L'heure du grand déménagement approche. C'est le printemps, et c'est aussi la période où l'immobilier recommence à s'activer avec fébrilité. Est-il temps de s'y positionner ?
On s'est longuement interrogé la semaine dernière. Dans notre mire : les fiducies immobilières, ces propriétaires et exploitants d'immeubles qui sont fort populaires depuis quelques mois auprès des investisseurs en raison de leur distribution élevée.
C'est intéressant à première vue
Le marché ne regarde pas mal de prime abord, et la situation fondamentale est plutôt intéressante.
En 2008, les titres canadiens du secteur avaient reculé de 34 % sous l'effet de la crise financière. Les difficultés d'accès au crédit avaient déclenché une série de reprises, fait basculer le jeu de l'offre et de la demande et fait fondre la valeur de plusieurs immeubles aux États-Unis. Les fiducies canadiennes avaient beaucoup reculé en raison des craintes de contamination.
Finalement, on s'en est cependant assez bien sorti. Question rentabilité, on s'en est même très bien tiré. RBC Marchés des capitaux note que les bénéfices des fiducies n'ont reculé que de 2 % en 2009 et de 1 % en 2010.
Selon le pronostic de la maison d'investissement, il y aura une progression des bénéfices de 3 % cette année et de 5 % l'an prochain. Beaucoup d'analystes s'attendent à ce que les taux d'occupation et les loyers continuent d'augmenter, sous l'effet de la croissance de l'économie, de l'arrivée de nouveaux détaillants américains et du peu de nouveaux projets immobiliers commerciaux.
Pendant ce temps, les taux d'intérêt de 5 et de 10 ans (4,4 % et 5,2 %) s'établissent près des creux historiques enregistrés en 2010, et le risque de les voir grimper significativement sous l'impulsion de l'inflation ne semble pas si grand. Le prix des matières premières grimpe, mais on n'est pas sûr que celui de la main-d'oeuvre fera de même. Le taux de chômage est à un niveau raisonnable; par conséquent, sauf quelques secteurs ou exceptions, il n'y a pas vraiment de pénurie de main-d'oeuvre. Le taux d'utilisation des capacités de production est même sous la moyenne historique.
Bref, aucune croissance exponentielle de bénéfices n'est en vue pour le secteur mais, avec des titres qui offrent un rendement de distribution ou de dividende de 3,9 à 6,9 %, il peut apparaître tentant pour un placement de 12 mois.
Là où ça se complique
Là où ça se complique
Un intéressant papier de George Athanassakos, publié il y a quelques jours dans le Globe and Mail, a cependant de quoi ébranler bien des certitudes.
Le consensus des experts est que le prix des maisons se stabilisera à son niveau actuel sans reculer. Le professeur de finance de l'Université Western (Ontario) n'y croit pas : le marché connaît une bulle et il reculera dans les prochaines années, ce qui devrait donner des maux de tête à la SCHL.
M. Athanassakos appuie notamment son raisonnement sur le fait que le marché s'échange aujourd'hui à 5,5 fois le revenu moyen des ménages. Or, la moyenne historique est plutôt de 3,5 fois. Et l'on voit mal comment l'écart pourrait être comblé par une croissance des revenus.
Il ajoute que les nuages ont déjà commencé à s'amonceler; 17 400 ménages canadiens sont actuellement en défaut de paiement sur leur hypothèque. Il s'agit d'une augmentation de près de 50 % depuis le début de la dernière récession. Une situation pas très étonnante quand on constate que le prix des maisons a doublé en 10 ans, alors que les loyers n'ont augmenté que de 30 %.
Finalement, l'universitaire note qu'en 2007, le ratio des investissements résidentiels en proportion du PIB a touché le sommet qu'il avait atteint en 1976 et en 1989. Or, on sait ce qui s'était produit avec l'immobilier au début des années 1980 et 1990, quelque temps après que ces sommets eurent été atteints.
Que faire ?
Que faire?
Quel est le rapport entre le marché commercial (la majorité des fiducies) et le marché résidentiel, vous demandez-vous. Ils sont interdépendants. Si l'un tangue, l'autre tanguera aussi. Et si l'un chavire, il serait étonnant que l'autre ne prenne pas l'eau.
On n'ira pas jusqu'à dire que l'on se dirige vers un naufrage. Mais alors que les titres des fiducies immobilières semblent déjà bien évalués (l'univers des titres que suit RBC s'échange à une prime de 9 % par rapport à sa valeur estimée, cinq points au-dessus de la prime à long terme de 4 %), on serait prudent. D'autant plus qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait de l'inflation pour que les taux grimpent, mais simplement qu'on la redoute et l'anticipe. Dans le contexte actuel, une telle anticipation ferait fondre la valeur des unités. Les obligations 10 ans sont en effet à un taux approximatif de 4 %, alors que les taux de rendement offerts par les fiducies sont d'environ 6 %. L'écart est de deux points de base. Or, si le taux 10 ans grimpe d'un point de pourcentage, pour que le taux de la fiducie puisse suivre, il faudra que sa valeur recule.
Histoire de jouer de prudence, ceux qui sont tentés peuvent peut-être prêter l'oreille à BMO, qui recommande le secteur des immeubles locatifs. Si le marché résidentiel bascule, la demande de logements pourrait en effet grimper et la rentabilité des exploitants, augmenter. Des titres comme CAP REIT, Killam et Transglobe sont dans ce créneau.
DANS LE DÉTAIL
Sur le radar
Le titre de CAP REIT (CAR.UN, 19,11 $) Distribution : 1,08 $ par unité
Recommandation des analystes
Achat 0
Surperformance 5
Conserver 6
Cible moyenne : 19,53 $
Le titre de Killam Properties (KMP, 10,85 $) Distribution attendue : 0,56 $ par unité
Recommandation des analystes
Achat 1
Surperforme 7
Conserver 4
Cible moyenne : 11,23 $
Le titre de Transglobe Properties (TGA.UN, 11,44 $) Distribution attendue : 0,75 $ par unité
Recommandation des analystes
Achat 2
Surperforme 3
Conserver 2
Cible moyenne : 12 $
Sources : Bloomberg/Reuters