Le chef Arnaud Marchand livre les secrets du restaurant Les Botanistes
Daniel Lafrenière|Mis à jour le 19 novembre 2024«C’est grâce au bouche-à-oreille que Les Botanistes a vraiment atteint sa pleine maturité», dit Arnaud Marchand, chef exécutif de Les Botanistes à Québec. (Photo: courtoisie)
EXPERT INVITÉ. Il n’est pas courant de voir des clients offrir des cadeaux à une cheffe et à un directeur de la restauration à l’occasion de leur mariage. Réussir le lancement d’un nouveau restaurant au sein d’un centre jardin en bordure d’autoroute n’est pas donné à tous. Quels sont donc les secrets du succès du restaurant Les Botanistes à Québec et quels défis rencontrent-ils?
Pour le découvrir, j’ai interviewé Arnaud Marchand, chef exécutif et figure bien connue du public, notamment grâce à sa participation à l’émission Les Chefs. Les propos ont été édités à des fins de concision.
Daniel Lafrenière (D. L.): Parlez-moi du restaurant Les Botanistes. D’où vient l’idée d’ouvrir en 2020 un restaurant gastronomique excentré (près de l’autoroute 40) dans l’ouest de la ville de Québec?
Arnaud Marchand (A. M.): Le projet Les Botanistes est né du rêve de Paul Daoust, propriétaire du centre jardin Floralies Jouvence, qui souhaitait depuis longtemps intégrer un restaurant à son commerce pour y insuffler une nouvelle dynamique. Avec mes associés — Jean-Luc Boulay et Jacques Fortier de Boulay Bistro Boréal — nous avons décidé de relever ce défi. L’emplacement, malgré sa particularité, nous semblait être une occasion d’apporter quelque chose d’unique et de distinctif à ce quartier. Notre vision initiale était donc de créer un espace qui s’harmonise parfaitement avec l’environnement floral des Floralies Jouvence. Nous avons ainsi conçu un restaurant où, sans être végétarien, le menu célèbre le végétal en mettant en valeur les épices, les fleurs et les légumes.
D. L.: Qui sont les clients de votre établissement?
A. M.: La clientèle est très diversifiée. Pensons aux habitants du secteur – Saint-Augustin, Sainte-Foy, Cap-Rouge – qui ont naturellement choisi Les Botanistes comme leur restaurant de quartier.
La clientèle touristique occupe une place grandissante, souvent orientée vers nous par des références prestigieuses, comme celles du Château Frontenac et d’autres hôtels réputés du Québec. Grâce à l’expertise d’Emeline Péro, cheffe exécutive, et de Laurent Gauthier, directeur de la restauration, le restaurant a su se distinguer dans le paysage gastronomique de Québec, attirant une clientèle gourmande et curieuse.
D. L.: Comment avez-vous fait pour vous faire connaître? Vous n’êtes pas localisé dans un secteur commercial comme le Vieux-Québec ou des quartiers plus centraux où des passants peuvent vous découvrir.
A. M.: Dans un quartier comme le nôtre, ça prend plus de temps parce que c’est moins naturel. La visibilité médiatique dont Jean-Luc Boulay et moi bénéficions, combinée à des présentations dans les médias et quelques tournages, a certainement contribué à faire connaitre le restaurant. De nombreux clients d’affaires, qui ont d’abord connu notre adresse pour le lunch, ont commencé à revenir pour le souper. Par la suite, nous avons accueilli des groupes pour des événements, avec des réservations complètes du restaurant. C’est grâce au bouche-à-oreille que Les Botanistes a vraiment atteint sa pleine maturité.
D. L.: Après quatre ans, diriez-vous que Les Botanistes a atteint sa vitesse de croisière?
A. M.: Absolument, mais c’est un travail de chaque instant. Comme tous les restaurateurs, nous avons dû, après la pandémie, composer avec des hausses de salaire pour l’ensemble du personnel et une augmentation des coûts des matières premières. Aujourd’hui, nous vivons une période d’instabilité où la consommation au restaurant diminue en raison de la hausse des prix. Cela exige un équilibre constant: offrir aux clients un rapport qualité/prix attractif tout en assurant la rentabilité de l’entreprise.
