BLOGUE. Deux hausses de dividendes en six mois, le retour de ventes comparables à la hausse (de 2,3 % au 1er trimestre), un nouveau programme de fidélité personnalisé PC Plus, création d’un fonds immobilier et des investissements de 100 millions de dollars au Québec (incluant deux nouveaux magasins-concepts à Sherbrooke et à Kirkland), il n’y pas pas de doute, l’épicier Loblaw sort de sa longue torpeur.
S’agit-il véritablement d’un réveil ou l’épicier ne fait-il que rattraper ses rivaux Metro et Sobeys/IGA après six ans d’une laborieuse restructuration ?
L’épicier semble suffisamment confiant dans l’implantation de son nouveau système de gestion SAP pour passer à l’offensive. La Bourse a pris note du changement de régime, l’action de Loblaw a grimpé de 48 % depuis un an.
Bien que Galen Weston Jr. soit le visage de Loblaw (Tor., L, 47,33 $) depuis 2010, Vincente Trius, l’ex-cadre de Wal-Mart et de Carrefour, pilote l’épicier de la famille Weston, depuis février 2011.
Le bénéfice du doute
Les analystes suivent les décisions de Loblaw de près, mais hésitent encore à se prononcer sur l’éventuel réussite de sa relance.
« Un trimestre de ventes positives n’est pas une tendance, mais l’action de Loblaw pourrait atteindre 60 $ si l’épicier réussit sa relance, en exploitant le levier de son nouveau système de gestion SAP », indique David Hartley, de Credit Suisse.
M. Hartley estime que le système de gestion SAP éliminera des coûts superflus de 400 millions de dollars, par rapport aux investissements de 200 millions pour son implantation.
Loblaw récoltera aussi 2,40 $ par action de l’envoi en Bourse de son parc immobilier dans un fonds de placement immobilier à capital fermé ou FPI, en juillet.
« Loblaw pourrait racheter davantage d’actions avec ces liquidités fraîches », prévoit M. Hartley.
« Plusieurs facteurs favorables émergent en même temps. Les clients répondent davantage à son ’offre de produits et à sa politique de bas prix tous les jours. Les dirigeants deviennent aussi plus confiants concernant l’impact du nouveau système de gestion SAP sur sa chaîne d’approvisionnement. Les flux de trésorerie augmentent. La société met en valeur son parc immobilier », énumère Keith Howlett, de Valeurs mobilières Desjardins, qui a un cours-cible de 50 $.
PC Plus hausse la barre
PC Plus hausse la barre
Loblaw vient aussi de lancer le programme de fidélité PC Plus dans 44 magasins Loblaw, en Ontario. PC Plus sera élargi à toutes les épiceries conventionnelles et celles de grande surface, d’ici la fin de 2013.
« L’aspect numérique est une première au Canada et lui donne un avantage sur Sobeys et Metro – dont les rabais prennent la forme de coupons imprimés », note Peter Sklar, de BMO Marchés des capitaux.
L’analyste, qui a participé à une démonstration à Toronto, se dit impressionné par les fonctionnalités interactives de l’application, telles que la liste d’épicerie et l’offre de recettes associées aux achats.
« Il reste à voir à quel point PC Plus bénéficiera aux ventes et au volume de Loblaw. L’offre de points devra être suffisamment attrayante pour que ses clients les plus loyaux achètent des articles qu’ils n’auraient pas acheté autrement », indique M. Sklar.
PC Plus n’arrive toutefois pas à la hauteur du programme américain de Safeway, Just For U, qui offre des rabais instantanés jusqu’à 20 % de la part de Safeway et de ses fournisseurs alimentaires, pendant que le client fait son épicerie, explique M. Sklar.
Safeway lancera Just For U dans ses épiceries canadiennes, d’ici la fin de 2013.
Les membres de PC Plus et de Metro et Moi cumulent plutôt des points qui deviennent éventuellement des rabais.
« Le lancement de PC Plus hausse la barre des programmes de fidélité. C’est un autre signe tangible que les initiatives de l’épicier se déplacent de l’arrière-cour vers l’avant du magasin pour rebâtir sa relation avec ses clients », écrit Irene Nattel, de RBC Marchés des capitaux.
L’analyste ne change pas ses perspectives, pour l’instant, et attend de voir si le programme, qui personnalise les rabais hebdomadaires en fonction des habitudes d'achat de chaque client, améliorera la fréquentation des épiceries et la taille du panier d’achats.
L’objectif de Loblaw : remplacer les soldes généralisées en réponse aux prix des concurrents par des rabais sur mesure afin de diminuer la proportion des ventes provenant des articles à prix coupés non rentables qui ornent la une des circulaires, explique Mme Nattel.
PC Plus permettra à Loblaw de diriger ses « dollars de promotion » vers ses meilleurs clients, au lieu des chasseurs de soldes infidèles, illustre pour sa part James Durran, de Barclays, dans un rapport.
La valeur des rabais de PC Plus équivaut à celle qu’avaient déjà ses rivaux Metro et Sobeys/IGA. M. Durran prévoit 3,5 millions d’utilisateurs d’ici un an et estime que le coût des rabais atteindra 350 millions de dollars.
« Dans la conjoncture actuelle, il n’est pas sûr que les épiciers obtiennent réellement des ventes additionnelles avec leur programme de fidélité. Néanmoins, maintenir la fréquentation des magasins, au lieu de baisser les prix, reste encore le meilleur moyen pour les détaillants de préserver leur rentabilité quand de nouveaux rivaux s’installent », ajoute M. Durran.
Nouvelle guerre de prix
Nouvelle guerre de prix
Perry Caicco, de Marchés mondiaux CIBC, est le plus sceptique des analystes envers la relance de Loblaw.
Il doute que la hausse de 2,3 % des ventes comparables au premier trimestre dure. Elle reflète surtout l’amélioration de l’offre de produits frais qui laissait à désirer un an plus tôt.
Circulaires du 1er mai à l’appui, M. Caicco, indique que la guerre de prix reprend déjà de plus belle en Ontario, en raison de l’ajout spectaculaire de superficie de la part de Wal-Mart, Target et d’épiceries ethniques.
« La page une des circulaires de Loblaw, Fresh Co., Food Basics et Metro montrent des prix de 2 $ sur les œufs, de 2,75 $ pour une livre de beurre et de 3,99 $ pour le 2 litres de lait. Ça nous dit que le deuxième trimestre a démarré lentement et que les épiciers cherchent à stimuler leurs ventes, même au détriment de leurs marges ».
Loblaw devra sérieusement s’attaquer à ses coûts, si l’épicier espère surpasser son bénéfice d’exploitation d’il y a un an, ajoute M. Caicco.
Au Québec, les nouveaux investissements de Loblaw ne feront pas beaucoup plus que freiner l’important déclin de ses épiceries conventionnelles dans la province, avance l’analyste.
Les épiceries à rabais Maxi et Cie de Loblaw performent mieux, mais M. Caicco estime qu’au mieux, elles maintiennent leur part de marché.
Les épiceries traditionnelles d’IGA sont tellement performantes qu’elles sont les seules à gagner des parts de marché, au Québec, dit-il.
« Le marché québécois est sur le point de changer de façon radicale avec 13 nouveaux supercentres Wal-Mart et 23 Target qui feront pression sur les trois épiciers ».
Son cours-cible de 47 $ est inférieur au cours actuel.