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La transformation numérique, une montagne à gravir

Maxime Bilodeau|Publié le 06 novembre 2024

La transformation numérique, une montagne à gravir

La montagne est d’autant plus intimidante à gravir que le contexte inflationniste ajoute une pression considérable sur les budgets des entreprises. (Photo: courtoisie)

TRANSFORMATION NUMÉRIQUE. S’engager dans une transformation numérique en 2024 est plus que jamais un pari risqué qui, si l’on sait ce qu’on fait, peut néanmoins être payant. Cela signifie, entre autres, de savoir faire face à la résistance au changement des équipes et de déployer un leadership fort qui comprend comment adapter le modèle d’affaires aux changements numériques. 

Devicom œuvre en intégration des technologies de l’information et des communications depuis 1989. Cette année-là, Tim Berners-Lee concevait le World Wide Web et le Commodore 64 était synonyme de modernité. C’est dire le chemin parcouru depuis par la firme d’experts-conseils de Chicoutimi ! Malgré ses 35 ans d’expérience d’innovation, l’entreprise continue aujourd’hui de tomber dans les pièges qui guettent toute organisation engagée dans des changements numériques.

« Récemment, le consultant avec qui nous faisons affaire pour obtenir notre certification ISO 27000 a proposé une formation en cybersécurité à une partie de nos employés, raconte France Lavoie, vice‑présidente et directrice générale de Devicom. Sur le coup, j’ai contesté sa pertinence, et j’ai fait de la houle ! » Son discours change toutefois du tout au tout après avoir assisté à la présentation. « J’ai eu honte d’avoir été un élément perturbateur, parce que la formation était finalement très pertinente. »

Cette anecdote en dit long sur le rapport amour-haine qu’entretiennent les dirigeants avec la transformation numérique. « Lorsqu’on sonde les PME du pays sur l’utilisation qu’elles feraient d’économies fiscales potentielles, le quart déclare vouloir investir dans l’automatisation et la présence digitale, indique Alchad Alegbeh, analyste de la recherche à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI). Pourtant, elles sont tout aussi nombreuses à ne pas savoir par où commencer ni comment s’y prendre. »

La montagne est d’autant plus intimidante à gravir que le contexte inflationniste ajoute une pression considérable sur les budgets des entreprises. Celles-ci ont donc tendance à prioriser des technologies numériques qui génèrent un retour rapide sur investissement, pour améliorer leurs processus comptables et leur gestion des stocks par exemple. L’entrée en vigueur progressive, depuis 2022, des dispositions de la loi 25 sur la protection des renseignements personnels au Québec pèse aussi dans la balance.

Hélas, les PME méconnaissent les ressources mises à leur disposition notamment par les gouvernements pour favoriser leur transition numérique. « Il y a un réel travail de sensibilisation à faire », estime Alchad Alegbeh. Et, même lorsqu’elles sont au fait des aides qui s’offrent à elles, plusieurs PME peinent à trouver chaussure à leur pied. « Le financement concerne rarement les dépenses récurrentes, comme celles relatives aux technologies infonuagiques [offertes sur abonnement] », déplore France Lavoie, de Devicom.

Un miroir aux alouettes?

Au chapitre de l’intelligence artificielle (IA), les organisations de toutes tailles sont bien au fait de son potentiel et plusieurs y voient un moyen de soutenir leur croissance. Néanmoins, le niveau d’adoption des formes les plus sophistiquées de technologie de rupture en entreprise est de manière générale assez bas.

Cette ambivalence peut s’expliquer par la méconnaissance des outils numériques basés sur l’IA. « On dit peu qu’il faut avoir accès à une masse colossale de données pour développer des solutions sur mesure en IA, souligne Olivier-Don Truong, directeur principal en conseil en management chez Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT). Si, comme PME, on transcrit encore à la main des données dans un logiciel, mieux vaut peut-être passer d’abord au bureau sans papier. »

Une opinion que ne partage pas Hugues Foltz, vice-président exécutif de Vooban, spécialisée dans l’accompagnement des entreprises pour la conception et la mise en œuvre de projets d’IA. « Nos entreprises accusent déjà un retard technologique difficile à rattraper, affirme celui qui collabore en outre au journal Les Affaires. C’est faux que seules les entreprises dotées d’une forte maturité numérique peuvent embarquer dans le train de l’IA. »

Après tout, en période d’inflation, les meilleurs investissements en transformation numérique sont justement ceux qui augmentent la productivité et libèrent du temps. Ce faisant, autant les entrepreneurs que leurs employés peuvent se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. « Il faut se faire bluffer au moins une fois par la machine pour sortir de sa position attentiste », croit Hugues Foltz. Et si « jouer » avec un agent conversationnel utilisant l’IA générative, comme ChatGPT, constituait au fond le premier pas dans le labyrinthe numérique en 2024 ?