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Miser sur l’économie de partage

Simon Lord|Publié le 01 Décembre 2021

Miser sur l’économie de partage

«Ce genre de plateforme de partage est une idée géniale. Les PME comme nous n’ont pas toujours les moyens d’acheter des équipements ou de les laisser tourner au ralenti ; cette solution est donc bienvenue», selon Michael Khazzam, responsable du développement d’affaires et des opérations à Produits chimiques Dana. (Photo: courtoisie)

SECTEUR MANUFACTURIER. Les équipements de fabrication coûtent cher. Leur inutilisation entre deux cycles de production, et donc leur inefficacité temporaire, représente une occasion manquée. Un problème que l’économie du partage promet de régler. 

Au Québec, une entreprise a décidé, en 2015, de s’attaquer à cette situation : BizBiz Share. La PME d’une quinzaine d’employés, basée dans l’arrondissement montréalais de Lachine, est un peu l’Airbnb du secteur manufacturier. 

Sa proposition d’affaires est simple : par l’entremise de son site web — un marché qui peut être exploré au moyen d’un moteur de recherche —, les entreprises manufacturières peuvent louer leurs ressources inutilisées à d’autres entreprises. Il peut s’agir de machines comme des imprimantes 3D ou des chariots élévateurs, mais aussi d’immobilier, d’espace d’entreposage ou même de ressources humaines. Les entreprises peuvent aussi écouler le stock qu’elles ont en surplus. 

« Actuellement, il y a 5616 annonces publiées par 3659 entreprises, et la valeur totale des ressources annoncées est de 220 millions de dollars », illustre Elliot Daigneault, fondateur et chef de la direction de BizBiz Share. 

S’il est toujours le seul joueur opérationnel du genre au Québec, il estime que ce modèle est en plein dans l’air du temps et qu’il continuera de prendre son envol. En tout cas, c’est ce qu’il prévoit pour sa propre entreprise. « En 2020, nous étions en phase de lancer notre plateforme aux États-Unis, mais la pandémie nous a forcés à mettre nos plans sur pause », souligne-t-il. 

S’il ne mentionne pas d’échéancier précis, le fondateur assure toujours avoir les yeux sur le marché américain. Pour l’instant, en plus du Québec, BizBiz Share est active dans deux autres provinces, où elle opère des plateformes régionales sous d’autres noms. En Colombie-Britannique, la plateforme s’appelle BizBiz BC. En Ontario, le nom reste à choisir, car le projet vient tout juste d’être annoncé.

 

Source de revenus supplémentaire

Elliot Daigneault explique que la fabrication est une activité cyclique ayant naturellement des hauts et des bas. C’est sans compter que les fabricants doivent parfois se procurer des équipements spécialisés pour des contrats spécifiques, mais qu’ils réutiliseront rarement par la suite. Ils se retrouvent donc avec des machines ou des pièces qui dorment dans leur entrepôt. 

« Notre plateforme leur permet d’en générer un revenu, poursuit le fondateur. Et les entreprises qui louent leurs équipements y gagnent aussi, puisqu’elles peuvent louer des équipements pour des prix souvent bien moins élevés que dans des chaînes de location. » 

Produits chimiques Dana, un fabricant de produits de nettoyage pour les véhicules et les espaces commerciaux et industriels, utilise la plateforme de BizBiz Share depuis 2017. L’entreprise montréalaise est par exemple propriétaire d’une machine d’embouteillage pour petites bouteilles, achetée dans le cadre d’un contrat précis avec un certain client. Ce dernier a toutefois décidé peu après d’utiliser d’autres types de bouteilles, et la machine est tombée au point mort. 

Si l’entreprise est ouverte à vendre son embouteilleuse, elle reconnaît également qu’elle pourrait toujours en avoir besoin à l’avenir. Elle a donc décidé de l’afficher sur BizBiz Share. « J’ai mis une annonce et, rapidement, j’ai reçu une demande d’une compagnie qui avait besoin de ce genre de machine, probablement pour un contrat ponctuel, raconte Michael Khazzam, responsable du développement d’affaires et des opérations à Produits chimiques Dana. Aujourd’hui, quand j’ai besoin de quelque chose, je cherche toujours sur BizBiz Share en premier. »

 

Nouvelle vie pour un vieux concept

C’est en constatant qu’aucune entreprise n’avait lancé de plateforme d’économie de partage dans le monde commercial ou industriel, alors que le concept était populaire auprès des consommateurs individuels, qu’Elliot Daigneault a flairé une occasion d’affaires. 

Pourtant, le concept ne date pas d’hier. Il existe par exemple une soixantaine de coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) au Québec, et ce, depuis une trentaine d’années. « Ce sont des coopératives créées par un groupe d’agriculteurs qui leur permettent de partager des équipements agricoles, et donc de réduire leurs coûts », explique Bruno Guérard, répondant CUMA pour Sollio Groupe coopératif. Il estime que les agriculteurs ont ainsi « été des précurseurs, parce que ce milieu est très porté sur la coopération ». 

À son avis, ce genre de modèle pourrait être utile dans d’autres industries, comme celle de la fabrication. « Une chose est sûre, dans notre domaine, on a vu un regain d’intérêt depuis deux ans, note-t-il. Le prix des machines augmente, alors ç’a suscité l’intérêt de plusieurs. Et les jeunes ont aussi des valeurs différentes ; pour eux, ce qui importe, c’est d’avoir la bonne machine au bon moment. Pas d’en être propriétaire. »