Dans mes chroniques, j'ai souvent mis en garde les investisseurs contre les premiers appels publics à l'épargne (PAPE). À mon avis, si placer son argent en Bourse est toujours difficile, c'est encore plus vrai dans le cas des PAPE.
Ces émissions sont fréquemment faites par des entreprises n'ayant qu'un bref historique financier, au moment le plus propice pour ses dirigeants et actionnaires et, de surcroît, à des évaluations trop élevées.
Cela dit, ce serait une erreur de fermer les yeux complètement sur les PAPE, car il peut y avoir des exceptions qui méritent notre intérêt.
L'exemple de David's Tea
Je suis tombé sur un bon exemple, celui de la société David's Tea, qui a déposé le 2 avril un prospectus provisoire auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC) en vue d'une émission d'actions de 75 millions de dollars américains. L'analyse de David's Tea montre qu'elle possède plusieurs éléments d'une société de grande qualité.
David's Tea a été lancée en 2008 à Montréal par David Seagal et son cousin Herschel Segal, fondateur de la chaîne Le Château. C'est une chaîne de commerces de détail spécialisée dans le thé et ses accessoires.
Elle exploite un réseau de 158 magasins, soit 134 au Canada et de 24 aux États-Unis. La chaîne prévoit en ouvrir de 25 à 30 au Canada et de 10 à 15 aux États-Unis cette année. Au total, le rythme annuel des ouvertures devrait avoisiner les 30 à 40. La société estime qu'elle a le potentiel de 100 nouvelles boutiques seulement au Canada et jusqu'à 300 aux États-Unis.
Vous avez donc là le premier ingrédient d'un PAPE intéressant, soit le potentiel de croissance. En ajoutant environ 30 magasins par année, David's Tea peut facilement afficher une croissance de 20 %, sans tenir compte de la progression des ventes comparables.
Le thé est la deuxième boisson en importance dans le monde, après l'eau. Cela m'a surpris au premier coup d'oeil, car j'aurais cru le café plus populaire (cinquième au Canada). On parle d'un marché mondial de 40 milliards de dollars américains. De 2009 à 2013, les ventes ont crû à un rythme annuel composé de 8 %, selon la firme de recherche Euromonitor International, et elles devraient augmenter de 7 à 8 % de 2014 à 2018.
Le potentiel est là, mais la concurrence aussi. Le plus important concurrent est Teavana, une société que je suivais avant qu'elle ne soit achetée par la multinationale du café Starbucks en 2012. Teavana exploite 59 boutiques au Canada et plus de 200 ailleurs, sans oublier que ses produits sont offerts dans les Starbucks (dont les 1 400 au Canada).
Tim Hortons devrait aussi se lancer dans le marché du thé au cours des prochaines années. Je me demande d'ailleurs si cette dernière a déjà approché David's Tea, pour imiter Starbucks.
Outre la croissance, David's Tea affiche aussi une performance financière fort respectable. Elle est déjà rentable, son bénéfice d'exploitation ayant passé de 7,7 M $ US en 2011 à 21,9 M $ US au cours de son dernier exercice clos le 31 janvier. C'est une croissance annuelle composée de 68 %. Pendant la même période, ses revenus ont crû de 50 % par année, soit de 41,9 à 141,9 M $ US.
Ses ventes comparables (celles des magasins ouverts depuis au moins un an) ont progressé au cours de 22 trimestres consécutifs. Ces ventes ont augmenté de 10 % par année depuis 2011, ce qui en dit long sur la santé du concept. En fait, il s'agit d'une performance impressionnante.
Vous avez donc une entreprise en croissance et rentable. De plus, le bilan est sain, même sans tenir compte de l'argent provenant de l'émission.
Il vous manque une direction compétente et, là encore, David's Tea impressionne. Elle compte notamment sur Sylvain Toutant, 51 ans, président et chef de la direction depuis un an. Ce dirigeant québécois bien connu a déjà été président de Keurig Canada, de Van Houtte, de la Société des alcools et de Réno-Dépôt, entre autres.
Au conseil d'administration, on retrouve Pierre Michaud, 71 ans, fondateur de Réno-Dépôt et ancien président du conseil de Provigo, qui connaît le détail comme pas un. Également, Guy Savard, 72 ans, ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec et de Merrill Lynch Canada. Il y a aussi l'Américain Tom Folliard, que vous ne connaissez probablement pas. Il est président et chef de la direction de Carmax, une chaîne américaine spécialisée dans la vente de voitures d'occasion, où il fait un travail exceptionnel.
Le prix ?
Tout cela est impressionnant, mais il manque le dernier ingrédient. En effet, étant donné que David's Tea n'a fait que déposer un prospectus provisoire, nous n'avons encore aucune information concernant le prix d'émission des actions. Il est donc impossible d'évaluer le titre.
De plus, une partie des fonds récoltés ira dans les poches d'actionnaires qui vendent de leurs actions. Il n'y a là rien de mal, mais j'aimerais savoir qui vend des actions et combien il s'en vend afin d'avoir une meilleure idée du capital qui restera à la société pour financer son expansion. Cependant, si l'évaluation est sensée, le PAPE de David's Tea mérite que les investisseurs s'y intéressent.
Bourse
Une autre façon de voir le marché haussier
Il s'en dit et s'en écrit des choses sur le marché haussier qui a commencé en mars 2009. Et plusieurs sont plus ou moins vraies et d'autres, carrément fausses. Je lis souvent, par exemple, qu'il faut se méfier de la Bourse parce que nous sommes dans une tendance haussière ininterrompue depuis plus de six ans maintenant. Voilà qui pourrait faire peur à bien des investisseurs, mais c'est tout simplement faux. Par exemple, on oublie de manière généralisée que l'indice S&P 500 a perdu 20 % de sa valeur en 2011. D'ailleurs, je suis convaincu que la moitié des investisseurs ne peuvent pas dire pourquoi le marché avait planté il y a moins de quatre ans.