aux États-Unis, il y a quelques années, le déploiement du concept a déclenché une terrible guerre de prix, créé une déflation alimentaire et fait fermer nombres d'épiciers qui n'ont pas été en mesure de tenir tête à Walmart.
En sera-t-il de même ici?
Ce n'est pas si évident.
Le Supercentre de Walmart entre au Québec, mais est au Canada depuis 2006. Arrivé en Ontario, il s'est ensuite étendu dans l'Ouest. Si bien que des 323 établissements de l'entreprise, 120 sont aujourd'hui convertis.
Les dommages collatéraux aux grandes bannières concurrentes n'apparaissent cependant pas si importants.
Dans une récente note, Keith Howlett, de Valeurs mobilières Desjardins, note que les marges bénéficiaires (BAIIA) des grands épiciers sont au même niveau qu'il y a cinq ans, si ce n'est à un niveau plus élevé. Celle de Metro par exemple, qui a dû combattre le Supercentre en Ontario, est à 6,6% alors qu'elle était à 5,4% en 2006.
Côté parts de marché non plus, les choses ne semblent pas avoir été si dramatiques.
L'Ontario est sans doute le territoire comparable le plus intéressant. En 2005, CIBC Marchés mondiaux estimait que les parts de marché de chacun se lisaient ainsi:
Loblaws: 41%
Metro: 21%
Sobeys: 12%
Walmart: 4%
Costco: 6%
Autres (indépendants, dépanneurs, etc.): 16%.
Cinq ans après l'arrivée des premiers Supercentres, l'estimation est la suivante:
Loblaws: 43%
Metro: 18%
Sobeys: 12%
Walmart: 9%
Costco: 8%
Autres: 9%
Constat?
Walmart a plus que doublé ses parts de marché (et Costco ne fait pas mal non plus), mais les grands joueurs ne semblent pas trop affectés. C'est surtout les plus petits qui écopent.
L'offre de produits frais fonctionne et permet à Walmart de voler des parts de marché. Elle met aussi une forme de frein sur la rentabilité et sur la croissance des concurrents les plus nantis. Mais elle ne fait rien reculer. On est bien loin de ce qui s'est passé aux États-Unis.
Pourquoi est-ce ainsi?
Dans une récente note, l'analyste Perry Caicco (CIBC) indique que Walmart Canada fait partie de Walmart international, qui pourrait bien être sous une pression assez intense pour générer de la rentabilité. M. Caicco ne le dit pas, mais les avancées à l'international du géant ces dernières années n'ont pas toujours été un succès, comme en font foi ses retraits de Corée et d'Allemagne.
Cela ne veut cependant pas dire que l'on n'assistera pas au Québec à une guerre plus intense qu'ailleurs. L'analyste estime en effet que les prix des épiciers sont plus élevés ici et que si le géant arrivait avec une offre de 3 à 5% sous celle des escompteurs (Super C, Maxi, etc.) il serait toujours très rentable.
En conclusion
Un constat général et un développement à surveiller.
- Plus de compétition est sur le point d'arriver en sol québécois, ce qui sera favorable aux consommateurs. Il faudra cependant probablement quelques années avant que celle-ci ne se fasse sentir, le temps que l'on convertisse suffisamment de Walmart. Dans le contexte actuel, le géant ne donne pas l'impression de vouloir lancer ici une guerre de prix d'aussi forte ampleur que celle qu'il avait lancé aux États-Unis. Si on était Metro, on grimacerait, mais on ne tremblerait pas.
-Il sera aussi intéressant de suivre le dossier de la syndicalisation chez Walmart. Quelques fois déjà le fer a été croisé, notamment à Jonquière et Saint-Hyacinthe. C'était à une époque où l'entreprise agissait uniquement dans l'arène du détail. Elle ajoute maintenant entre 30 et 40% d'employés à son effectif par magasin et entre dans un secteur assez fortement syndiqué. Il ne serait pas étonnant de voir un peu de maraudage des centrales auprès des associés de Mascouche et Laval leur faisant valoir qu'ailleurs, des camarades ont de meilleures conditions qu'eux.