Vous avez besoin d’argent pour financer votre projet d’entreprise. La tournée des organismes subventionnaires vous rebute et vous devez oublier les banques parce que vous n’avez pas encore de ventes ni d’actif. Et puis, vous n’avez pas envie de vous casser la tête à rédiger un plan d’affaires. Pas de problème, pensez-vous, il y a le sociofinancement, ou financement participatif. Vous allez afficher votre idée d’entreprise sur un site de financement participatif et recueillir de petites sommes de plusieurs donateurs jusqu’à atteindre votre objectif financier. Vous êtes tellement passionné et votre idée tellement bonne, ça ira tout seul.
Minute papillon!
«On ne retient que le mot financement dans l’expression « financement participatif», déplore François Bédard, directeur d’Ulule Canada. Ulule est une plateforme française lancée en 2010 (14 986 projets présentés, 9504 projets financés, 48,9M$ amassés, taux de succès du financement de 67%). Depuis avril 2015, Ulule possède un bureau au Québec.
« On bâtit sa notoriété d’abord, on lance sa campagne de financement participatif ensuite. »
Bonne nouvelle - «Le financement participatif est une tactique qui va bien au-delà du financement, ajoute François Bédard. C’est aussi de la mise en marché en amont – vous l’utilisez pour tester l’intérêt des gens pour votre produit en prévente. Ça sert aussi à bâtir votre communauté, à faire comprendre votre offre, à élargir votre public cible ( 20% à 30% des films présentés au festival Sundance ont été financés sur Kickstarter. Lorsqu’ils sortent en salle, ils ont déjà un public.) … à vous rendre désirable quoi!»
Mauvaise nouvelle – Recourir au financement participatif exige beaucoup de travail en amont aussi bien que pendant la campagne. Un travail qui requière des compétences en communication/ en rédaction/en graphisme/en animation de communauté.
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C’est ce que François Bédard a expliqué hier lors d’une formation sur le financement participatif et les secrets d’une campagne réussie. Cette formation se donne tous les mardis matins dans les locaux de l’Esplanade, dans le quartier Mile Ex. Vous pouvez vous inscrire sur la page Facebook de cet organisme.
Hier, une dizaine d’entrepreneurs ont assisté à la présentation. Ils ont eu droit à une bonne dose de réalité. Face à celle-ci, certains sont repartis débinés et d’autres stimulés. Chose certaine : savoir à quoi s’attendre augmente les chances de succès ou permet de choisir un autre instrument.
3 mythes à propos d’une campagne de financement participatif1-«Un bon projet est un gros projet». Pas du tout, un bon projet est celui qui rencontre son public cible, un projet authentique.
2-«Il faut y aller d’un seul coup pour ne pas avoir à refaire l’exercice, c’est trop exigeant». Au contraire, vous augmentez vos chances en décortiquant votre projet en plusieurs petits projets et en effectuant plusieurs campagnes. La première campagne permet de bâtir votre communauté. Si vous avez bien fait votre travail, vos donateurs s’attacheront à vous et ils reviendront pour votre prochain projet. Et ils vous amèneront de nouveaux adeptes. Un exemple: en France, un jeune couple a décidé de faire la tournée des salles de cinéma indépendantes en Europe pour partir à la découverte du modèle de l’avenir. On se doute qu’ils veulent tirer un documentaire et un livre de cette équipée. Mais leur premier projet ne sollicite que du financement pour leur « road trip ».
3- Les donateurs cherchent de bonnes idées à financer. Faux! Ils cherchent de bons projets à financer. Une idée n’est pas un projet. Rendre accessible l’immobilier environnemental assorti d’économies d’énergie, c’est une idée. Construire un immeuble carboneutre c’est un projet.
9 conseils pour réussir sa campagne de financement participati
1- On bâtit sa notoriété d’abord, on lance sa campagne ensuite. Créez-vous une page Facebook, un blogue, une page d’entreprise pour attirer une petite communauté. Lorsque vous lancerez votre campagne, vous aurez de quoi alimenter la section « qui suis-je ? » et « qu’aie-je fait ? »
2- Pas de place pour l’amateurisme! Chaque mot, chaque image et chaque mise en page qui accompagne la description de votre projet sur une plateforme de financement participatif comptent. Non, les gens ne seront pas plus enclins à contribuer à votre projet si tout à l’air «fait maison». Il y a une différence entre sympathique et amateur. Il faudra donc investir ou vous trouver des amis compétents pour la rédaction, la vidéo, le marketing, etc.3- Les collectes courtes sont les plus dynamiques. 90 jours c’est l’ultime limite. La campagne moyenne dure 45 jours. L’idéal c’est 30 jours.
4- Les deux moments les plus importants de votre campagne sont le jour 1 (lancement) et le jour -1 ( veille de la fermeture). Le jour 1 donne le ton. À 10 jours de la fermeture, vous aurez généralement accumulé 25% de la somme. Alors débute le crescendo pour créer un sentiment d’urgence chez les donateurs.
5- Conservez des atouts dans votre manche. Vous devez communiquer pendant 45 jours, faites-vous un plan. Gardez des éléments uniques que vous dévoilerez petit à petit pour inciter les gens à revenir sur votre page. Et, si ça ne lève, ayez des surprises.
6- Remerciez… souvent ! Chaque fois que vous atteignez un palier symbolique, affichez-le en mots et en image. On a envie de s’associer aux projets qui soulèvent l’intérêt.
7- Soyez démocratique. Les contreparties que vous offrez – les cadeaux, les récompenses – doivent viser toutes les bourses. Soyez fou, osez! Prenez le cas du film Noob, financé via Ulule, les contreparties allaient de votre nom au générique à une journée sur le plateau de tournage pour 1000 euros. Il y a eu 12000 noms au générique et 80 forfaits plateau de tournage ont été vendus.
8- Calculez tous vos coûts. Lorsque vous fixez le montant que vous désirez recueillir pour votre projet, n’oubliez pas d’inclure les taxes que vous aurez à payer pour votre activité, la commission à payer à la plateforme de sociofinancement et les coûts de production liés aux contreparties que vous offrez aux donateurs (par exemple : si vous donnez des tshirts, des DVD ou des sacs, il faut les fabriquer).
9- Levez le rideau. Sur votre page, racontez les coulisses de votre projet. Amenez les donateurs potentiels derrière la scène. Dévoilez-vous. Racontez une bonne histoire. Mais attention, soyez vrai et authentique. «Beaucoup d’humilité et pas de bullshit», prévient François Bédard.
Le cas du téléphone NeoRetro d’Orange, début d’une tendance?
Vous croyez que le financement participatif c’est pour les petits? Et bien Orange, le géant des télécoms, en a décidé autrement. Ce printemps il s’est servi de la plateforme Ulule pour tester l’intérêt pour son nouveau téléphone NeoRetro. Il n’était pas question d’amasser des fonds, mais plutôt de faire de la prévente. Les 200 premiers exemplaires étaient numérotés. Si Orange en vendait 500, elle débutait la production en 2016. Début juillet, 618 NeoRetro ont été prévendus.
Assiste-t-on au début d’une tendance? Verrons-nous d’autres grandes entreprises se servir des plateformes de financement participatif? Je parie que oui.