BLOGUE. Il est toujours agaçant lorsqu’un scénario fait consensus, puisque l’histoire boursière a souvent démontré que les événements ont le tour de le déjouer.
C’est pourtant ce à quoi l’on assiste ces jours-ci. Les Bourses tiennent bon malgré l’impasse budgétaire aux États-Unis parce que les 17 épisodes précédents n’ont eu aucun effet durable sur l’économie et la Bourse.
Les commentaires se multiplient pour montrer, tableaux à l’appui, que la Bourse américaine a en effet repris tout le terrain perdu dans les 30 à 60 jours, après tous les épisodes de fermeture partielle des services fédéraux.
Quant au bras-de-fer plus corsé concernant la nécessité de relever la dette fédérale de 16 700 milliards d’ici le 17 octobre, tous s’attendent aussi à un compromis de la douzième heure pour éviter un défaut de paiement, une nouvelle décote de la dette américaine et la chute de 19% que le S&P 500 a connu en 2011, lorsque les États-Unis ont été privé de leur cote souveraine triple A.
Le comportement des options les plus négociées sur le S&P 500 indique aussi que les négociateurs prévoient que l'indice phare aura récupéré toutes ses pertes récentes d’ici vendredi et que l’indice se négociera à un nouveau sommet à la mi-octobre.
L’or, le franc suisse et les obligations allemandes, habituellement des placements-refuges, ne montrent aucun signe de panique non plus.
Complaisance ou recul sain ?
Complaisance ou recul sain ?
Certains observateurs parlent bien sûr de complaisance, mais les pros préfèrent prendre du recul. «La stratégie consiste à ne pas prétendre de connaître l’avenir et de pouvoir en tirer profit. On peut prendre position, mais on peut se tromper», a évoqué Alan Wilde, gestionnaire d’obligations et de devises chez Barings Asset Management, à l’agence Reuters.
Les pros font le calcul que le mur budgétaire et de la dette ne feront pas dérailler l’économie de sa trajectoire pour justifier une nouvelle répartition de leur capital.
Ils restent donc sur leurs positions. Les actions américaines restent pour plusieurs la meilleure classe d’actif à détenir.
En fait, les ramifications d’un défaut historique de la dette sont tellement énormes que tous refusent de croire à un tel scénario.
Le roi de la gestion des obligations Bill Gross a déclaré que «les États-Unis éviteront un défaut catastrophique sur sa dette, même si le Congrès n’arrive pas à s’entendre, parce que le Trésor américain est au cœur du système financier mondial».
Sur la chaîne d’information américaine CNBC, l’ancien grand patron de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, a dit qu’il «serait totalement absurde que le plafond de la dette ne soit pas augmenté parce que, là, c’est la crédibilité de la signature des États-Unis qui est en jeu».
Warren Buffett, l'investisseur légendaire à la tête de Berkshite Hathaway, s'attend aussi à une résolution de l'impasse, mais pas avant que " le Congrès atteigne un point culminant d'idiotie, mais sans le franchir ", a-t-il dit à la chaîne CNBC, jeudi matin.
L’avenir dira si ces investisseurs ont eu raison de rester aussi stoïques, mais on peut au minimum s’attendre d’ici le 17 octobre à plus de volatilité et à un repli supérieur à celui de 2 % qu’a déjà essuyé le S&P 500, depuis le 19 septembre.
À moins bien sûr que démocrates et républicains enterrent rapidement leur hache idéologique.
Les liquidités abondantes : un amortisseur
Les liquidités abondantes : un amortisseur
Les investisseurs ont des alliés de taille: les argentiers du monde veillent au grain et les liquidités restent abondantes, ce qui devrait servir d’amortisseur pour l’économie et la Bourse.
«Les taux directeurs devraient rester près de zéro dans toutes les grandes économies développées pour encore au moins deux ans», prévoit Andrew Kenningham, économiste de Capital Economics.
La Fed américaine prolongera ses rachats d’obligations et sa politique de taux zéro.
La Banque centrale européenne se tient au chevet de la zone euro.
Le Japon s’apprête à dévoiler un nouveau plan de relance de 50 milliards de dollars pour compenser pour la hausse de 5 à 8 % de sa taxe de vente.
Aux États-Unis, la baisse de 6 % des prix de l’essence à la pompe depuis un mois et le recul des taux d’intérêt de 10 ans plus près de 2,6 % soulageront aussi le consommateur, tandis que le nouveau repli du dollar américain aidera les exportateurs américains, pendant que l’économie ralentit.
" Les gens ne réalisent pas qu'une croissance économie de 2 % est un rythme tout à fait respectable, quand on sait que les banques, les entreprises et les consommateurs se désenttent (ce qui enlève à l'économie l'effet multiplicateur du levier) ", a déclaré Hank Paulson, l'ex-secrétaire du Trésor, à la chaîne CNBC, jeudi matin.
Stratèges et gestionnaires se disent tous prêts à réinvestir en Bourse dans tout mouvement de repli, ce qui amènera aussi des acheteurs en Bourse à chaque soubresaut.
Les liquidités et les bénéfices records sont moins efficaces qu'avant pour soutenir la Bourse, après cinq ans de hausse. Les investisseurs n'attendent qu'une réaccélération de l'économie pour revenir en force aux actions, croit Michael Harnett, stratège en chef, de Bank of America Merrill Lynch.
Après tout, le S&P 500 leur a donné un rendement annualisé de 20 % cette année, alors que les obligations américaines de 30 ans ont perdu 16 %, si on annualise leur rendement de neuf mois.