Si vous jetez un coup d'oeil à la performance des marchés depuis 2008, vous devez conclure que les obligations et les actions ont offert des rendements attrayants. Cette performance pousse bien des gens à crier qu'il y a une bulle à la Bourse et dans les obligations.
J'ai déjà écrit mon écoeurement au sujet de la surutilisation du concept de bulle. Toutefois, permettez-moi de vous présenter mes arguments à propos d'une bulle cruelle et sournoise : celle des mauvaises prédictions, des prédictions erronées, voire désastreuses.
Commençons par le marché obligataire. Depuis 2008, économistes, politiciens et investisseurs milliardaires ont dénoncé la politique accommodante - trop accommodante - de la Réserve fédérale (Fed), la banque centrale des États-Unis. Ils sont nombreux à avoir prédit, de façon catégorique et bruyante, que les décisions de la Fed provoqueraient une hausse de l'inflation, voire une flambée.
En novembre 2010, après que la Fed eut annoncé une deuxième ronde d'achats d'obligations, appelée QE2, pour soutenir et fouetter la reprise, un groupe d'économistes, d'investisseurs et de stratèges politiques ont publié une lettre selon laquelle cette décision ferait peu pour stimuler la création d'emplois tout en risquant de gonfler l'inflation et de provoquer la dégringolade du dollar américain.Des noms impressionnants
On retrouvait parmi les signataires de cette lettre des noms comme John Taylor, professeur d'économie à l'Université Stanford, Paul Singer, gestionnaire de fonds de couverture, Seth Klarman, gestionnaire du fonds spéculatif (hedge fund) Baupost Group, et Jim Chanos, fondateur de la firme Kynikos. Ce sont des gens très brillants.
Les malheureux qui ont écouté leurs prédictions et qui ont évité le marché obligataire n'ont pu profiter des 1 000 milliards de dollars américains de rendement que les obligations gouvernementales, seulement aux États-Unis, ont procuré depuis la fin de 2008.
C'est en quelque sorte la facture qu'on pourrait envoyer à tous ces supposés experts pour avoir mal conseillé les investisseurs.
En passant, l'an dernier, au moment où les taux d'intérêt avaient augmenté de façon sensible, plusieurs de ces prétendus experts ont commencé à crier victoire : «Voilà, la hausse tant annoncée est arrivée». Et ils étaient nombreux à croire que ce n'était que le début.
Oups... encore une fois, ils se sont trompés : le marché obligataire a fait mentir la majorité des investisseurs jusqu'ici en 2014, grâce à une performance supérieure aux actions.Il est clair qu'on était en droit de s'inquiéter des répercussions des mesures musclées de la banque centrale américaine, mesures jamais vues dans son histoire de 100 ans. Il est clair aussi qu'environ six ans plus tard, les dirigeants de la Fed avaient raison et que ses critiques avaient tort.
L'économie américaine se porte mieux, sans être en parfait état. Elle se distingue davantage si on la compare aux économies européennes.
Cette meilleure santé relative provoque d'ailleurs une grande vigueur du dollar américain, que peu de spécialistes avaient prévue (êtes-vous surpris ?). En fait, si j'avais reçu un dollar toutes les fois que j'ai lu des mentions indiquant qu'on est proche de la «fin du dollar», je pourrais m'acheter un yacht luxueux !
Le plus important est que, même si l'économie américaine est dans sa cinquième année de croissance, le taux d'inflation se situe à un réconfortant 1,7 %. Ce n'est pas un feu de paille : l'inflation est à moins de 2 % depuis 27 mois consécutifs. Il ne s'agit pas ici de se tromper un peu... mais de se tromper sur toute la ligne et pendant plusieurs années.Des occasions perdues
Parlons maintenant du marché boursier, brièvement. L'indice américain S&P 500 s'est apprécié de 197 %, de son creux de mars 2009 à aujourd'hui. Il s'agit d'un bon reflet des performances boursières en Amérique du Nord. Là encore, ce marché haussier s'est manifesté au milieu de la crainte, des incertitudes et des prédictions noires.
Or, une économie en reprise dans un climat où l'inflation et les taux d'intérêt sont simultanément bas fournit un contexte idéal à la Bourse. À mon avis, c'est le cas depuis 2009, et surtout depuis 2011, une année de recul pour les actions, alors que la reprise économique était beaucoup plus évidente.
Malgré cela, ils sont nombreux les épargnants qui ont évité la Bourse, en partie parce qu'ils avaient peur et aussi parce qu'ils lisaient et entendaient tant de prédictions de dégringolade, de corrections, de marchés baissiers...
Par exemple, depuis 2010, de nombreux experts estiment qu'il faut éviter le marché boursier américain parce qu'il est trop cher. D'autres prédisent une baisse dramatique dès que les taux d'intérêt grimperont, ce qui serait sur le point de se produire. Ce qu'on répète année après année.Si vous voulez avoir une idée de l'occasion perdue pour les investisseurs, sur la base de l'indice Wilshire 5000, qui donne la meilleure idée de la valeur totale de la Bourse américaine, la valeur de ce marché s'est appréciée d'environ 9 000 milliards de dollars américains depuis janvier 2010.
Je suis les marchés depuis 30 ans et je dois vous avouer que je n'ai jamais vu autant de personnes avoir autant tort aussi longtemps. C'est vrai dans tous les aspects des marchés, aussi bien pour la Bourse que pour les obligations.
S'il y a une bulle, elle se situe indiscutablement dans les mauvaises prévisions, et celles-ci devraient pousser bien des investisseurs à crier à tous ces experts, «vous n'êtes pas écoeurés de vous tromper, bande de...»
De mon blogue
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