On lit que les banques grecques n’ouvriront peut-être pas leurs portes lundi et on apprend qu’elles ont eu besoin cette semaine d’autres fonds d’urgence de la part de l’Union européenne pour palier la fuite des déposants.
Le ton monte et les accusations fusent entre le gouvernement grec et ses créanciers, ce qui éloigne les parties d’un compromis nécessaire à un accord éventuel, à la table de négociation.
Des scénarios de «Grexit», «Graccident», de contrôle des capitaux, d’un statut de «zombie» pour la Grèce (soit une défaillance de paiement, sans sortie de la zone euro) et d’un retour du drachme ou d’une monnaie transitoire, peuplent les médias financiers.
Juste avant l’heure du lunch, le 19 juin, les cinq principales manchettes de Bloomberg sur son application mobile portaient sur la Grèce.
Pourtant, les marchés des actions, des obligations et des devises sont remarquablement calmes, à part une légère hésitation de la part des investisseurs à prendre position avant le week-end qui fait reculer les Bourses américaines, après des record historiques pour le Nasdaq et le Russell 2000, le 18 juin.
Pour la semaine, le Dow Jones a gagné 0,6%, le S&P 500, 0,7% et le Nasdaq, 1,3%.
Complaisance ou pragmatisme ?
Complaisance ou pragmatisme ?
Ce calme fait dire à Angelo Katsoras, de l’équipe d’analyse géopolitique à la Financière Banque Nationale, que les investisseurs sont trop complaisants, cette fois, face aux risques entourant une sortie de la Grèce de la zone euro, contrairement à la crise de 2012.
«Malgré les diverses mesures de protection qui ont été prises depuis 2012, nous continuons à soutenir que la zone euro reste économiquement vulnérable à une sortie de la Grèce», écrit-il.
Pour sa part, Martin Roberge, de Canaccord Genuity, attribue plutôt le stoïsme des investisseurs à leur pragmatisme et à leur vision de courte durée.
Ce n’est pas demain que le sort économique de la Grèce ou encore que la viabilité de la zone euro à long terme seront résolus.
Dans l’intervalle, les investisseurs font le pari que le risque d’une défaillance systémique du système bancaire est mince.
La Banque centrale européenne (BCE) a mis en branle un plan de rachat 1000 milliards d'euros d’obligations qu’elle activera s’il y a une nouvelle fuite de capitaux des dettes souveraines.
De toute façon, la Grèce ne peut déjà plus se financer dans le marché obligataire et la majorité (80%) de ses dettes sont dans les mains du Fonds monétaire international (FMI), du fonds de sauvetage de la zone euro, de la BCE et des états membres de la zone euro.
Dans cette logique, puisque le système financier peut tenir le coup, raisonnent les investisseurs, les effets secondaires du long mélodrame grec paraissent moins catastrophiques.
Des taux d’intérêt et une monnaie faibles en Europe alimentent déjà une révision à la hausse des bénéfices des entreprises européennes.
L'indice composite Markit de l'activité manufacturière et des services en Europe a aussi atteint un sommet en 4 ans, au mois de mai, de 54,1. En France, l'indice PMI composite Markit a progressé pour un cinquieme mois consécutif et a atteint son plus haut niveau depuis août 2011, à 53,4 points.
"Si l'indice des directeurs d'achat reste sur sa trajectoire actuelle, la croissance de l'économie européenne pourrait atteindre 2% en 2015, évidemment dans l'éventualité d'une résolution de la crise grecque", a noté Chris Williamson, économiste en chef de l'agence Markit.
Une économie mondiale au ralenti assurerait aussi à une lente remontée des taux par la Fed américaine, dont la Bourse américaine a besoin pour prolonger son marché haussier.
Espérons que le pragmatique gagnera son duel sur le complaisant.