Blogue. Ça y est, la Coalition pour l'avenir du Québec est officiellement un parti politique. Avec de bonnes et de moins bonnes idées. Voici ce qu'on aime, et ce qu'on aime moins.
CE QU'ON AIME
- Mettre Hydro au régime
François Legault souhaite récupérer 1,5 G$ dans le périmètre budgétaire du Québec pour le réinvestir en éducation. De ce montant, 600 M$ proviendraient d'Hydro-Québec.
Année après année, les bonis aux salariés d'Hydro passent mal dans l'opinion publique. Il existe aussi un certain nombre de calculs basés sur les résultats d'autres sociétés d'électricité qui concluent à un effectif trop élevé. L'objectif de 600 M$ est probablement optimiste, en ce qu'il représente près du quart de la masse salariale de la société. Il est néanmoins temps que l'on examine objectivement de plus près son régime de dépenses.
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-La révision des 4G$ de crédits d'impôt
Nos entreprises doivent investir dans les technologies pour gagner en productivité. À cette fin, il est nécessaire de leur accorder de nouveaux crédits d'impôt. Pour les financer la CAQ propose de revoir l'affectation de l'enveloppe de 4 G$ et d'éliminer les crédits les moins rentables.
Ça risque de brasser dans la cabane. Tout le monde jugera que son crédit est essentiel. Mais il est bien de faire l'exercice. On verra lesquels sont de simples cadeaux et lesquels offrent un rendement pour le Québec.
-Envoyer non pas 25% mais 100% des redevances à la dette
Le but est de léguer à la prochaine génération une dette moins importante.
Monsieur Legault pourrait ajouter que c'est aussi la voie à suivre si le Québec veut un jour rationnellement recommencer à parler "souveraineté".
Il faut lire les rapports des agences de notation pour réaliser que la note de crédit du Québec subirait vraisemblablement une bonne décote si jamais il ne faisait plus partie du Canada. Il n'est pas un rapport qui ne fasse allusion à l'aide que pourrait procurer le gouvernement central à la province si les choses venaient à se dégrader ici.
N'ayons cependant pas trop d'attentes. Québec prévoit que les redevances rapporteront 365 M$ par année dans les exercices à venir, ce qui est non significatif pour la dette. M. Legault semble surtout espérer des redevances en provenance de Old Harry, un gisement dont la mise en exploitation n'est pas chose faite.
On aime quand même le principe.
-L'abolition de la règle des 15 ans
Il y a probablement autour de 150 M$ à aller chercher ici.
En vertu de cette règle, le gouvernement rembourse pendant 15 ans le coût des médicaments d'origine à ceux qui en font la réclamation. Plusieurs médicaments se trouvent à être remboursés, alors qu'il existe des médicaments génériques beaucoup moins coûteux. La mesure visait à inciter les multinationales à faire de la recherche ici. En 2005, une étude économétrique avait conclu que la règle rapportait 37 M$ à l'État et lui en coûtait 25 M.
Surprise dans les derniers crédits budgétaires : on découvre que son coût a encore grimpé de 20 % cette année et atteint maintenant... 193 M$. Pendant ce temps, Merck a sabré l'an dernier 180 emplois à son centre de recherches de Montréal et Pfizer, 150. L'effectif semble s'atrophier et la différence de coûts grimpe.
CE QU'ON N'AIME PAS
CE QU'ON N'AIME PAS
-La hausse projetée des salaires de 20% des enseignants
C'est la mesure qui fait le plus trembler.
Le but est d'attirer de meilleure compétence dans le corps professoral. L'augmentation est accompagnée d'un système d'évaluation obligatoire pour les profs. Il n'est pas question de menacer la sécurité d'emploi, dit-on dans le programme.
Le danger avec cette mesure, c'est que les professeurs ne sont pas les seuls à réclamer plus. Pourquoi ne donnerait-on pas non plus aux infirmières? Et aux procureurs de la Couronne? Et ainsi de suite.
L'État a déjà de la difficulté à maîtriser ses dépenses, il n'est surtout pas temps de faire bondir de 20% l'un de ses gros postes budgétaires.
-On se leurre sur l'espace budgétaire
On l'a vu, une bonne partie de la prime aux professeurs serait financée par une attrition chez Hydro-Québec (il y a aussi l'élimination des commissions scolaires et celle des agences de la santé).
Monsieur Legault et son équipe semblent malheureusement se leurrer sur le réel espace budgétaire dont ils disposent.
Depuis plusieurs années, pour équilibrer ses flux de trésorerie, le gouvernement emprunte sur le bénéfice d'Hydro-Québec qui ne lui est pas versé en dividende. L'emprunt est autour de 500 M$ par année.
Si la CAQ pense vraiment aux générations à venir, c'est une pratique qu'elle se devra d'abandonner. C'est qu'au moins 60% du bénéfice d'Hydro provient actuellement de Churchill Falls. Et qu'en continuant comme on le fait, il n'est pas impossible que lorsque l'entente avec Churchill prendra fin, dans 30 ans, on ait adossé à Hydro-Québec un endettement qui sera égal sinon plus grand que sa valeur (à ce moment).
Le 600 M$ que la CAQ compte dégager en économies devrait tout simplement servir à mettre fin à cette pratique.
La nouvelle formation n'a conséquemment malheureusement pas l'espace budgétaire qu'elle pense avoir pour opérer sa réforme.
-Le rôle accru de la Caisse de dépôt
La Caisse n'investit pas suffisamment au Québec au goût de messieurs Legault et Sirois. "Il n'y a pas de capital privé au Québec, il faut toujours bien que l'on ait du capital public", nous avait dit ce printemps monsieur Sirois.
On est bien d'accord que les positions de la Caisse au Québec devraient être plus importantes. Mais on doit la laisser libre de ses pondérations. S'il y a de l'argent à faire avec un risque adapté à celui recherché par l'institution, elle viendra par elle-même. C'est l'argent des retraités qui est au bâton.
Cette idée de créer avec elle un fonds d'investissement public-privé de 5G$ dans les ressources, nous taraude aussi un peu. Le rendement de ce fonds dépendra beaucoup du prix des matières premières. Et le risque associé au grand nord est plus élevé qu'ailleurs. À cause de sa gestion du risque, les sommes que l'on demandera à la Caisse pourrait bien ne plus être disponibles pour d'autres projets, moins éphémères et potentiellement plus structurants.