Le gouvernement du Québec va de l'avant avec son fameux Plan Nord. Québec s'engage-t-il dans une aventure rentable?
La question nous turlupine depuis le budget.
Pour les cinq premières années du projet, qui s'étalera en fait sur 25 ans, la province déploiera des mesures totalisant 2,1 G$. De cette somme, près de 1,2 G$ seront consacrés au développement d'infrastructures (principalement des routes), près de 400 M$ à des mesures sociales (notamment du logement), et 500 M$ proviendront finalement d'Investissement Québec (prises de participation).
Il s'est lancé toutes sortes de chiffres lors de l'annonce du projet. Officiellement, sur 25 ans, il se fera des investissements de plus de 80 G$ au nord du 49e parallèle. Ce qui permettra de créer ou consolider en moyenne 20 000 emplois par année, en plus d'engendrer des revenus de 14 G$ pour le gouvernement.
On ne parierait surtout pas la maison là-dessus.
Le volet énergie est discutable
Essentiellement, si l'on comprend bien le plan, des 80 G$ d'investissements sur 25 ans, 47 G$ proviendront du développement d'énergies renouvelables.
C'est donc Hydro-Québec qui soutiendra en grande partie l'effort de développement du nord. Or, si Hydro doit investir dans le nord, on ne peut pas dire que les étoiles soient actuellement très bien alignées.
Avec le développement des gaz de schiste en Amérique du nord, le prix de l'électricité a fondu sur le marché. Si bien que, comme le rapportait récemment La Presse, le prix de départ du contrat de 26 ans récemment conclu avec le Vermont est de 5,8 cents le kilowattheure. Le chiffre est à mettre en relation avec les coûts de production des barrages actuellement en construction, comme celui de la Romaine, qui sont à plus de 10 cents le kilowattheure.
Plus on ira au nord, plus il en coûtera cher et plus le risque de non rentabilité s'accentuera.
Oui, il se créera des emplois pour la construction des nouveaux barrages que l'on ajoute au plan stratégique d'Hydro, et il y aura des retombées fiscales. Mais si c'est pour par la suite creuser la rentabilité d'Hydro-Québec, il vaut mieux y penser à deux fois avant d'aller de l'avant.
Plus de la moitié des retombées prévues au Plan Nord sont donc dès le départ frappées d'une très importante incertitude.
Le volet minier est plus intéressant, mais…
Le volet minier est plus intéressant, mais...
Le volet minier apparaît plus intéressant que le volet énergétique, mais il s'y trouve beaucoup de brouillard.
Québec prévoit que onze importants nouveaux projets miniers seront en exploitation dans le nord d'ici cinq ans. Onze projets qui devraient générer 8,24 G$ d'investissements, créer 11 000 emplois durant la construction, et près de 4000 emplois par année pendant l'exploitation.
Retombées sur notre 2,1 G$ investi? On ne sait trop. Les documents parlent de 1,4 G$ de redevances minières sur cinq ans, mais, vérification faîte, il s'agit d'un chiffre pour l'ensemble du Québec et non pour les projets à venir dans le nord. Sur cinq ans, c'est donc un tout petit rendement qui peut être espéré (une fraction du 1,4 G$). Et il n'est pas sûr qu'il nous fallait sortir 2,1 G$ pour qu'il se présente (les minières auraient peut-être fait leurs investissements quand même).
Ne soyons pas trop éteignoir. Certains de ces investissements ne se réaliseraient sans doute pas sans l'appui des pouvoirs publics. Et, contrairement aux projets d'Hydro, si faible soit-il, il y a au moins un rendement qui puisse être anticipé. Susceptible de grossir au-delà des cinq premières années avec l'expansion des premiers projets. Surtout qu'on peut ajouter dans son calcul les retombées fiscales d'un certain nombre d'emplois à fortes rémunération qui seront créés et qui auraient probablement été moindres sur des emplois de substitution (qui seraient créés en remplacement ailleurs en province).
Un autre bémol important cependant. Il faut être bien conscient que même ce petit rendement anticipé n'est pas dans la poche.
C'est que le Plan Nord pourrait aussi s'appeler le Plan Chine, cette grande responsable de l'envolée des prix sur le marché des ressources naturelles.
Le PIB de la Chine croît actuellement au rythme de 9-9,5%. Or, dans une récente étude, la Banque TD estime que si la croissance chinoise devait ralentir à 5% en 2012, le prix des ressources tomberait vraisemblablement de 30 à 40%. Exploiter des ressources naturelles dans le nord coûte beaucoup plus cher que dans plusieurs pays émergents. Quelque chose nous dit que si un tel ralentissement devait se produire, les projets d'investissement des minières changeraient de pays et seraient ici mis sur la glace pour quelques années.
Au final, qu'en penser?
Au final, qu'en penser?
On le voit, rien n'est gagné avec le projet du Plan Nord. Et il est difficile d'y voir de grandes retombées économiques.
Cela dit, contrairement à ce que l'on pourrait penser de ce qui précède, la phase 1 vaut le coup. Surtout qu'Hydro n'apparaît pas à avoir réellement à se commettre beaucoup sur les cinq prochaines années.
Dans son dernier budget, Québec indique en effet être prêt à investir pour 45 G$ en infrastructures sur l'horizon 2010-2015. La plupart de ces investissements ont lieu dans des créneaux qui ne sont pas vraiment susceptibles de générer du rendement (routes, écoles, logements sociaux, etc.). Injecter 2,1 G$ dans une aventure susceptible de donner du rendement financier (et pas mal de rendement social) est dans le contexte une bonne idée.
Pour la phase 2, et de nouveaux investissements, on verra ce que fera le marché de l'électricité et ce qu'aura donné la première expérience minière.