On ne connaît pas la moyenne au bâton des prévisions de David Rosenberg, économiste en chef et stratège du gestionnaire Gluskin Sheff et Associés depuis 2009, mais les opinions tranchées de l’auteur prolifique ramènent souvent les investisseurs à l’essentiel.
Ses vues sont intéressantes parce qu’il a longtemps été catalogué comme un pessimiste chronique pendant ses neuf années chez Bank of America Merrill Lynch, où il rédigeait ses bulletins quotidiens avant 7h00 du matin.
Il s’est d’ailleurs souvent défendu d’avoir été un optimiste obligataire (bond bull), son marché de prédilection, plutôt qu’un pessimiste boursier (market bear).
En 2013, il a froissé plusieurs de ses partisans en devenant plus optimiste envers la santé de l’économie américaine et les actions.
La modération est bonne pour la santé de la Bourse aussi
Alors que plusieurs attendent ou appréhendent un mouvement de repli pour la Bourse, après six ans de gains consécutifs, M. Rosenberg rappelle que l’évaluation des actions n’est pas un bon guide pour les investisseurs qui pensent avoir à chambouler leurs placements.
Il leur conseille de prendre du recul et d’observer les conditions fondamentales qui sont encore très favorables pour les actions.
La croissance économique, ni trop chaude ni trop froide, et l’inflation modérée, forment un contexte presque idéal (sweet spot) pour les actions, écrit-il.
«Nous ne sommes pas dans un boom économique et c’est une bonne chose puisque chaque boom mène à sa propre destruction», évoque l’économiste.
« "Les phases haussières prennent fin seulement lorsque que la Fed termine son resserrement monétaire, alors qu'elle n'a même pas commencé à retirer son soutien" »
Un taux d’inflation entre 1 et 2% et un PIB qui croît de 2 à 3%, après inflation - un duo sur lequel certains observateurs lèvent le nez - sont des conditions rentables pour la Bourse, avec un rendement annuel moyen de 14% historiquement, pour le S&P 500.
En fait, le S&P 500 performe beaucoup mieux lorsque l’inflation se situe entre 0 et 1 % que pendant les périodes où l’inflation dépasse 3%, dit-il pour narguer les déflationnistes.
Même chose pour l’économie. Le S&P 500 se porte bien mieux lorsque la croissance économique vogue de 2 à 3% que pendant les périodes où l’économie roule à un train de 4%.
«Ceux qui aimeraient que l’économie soit plus vigoureuse devraient se méfier de ce qu’ils souhaitent», ajoute le stratège.
Pas de choc monétaire en vue
Pas de choc monétaire en vue
Les marchés haussiers ne meurent jamais de vieillesse, insiste le stratège, mais toujours d’un choc monétaire.
Il donne en exemple la période entre 2003 et 2007 pour appuyer ses propos.
Alors que les lendemains de l’implosion de la bulle internet, le terrorisme, les scandales comptables et le discours déflationniste nourrissaient le pessimisme en 2003, la Bourse américaine a continué de s’apprécier pendant cinq ans, doublant sa valeur.
Le coup de grâce est venu de la Fed américaine qui a fait grimper son taux directeur de 1 à 5,25%, entre l’été de 2004 et celui de 2006.
«(Quand les marchés jouent au yo-yo), rappelez-vous l’histoire des marchés financiers. Les phases haussières pour la Bourse et l’économie ne prennent fin seulement lorsque que la Fed termine son resserrement monétaire, alors que la banque centrale n’a même pas commencé à enlever son soutien», indique l’économiste de Gluskin Sheff et Associés.
Rester en Bourse lui semble une proposition très raisonnable, surtout compte tenu des rendements anémiques que procurent les placements monétaires et de la valeur enflée des obligations.
«La valeur des obligations est tellement étirée qu’une hausse d’à peine 0,30 % des taux suffit pour générer un rendement négatif», conclut-il.
Les actions plus attrayantes que bien d’autres placements
Les actions plus attrayantes que bien d’autres placements
Son ex-employeur, Bank of America Merrill Lynch lui donne raison dans une note de son équipe de stratégie quantitative, publiée le 26 mai.
«La répartition d’actif est un jeu de somme nulle puisque si l’investisseur réduit ses placements en actions parce qu’elles sont chèrement évaluées, il doit investir son capital ailleurs. Or, les rendements espérés des autres classes d’actif ne sont pas plus attrayants», écrit Savita Subramanian, la stratège quantitative.
Les actions devraient produire un rendement annuel moyen de 8%, au cours des dix prochaines années, si l’on se fie aux rendements qu'elles ont procuré dans le passé lorsque l’évaluation du S&P 500 était similaire à celle qui prévaut aujourd’hui, en fonction de neuf ratios différents.
La marge d’erreur accorde une chance de 90% à un rendement qui se situe entre 5 et 12%, précise Mme Subramanian.
Évidemment, M. Rosenberg et Mme Subramanian ne prédisent pas un marché haussier en ligne droite, et encore moins sa performance à court terme. Un accident de parcours ou un choc peuvent survenir en tout temps, comme on l’a vu tant de fois depuis 2009.
Voici les rendements annuels espérés sur 10 ans pour différents placements, en fonction de repères propre à chacun :
Actions/5 à 12 %
Obligations/2 %
Bons du Trésor/ 0 %
Ressources naturelles/3 à 7 %
Immobilier/3 %