La prochaine fois que vous ressentez ce nœud familier dans l’estomac, faites une pause. (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Les entrepreneurs sont souvent décrits comme des preneurs de risques, des innovateurs et des créateurs de tendances, incarnant un esprit résilient et inarrêtable.
Pourtant, le succès dans le monde des affaires est souvent accompagné d’un compagnon inattendu: une anxiété omniprésente qui grandit à mesure que l’entreprise prend de l’ampleur. Selon les dernières statistiques, les entrepreneurs seraient quatre fois plus affectés par de l’anxiété que les non-entrepreneurs.
Ce qui est encore plus surprenant et un peu ironique, c’est que l’anxiété du fondateur atteint souvent son pic lorsque tout va bien. Oui, vous avez bien lu: lorsque tout va bien! Un peu comme si on gravissait une montagne pour ensuite réaliser qu’à chaque pas, le risque de chute augmente. Les enjeux deviennent plus lourds, les décisions plus critiques, et ce parcours passionnant de l’entrepreneur commence à ressembler à une marche sur un fil au-dessus du vide. En fait, on dit souvent que lorsqu’on n’a rien à perdre, c’est plus facile — c’est un fait. Plus l’entreprise grandit, plus nous avons l’impression que l’effet de chaque décision est énorme, sur nous et sur les autres.
Dernièrement, les gens me disent souvent: «Woah, ça l’air de bien aller chez Connect&GO, vous embauchez de plus en plus». D’un côté, je réponds que je suis très content de voir l’évolution de l’entreprise et la croissance, mais d’un autre côté, je suis de plus en plus anxieux. Et si on embauchait trop et qu’éventuellement on devait mettre des gens à pied? Et si une nouvelle pandémie nous frappait encore une fois, réduisant à néant nos plans de croissance?
Évidemment, il est impossible de rester paralysé par cette anxiété, car cela nous empêcherait de prendre les bonnes décisions pour l’entreprise. Lors de l’écriture de mon livre Et si l’entrepreneuriat rendait fou, j’ai eu le privilège de parler à des dizaines d’entrepreneurs de leurs anxiétés et voici quelques pratiques intéressantes que j’ai observées, et qui, à mon avis, méritent d’être adoptées.
1. Ils se créent des moments d’ennuis!
L’anxiété adore la stimulation constante. Les notifications de nouveaux courriels, les dernières tendances du marché, les nouvelles fonctionnalités des concurrents constituent un assaut sans fin sur notre paix d’esprit. Les fondateurs qui réussissent comprennent l’importance de créer des moments d’ennui dans leur journée. C’est un peu contre-intuitif, mais des activités simples, comme aller marcher ou une séance d’exercice, sont essentielles pour reposer son esprit. Personnellement, je prends ces moments de recul pour laisser mon esprit vagabonder, et ça marche! Le secret, ce n’est pas de fuir les responsabilités, mais bien de donner à notre cerveau un espace pour se reposer et se recharger.
2. Ils cultivent une forme d’ignorance sélective
À l’ère du temps réel, il est tentant de se tenir constamment informé. Mais tout savoir ne vous rend pas omnipotent. Cela vous rend simplement anxieux. Les fondateurs intelligents savent quand se déconnecter. Ils peuvent vérifier leurs indicateurs chaque semaine au lieu de toutes les heures, ou déléguer entièrement certaines décisions. Il ne s’agit pas de ne pas être informé ; il s’agit de préserver votre bande passante mentale pour ce qui compte vraiment. De plus, d’être capable de faire abstraction de la réalité nous aide parfois à naviguer dans l’entrepreneuriat. Je blague souvent que des gens trop intelligents ne décideraient de toute manière pas de se lancer en affaires, car ils sauraient tous les risques.
3. Ils réinventent l’échec
Voici un petit secret: les fondateurs à succès que je connais ont une relation assez étrange avec l’échec. Ils ne le craignent pas. Ils sont presque curieux de voir comment ça pourrait tourner. Chaque échec potentiel devient un point de données, une histoire à raconter, une leçon à apprendre. Ça ne veut pas dire qu’ils souhaitent échouer, mais ils acceptent cette possibilité. Ce changement de perspective transforme l’anxiété en anticipation. Personnellement, je crois que chaque échec est une chance de progresser, de grandir. Et quand on cesse de redouter l’échec, on se permet d’innover avec plus de liberté.
4. Ils se créent un comité consultatif personnel
Pas un conseil formel, mais un petit groupe de personnes de confiance qui n’ont aucun intérêt direct dans l’entreprise. La famille, des amis de longue date, des mentors de secteurs différents — ce sont des personnes vers qui on se tourne quand l’anxiété devient trop forte. Ce que je cherche auprès de ce cercle, ce n’est pas des conseils d’affaires, mais plutôt de la perspective. Parfois, il suffit d’entendre quelqu’un dire «Et si tout s’écroulait? Tu serais toujours toi-même», pour que le poids de l’anxiété diminue instantanément. Ce conseil personnel devient un pilier, un rappel que, peu importe ce qui se passe, notre valeur ne se limite pas aux succès ou aux échecs de notre entreprise. Comme Nathaly Riverain de Persévérance entrepreneuriale le dit dans mon dernier livre, ce n’est pas parce que votre entreprise échoue que vous êtes un échec!
5. Ils pratiquent le micro-pessimisme et le macro-optimisme
Cela peut sembler étrange, mais les meilleurs fondateurs que je connais sont pessimistes à court terme et optimistes à long terme. Ils s’attendent à ce que des problèmes surviennent au quotidien (ce qui les rend paradoxalement plus résilients quand c’est le cas), mais ils gardent une foi inébranlable dans leur vision à long terme. Cette double mentalité les aide à naviguer dans les montagnes russes de la vie d’entrepreneur sans perdre la tête. En ce qui me concerne, cette approche m’a permis de rester réaliste face aux obstacles quotidiens tout en me rappelant pourquoi je fais ce que je fais.
Apprendre à vivre avec
L’anxiété de fondateur, ce n’est pas quelque chose que l’on conquiert une fois pour toutes. C’est plutôt une condition chronique qu’on apprend à gérer. Le but n’est pas de l’éliminer complètement. Après tout, cette énergie nerveuse est souvent ce qui nous pousse à créer quelque chose de grand. La véritable compétence réside dans notre capacité à canaliser cette anxiété en actions productives plutôt qu’en paralysie.
N’oubliez pas que chaque fondateur que vous admirez, qu’il soit dans la Silicon Valley ou dans les incubateurs de Montréal, a ressenti les mêmes doutes, les mêmes peurs, les mêmes moments d’angoisse à trois heures du matin. Ce ne sont pas des surhumains. Ils ont simplement appris à coexister avec leur anxiété sans se laisser gouverner par elle.
Alors, la prochaine fois que vous ressentez ce nœud familier dans l’estomac, faites une pause. Enfilez vos chaussures de course, déroulez un tapis de yoga ou faites une courte séance d’entraînement. Votre entreprise sera toujours là à votre retour, mais avec un peu de chance, vous reviendrez avec un esprit plus clair et des mains plus assurées.
Après tout, gérer l’anxiété de fondateur comme un pro, ce n’est pas de ne jamais ressentir d’angoisse. C’est de savoir comment trouver le calme au milieu de la tempête.