D. L.: Quelles sont les attentes des clients en 2024 dans un établissement comme Les Botanistes?
A. M.: Les clients s’attendent à en avoir pour leur argent, et nos assiettes restent généreuses. La cheffe Emeline Péro privilégie une cuisine gourmande, abondante, et nos clients sont heureux de ne pas voir les portions réduites. Ils souhaitent également un service personnalisé : notre clientèle locale aime être reconnue, choyée. En ce sens, Laurent Gauthier, notre directeur de la restauration, excelle. Un exemple? Lorsqu’ils ont appris qu’Emeline et Laurent se mariaient l’été dernier, certains clients leur ont offert des cadeaux. Ce geste montre combien les efforts pour bâtir des liens authentiques avec la clientèle ont porté leurs fruits. Une belle histoire de complicité.
D. L.: Quelle est l’importance de l’expérience client?
A. M.: La qualité du service est essentielle. Être à l’écoute des clients et attentif aux retours, même lorsqu’ils sont moins flatteurs, est tout aussi crucial. Je suis très ouvert aux critiques. Formulées de manière constructive, elles nous font progresser. C’est pour cette raison que l’on souhaite obtenir une rétroaction des clients, sans que cela soit lourd, pour vérifier que tout se passe bien ou pour corriger si nécessaire. Par exemple, si nous remarquons une assiette peu consommée, nous cherchons à comprendre la raison et proposons volontiers un autre plat. Il est aussi fréquent que les clients préfèrent exprimer des avis (négatifs) en ligne plutôt qu’en personne, un phénomène courant en restauration que je trouve regrettable.
D. L.: On m’a rapporté l’histoire d’une cliente ayant des restrictions alimentaires importantes lors de sa visite à Les Botanistes. La cheffe est allée à sa rencontre pour préparer un repas sur mesure. Il va sans dire que cette cliente a été ravie de son expérience. Est-ce une pratique courante dans votre établissement?
A. M.: C’est devenu indispensable. Avec l’augmentation des allergies et des problèmes de santé, il est essentiel de proposer des alternatives. Nos options sans gluten, par exemple, sont très appréciées par les clients ayant des intolérances, et une section du menu est spécialement conçue pour répondre à leurs besoins, sans rien sacrifier à l’expérience gastronomique.
D. L.: On parle souvent des défis de recrutement et fidélisation de la main-d’œuvre en restauration. Je suis client depuis l’ouverture et je vois souvent les mêmes visages au service. Que faites-vous pour garder vos employés?
A. M.: Nos équipes, tant en cuisine qu’en salle, sont véritablement engagées et fidèles à l’entreprise. Nous faisons un réel effort pour leur assurer une qualité de vie: les horaires sont parfois aménagés sur quatre jours, et les semaines de 50 heures appartiennent désormais au passé. Tous nos employés bénéficient maintenant d’un horaire de 40 heures et de vacances planifiées avec soin. Nous soutenons également nos jeunes talents en cuisine, notamment lorsqu’ils participent à des concours, en les accompagnant financièrement ou autrement. Ce soutien fait partie de notre culture d’entreprise.
D. L.: Quel est le plus grand défi des restaurateurs?
A. M.: Le plus grand défi réside dans la conciliation de la rentabilité et du rapport qualité-prix pour nos clients. Il est crucial d’offrir une expérience extraordinaire à un prix attractif, tout en garantissant la profitabilité de l’établissement. Avec une moyenne de profit net dans la restauration qui n’atteint que 4%, cette tâche peut s’avérer complexe pour certains établissements.
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Que devons-nous retenir de cet entretien ? Tout d’abord, le bouche-à-oreille est un puissant vecteur d’exposition et de croissance pour une entreprise. Il est donc impératif d’offrir en tout temps la meilleure expérience client possible, alliant savoir-faire, savoir-être et qualité des produits. Bien que cela semble évident, force est de constater que certains commerces l’ont oublié.
Ensuite, il est crucial d’être attentif à la rétroaction des clients, qu’elle soit positive ou négative. Sans retour d’information, il est impossible de progresser.
Enfin, si vous prenez soin de vos clients, ils vous le rendront bien.