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Améliorer une productivité au ralenti grâce à la technologie

Jean-François Venne|Édition de la mi‑novembre 2024

Améliorer une productivité au ralenti grâce à la technologie

Dans le secteur de la boulangerie et de la fabrication des tortillas et dans la fabrication des produits laitiers, les marges bénéficiaires ont chuté de plus de 10 % entre 2021 et 2023, selon Financement agricole Canada (FAC). (Photo: Adobe Stock)

TRANSFORMATION ALIMENTAIRE. La productivité du secteur de la transformation alimentaire canadien a augmenté depuis 20 ans, mais stagne depuis 5 ans. L’arrivée de nouvelles technologies offre cependant plusieurs occasions de s’améliorer.

Boulangerie Humanité regroupe les marques Les Aliments 2000, Chef Dumas et Chef François Hubert. Celles-ci vendent des produits de boulangerie et de pâtisserie aux supermarchés, restaurants et traiteurs. L’entreprise de Québec travaille à quelques projets pour rehausser sa productivité. La pièce de résistance est une optimisation des processus d’achat et de production à l’aide d’outils basés sur l’intelligence artificielle (IA), réalisée en collaboration avec la firme-conseil Inno-centre.

« Cet outil nous aidera à maintenir un taux de service proche de la perfection auprès de nos clients, à moindre coût, assure le chef de la direction financière de Boulangerie Humanité, Jean-François Duclos. C’est aussi un instrument plus convivial que les systèmes que nous utilisions auparavant. »

Le nouvel outil permet en fait de mieux planifier les achats et la production en fonction des besoins des clients. « Pour tout ce que l’on achète ou fabrique, on doit tenir compte de plusieurs variables, qui peuvent toujours évoluer, souligne Jean Beaudoin, conseiller d’affaires principal à Inno-centre. L’IA analyse rapidement ces données. » Il précise que les principales informations sont les moyennes d’achat, les tendances, la saisonnalité et la variabilité.

« L’opération n’est pas très coûteuse financièrement, mais demande d’y consacrer du temps », soutient Jean-François Duclos. Elle exige aussi de bien former les utilisateurs afin qu’ils comprennent bien les paramètres, le fonctionnement et les capacités de l’outil.

Quant aux résultats, ils seraient très rapides, selon Jean Beaudoin. « En quelques semaines, on voit une réelle différence, avance-t-il. C’est assez spectaculaire. »

Productivité en berne

Augmenter la productivité est particulièrement important dans une industrie que l’inflation a mise sous pression. Dans le secteur de la boulangerie et de la fabrication des tortillas et dans la fabrication des produits laitiers, les marges bénéficiaires ont chuté de plus de 10 % entre 2021 et 2023, selon Financement agricole Canada (FAC). Elles se sont effondrées de plus de 60 % dans le secteur du sucre et de la confiserie.

Pourtant, la productivité du secteur de la transformation alimentaire canadien fait du surplace depuis cinq ans, selon un récent rapport de FAC. « Elle a même diminué de presque 1 % depuis 2018, révèle Krishen Rangasamy, directeur des services économiques et économiste principal de FAC. Le Québec a mieux performé, avec une hausse d’environ 6 % sur cette période. »

Au Québec, c’est l’explosion de la productivité de l’industrie de transformation des produits de la mer (+35 %) qui dopent les résultats des cinq dernières années. La productivité a aussi augmenté dans la transformation des produits de viande. Dans ce cas, la progression provient surtout de compressions dans le nombre de travailleurs et moins d’investissements dans la productivité.

Un portrait contrasté

Le secteur de la mouture de céréales et d’oléagineux s’est distingué au Canada, affichant une hausse de plus de 10 % de sa productivité sur 5 ans, ce qui poursuivait la tendance des 15 années précédentes. « La demande mondiale dans ce secteur est forte, ce qui a favorisé les investissements dans des installations modernisées et plus automatisées », explique l’économiste. Dans le secteur du sucre et de la confiserie, la productivité a aussi progressé d’environ 10 % en cinq ans.

D’autres secteurs performent beaucoup moins bien. C’est le cas de celui de la mise en conserve de fruits et de légumes, dont les ventes ont augmenté depuis 2020, mais dont les marges bénéficiaires ont diminué. C’est un secteur à forte intensité de main-d’œuvre, dont la productivité a chuté de 12 % en cinq ans au Canada et de 9 % au Québec. « Ce n’est pas surprenant, puisqu’on note un faible taux d’investissement dans ce secteur », note Krishen Rangasamy.

La numérisation et la fabrication intelligente montrent un potentiel très élevé pour améliorer la production et l’efficacité de la main-d’œuvre, gérer les stocks, prévenir les interruptions imprévues, prévoir la demande, effectuer le suivi de la production et assurer la qualité. Ces nouvelles technologies commencent à se répandre dans le secteur, mais leur adoption reste surtout le fait des grandes entreprises. En 2022, selon FAC, un peu plus de 30 % des entreprises de moins de 100 employés y avaient recours, contre plus de 65 % de celles de plus de 250 travailleurs. De manière générale, l’IA demeure peu utilisée.

« Les marchés d’exportation, notamment les États-Unis et l’Europe, sont de plus en plus compétitifs. Donc, nous ne pouvons plus seulement nous fier à l’avantage que nous procure une devise plus faible, prévient l’économiste de FAC. Nous devons investir pour améliorer notre productivité. »