Quelle formation politique offre la meilleure plateforme économique pour le développement du Québec ?
C'est avec cette question à l'esprit qu'avec le collègue Stéphane Rolland, on a récemment monté une série d'entrevues avec les porte-parole économiques des quatre principaux partis politiques.
Revue de quelques éléments de programme, et jugement sur la politique et le cadre financier en fin de texte.
Le pétrole
Québec solidaire (QS) estime qu'il ne faut pas exploiter le pétrole, mais plutôt développer le transport en commun. La position est difficile à saisir. Le Québec ne consommera pas plus de pétrole parce qu'il en produit. Et l'argent qu'il en tirerait pourrait justement permettre de donner plus de moyens à la province afin de s'affranchir de sa dépendance pétrolière.
Lorsqu'il était encore au pouvoir, le Parti québécois (PQ) a annoncé l'injection de 115 M$ dans deux projets sur l'île d'Anticosti. Le premier est celui de Pétrolia (68 M$), le second, celui de Junex (45 M$). Ce dernier est cependant conditionnel à ce que Junex se trouve un partenaire privé comme l'a fait Pétrolia avec Maurel et Prom.
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La Coalition avenir Québec (CAQ) est somme toute d'accord avec l'approche du PQ et estime que c'est la solution qu'elle prêchait depuis le début. Le Parti libéral du Québec (PLQ) croit plutôt qu'on joue à la loterie avec les fonds publics, et qu'il aurait été préférable d'installer au préalable un cadre réglementaire (environnemental et fiscal). Ce cadre aurait permis de faire financer la phase d'exploration par le privé.
Les positions de la CAQ et du PQ semblent plus intéressantes. Avec tout le flou environnemental qui entoure l'exploitation du gaz de schiste, il est bon que l'État ait accès à de l'information interne et à l'ensemble des données récoltées. Cela devrait faciliter l'élaboration du cadre d'exploitation. Il est difficile de comprendre cependant pourquoi il fallait immédiatement s'engager avec Junex. Pétrolia aurait suffi pour atteindre l'objectif. À cause de ce deuxième projet, on semble effectivement un peu jouer à la loto.
La protection des sièges sociaux
La position du PQ est de permettre aux sociétés québécoises qui le veulent d'adopter des règles de défense supplémentaires (droits de vote variables en fonction de la durée de détention des actions, pouvoir accru des conseils, etc.). La position de la CAQ ne semble pas très éloignée. Le PLQ va plus loin et suggère qu'on utilise jusqu'à 20 % du Fonds des générations pour prendre une participation (jusqu'à 10 %) dans une entreprise faisant l'objet d'une offre hostile.
La proposition libérale va trop loin. Le but du Fonds des générations est d'obtenir un meilleur rendement sur les placements que ce que coûte la dette. En affectant 20 % des sommes dans des investissements à prime qui dégonfleront (si le blocage réussit), on remet en cause le principe même du Fonds.
Les politiques économiques et les cadres budgétaires
Les politiques économiques et les cadres budgétaires
Il est difficile de traiter indépendamment la politique économique et le cadre budgétaire.
Réglons tout de suite le cas de Québec solidaire. La formation a une ou deux idées qui méritent d'être explorées (les économies que pourrait générer Pharma-Québec). Mais beaucoup d'autres propositions dépassent la capacité financière de la province.
Le PLQ a des initiatives économiques qui porteront assurément leurs fruits (crédits à la rénovation, augmentation des investissements en infrastructures, politique maritime, relance du Plan Nord). La difficulté est que ces initiatives font monter la dette au-dessus des cibles prévues jusqu'en 2018. On atteint la cible en 2018, avec plus d'infrastructures construites ou rajeunies, mais il faut pour cela une croissance économique fort optimiste. Le budget prévoit des revenus autonomes en hausse de 3,9 %, 3,5 % et 3,3 % à compter de 2016, tandis que le cadre libéral a besoin de hausses de 4,4 %, 4,3 % et 4,3 %. Le cadre est risqué, car si la croissance escomptée par les libéraux n'est pas au rendez-vous, on creuse notre dette.
La CAQ a, pendant ce temps, son projet Saint-Laurent qui vise la création d'une Silicon Valley et propose une grande révision du financement de la recherche et de l'innovation. Prudente, elle n'intègre pas de revenus supplémentaires au cadre issu de cette politique. Elle promet en revanche 1 000 $ de retour aux familles. La mesure est controversée en ce qu'elle repose en bonne partie sur l'élimination de postes dont la création était attendue dans les prochaines années. Or, le PQ soutient que la création de ces postes n'est pas prévue au budget. Le retour de 1 000 $ semble difficilement réalisable, mais le cadre financier fait porter moins de risques aux finances publiques.
Le PQ, de son côté, s'appuie sur une politique économique qui, tout comme celle de la CAQ, pourrait prendre plus de temps à porter ses fruits que celle du PLQ. . Avec le temps, toutefois, cette politique pourrait être la bougie d'allumage d'une industrie d'avenir, celle de l'électricité. Son cadre financier est jugé ambitieux par le vérificateur général en ce qui a trait aux dépenses. Il est probablement toutefois le moins risqué, en ce qu'il n'engage pas de nouvelles dépenses ni ne renonce à des recettes.
Verdict?
Au final, qui offre la meilleure plateforme ? À l'exception de celle de QS, toutes se valent. Dans un contexte où la dette du Québec n'est toujours pas maîtrisée, on pencherait vers la prudence, et la plus prudente est celle du PQ.
Évidemment, préférer une plateforme n'est pas une indication de vote.
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