L'histoire du fabricant de recouvrement de planchers Mohawk Industries (NY, MHK, 186,22 $ US) est incroyable et mérite d'être étudiée de près.
Cette affaire commence lorsque j'ai acheté 300 actions à l'automne de 2006, à environ 75 $ US l'action. Quelques semaines plus tard, le titre avait bondi de plus de 25 %, et je me pensais tellement brillant... Sauf que je n'étais pas conscient du fait que Mohawk se trouvait pratiquement au sommet d'un cycle «parfait» et au bord d'une douloureuse et longue dépression.
En 2006, Mohawk Industries a réalisé un chiffre d'affaires de 7,9 milliards de dollars américains, son sommet historique. Trois ans plus tard, ses revenus avaient fondu à 5,3 G$ US, une dégringolade de 33 %.
Fabriquer des tapis, des moquettes et des tuiles comme le fait la société de Calhoun, en Géorgie, nécessite des investissements importants. Ce sont aussi des activités pour lesquelles les marges bénéficiaires brutes sont minces, inférieures à 30 %.
Cela signifie que la rentabilité peut exploser si les revenus surpassent un certain niveau, mais qu'elle peut aussi disparaître lorsque le chiffre d'affaires recule un peu.
Opération survie
Autrement dit, tenter de maintenir sa rentabilité lorsque les revenus fondent de 30 % tient du miracle. C'est ce qu'a cherché à réaliser Jeffrey Lorberbaum, le président et chef de la direction de Mohawk, et il a réussi, car sur la base de ses fonds autogénérés, l'entreprise n'a jamais été déficitaire pendant la crise.
Pour y parvenir, M. Lorberbaum a réduit massivement ses dépenses générales, diminué le nombre d'employés et éliminé des centres de distribution et des usines pour une superficie totale de quatre millions de pieds carrés.
«La transition vers une structure de coût plus basse permettra à Mohawk d'émerger dans une position plus forte lorsque l'économie s'améliorera», écrivait M. Lorberbaum dans son rapport annuel de 2009.
Il fallait la foi pour y croire. D'un sommet de 108 $ US en 2007, le titre en Bourse n'a fait que dégringoler par la suite. Au pire, au début de 2009, il se négociait à 17 $ US, une baisse de 84 % par rapport à son sommet deux ans auparavant. Je me retrouvais avec une perte de 77 %, mais je ne comptais plus.
En effet, j'avais un placement dans une société cyclique, dans un secteur en pleine implosion, qui luttait pour sa survie.
J'étais paralysé, mais je n'ai pas vendu ce titre. J'ai toutefois suivi, trimestre par trimestre, les développements et les décisions de M. Lorberbaum. Ainsi, j'ai étudié les résultats financiers de l'entreprise et lu avec intérêt les comptes rendus de conférences téléphoniques.
J'ai ainsi été témoin d'un fantastique revirement de situation. Je vous ai parlé de 2009, comme point le plus bas. Mohawk a publié ses résultats de 2014 récemment. Elle a ainsi réalisé des revenus de 7,8 G$ US, en hausse de 6 % par rapport à 2013. La société de Géorgie est ainsi revenue à son chiffre d'affaires record de 7,9 G$ US au sommet du cycle. Ses bénéfices nets ont atteint 598 M$ US (excluant les éléments extraordinaires) ou 8,15 $ US par action, soit une hausse de 24 % par rapport à 2013.
Jamais Mohawk n'a fait autant de bénéfices ! Pas même en 2006 (447 M $ US).
Le marché boursier a reconnu les exploits de Mohawk. Le titre a augmenté de 10 $ US à la suite de la publication des résultats le 19 février. Il se retrouve à plus de 180 $ US, soit dix fois son creux d'il y a six ans.
Une société transformée
Le président a tenu promesse. Les efforts entrepris pour réduire la structure de coût ont réussi à améliorer sa rentabilité. Mohawk a réalisé en 2014 les meilleures marges de son histoire.
De plus, le travail effectué pour réduire son endettement, qui est passé de 3,3 G$ US en 2005 à 1,5 G$ US en 2011, lui a donné la marge de manoeuvre pour investir dans son développement. En 2013, Mohawk a réalisé trois acquisitions, dont celles de Pergo, un important fabricant de planchers en laminé pour 150 M$ US, et de Marazzi Group, un leader mondial de la tuile en céramique, pour 1,5 G$ US.
La société est entrée dans la crise alors qu'elle était surtout un fabricant de tapis faisant des affaires auxÉtats-Unis.
En 2006, 88 % de ses ventes étaient réalisées aux États-Unis, et plus de 60 % dans le tapis. Aujourd'hui, plus de 30 % de son chiffre d'affaires provient de l'extérieur de l'Amérique du Nord. De plus, le tapis ne représente plus que 40 % de ses revenus, la céramique étant maintenant aussi importante.
Enfin, en janvier, Mohawk a continué de se diversifier en achetant IVC Group pour 1,2 G$ US. IVC, située en Belgique, est spécialisée dans la tuile en vinyle de luxe et enregistre des revenus annuels de 700 M$ US.
Si on tient compte du fait qu'elle évolue dans un secteur difficile, peu rentable et très concurrentiel, les réalisations de cette société sont tout à fait renversantes. En fait, j'ai appris à connaître et à apprécier son président Jeffrey Lorberbaum, au point de déclarer que si j'avais à former une équipe d'étoiles des meilleurs dirigeants du monde, il en ferait partie.