Étienne Lemieux, PDG et cofondateur de SPI Bio, de Sherbrooke (Photo: Facebook / SPI Bio)
SECTEUR MANUFACTURIER. Industrie «cachée», peu sexy et rarement évoquée, la fabrication électronique vient pourtant de connaître une poignée d’années de croissance explosive. Une croissance qui risque fort de se poursuivre à moyen ou long terme malgré la crise du coronavirus.
Pourquoi la croissance jusqu’ici? D’abord parce que son marché a connu de bonnes années. Dans l’industrie des systèmes électroniques au Québec, plus de 80 % des compagnies exportent leurs produits, explique Daniel Bindley. Il est le directeur général du Pôle d’excellence de l’Industrie des systèmes électroniques du Québec (ISEQ), qui vise à soutenir l’industrie dans son développement. « Et comme ces entreprises exportent, et que la marché mondial de l’électronique a connu la croissance, tout le monde en a profité, dit-il. Le bateau monte avec la vague. »
Si tant d’entreprises exportent, c’est que leurs produits sont nichés et que le marché local est limité. Certaines d’entre elles fabriquent des équipements complets, comme un système de soutien à la ventilation pour les hôpitaux, alors que d’autres fabriquent des sous-systèmes, comme des composantes pour l’industrie des véhicules électriques. Mais quel que soit le sous-secteur, explique Daniel Bindley, la croissance a été au rendez-vous. Certes, certains d’entre eux sont particulièrement porteurs. C’est le cas de tout ce qui touche à l’électrification des transports, comme les bornes de recharge et les chargeurs de batterie, explique Daniel Bindley. « Et d’ici trois à cinq ans, c’est évident qu’on va être en croissance. »
Une crise qui sensibilise
Une des entreprises à profiter de cette effervescence est SPI Bio, de Sherbrooke. Fondée en 2014, elle a développé un système automatisé de détection de la bactérie légionnelle dans les milieux aquatiques. Selon elle, il s’agit du premier système du genre au monde. Elle emploie maintenant 17 personnes. Signe que l’investissement était au rendez-vous dans le secteur jusqu’à récemment, elle a réussi à aller chercher 1,7 M$ en financement durant sa dernière ronde, qui s’est déroulée en novembre 2019.
« Plus de 60 % de ce montant provient d’investisseurs privés », explique Étienne Lemieux, pdg et cofondateur. Le reste provient d’investisseurs institutionnels. Un investissement qui devrait payer, assure M. Lemieux. « Ils espèrent faire facilement du 30-40 % de rendement. »
SPI Bio vise pour l’instant le secteur industriel. C’est que la loi force les tours de refroidissement à être fermées si le taux de bactéries est trop élevé. Lorsque cela se produit dans une usine, l’usine tombe au point mort. Les coûts peuvent alors se chiffrer en millions de dollars. Dans le domaine commercial, la climatisation peut simplement être coupée. Ce qui n’empêchera pas l’entreprise de viser également, à terme, les bâtiments commerciaux comme les écoles et hôpitaux. Et aussi les États-Unis, où il recense 400 000 propriétaires de tours de refroidissement, tous des clients potentiels.
SPI Bio a vendu sa première unité en mai 2018. Au début de la pandémie, elle planifiait en avoir installé 40 d’ici la fin de l’année, explique Étienne Lemieux. « J’envisage en installer une centaine l’an prochain, et on pourrait viser, si tout va bien, à en faire quelques milliers l’année suivante, dit-il. On n’en est qu’aux ABC de notre croissance. »
Et l’impact du coronavirus? Si Étienne Lemieux estime que ses clients seront peut-être moins enclins à acheter en raison de l’incertitude, il croit aussi que la crise confirme l’importance qu’accorde la population à la santé publique, ce qui pourrait signifier que ses clients seront peut-être plus susceptibles d’acheter.
Bonnes infrastructures
Fondée en 2016, Boréas Technologies a commencé ses opérations en avril 2017. L’entreprise, qui fabrique des circuits intégrés, a déjà une centaine de clients.
Qu’est-ce qui lui a permis de croître si vite? Une des causes est la qualité des infrastructures de soutien à Bromont, où est basée Boréas Technologies.
« C’est peu connu, mais il y a une concentration de ressources en micro-électroniques là-bas », dit le président et fondateur, Simon Chaput. Il mentionne par exemple le C2MI, un centre de collaboration et d’innovation qui a été financé par Québec à la hauteur de 218 M$.
« Ça nous a permis d’accélérer notre développement d’une façon qui n’est normalement pas possible, dit-il. Habituellement, dans notre industrie, il faudrait mettre quatre, cinq ou six ans pour se rendre sur le marché. On l’a fait en trois ans. C’est une progression fulgurante. »
L’entreprise, qui a parlé à Les Affaires au début de la pandémie, n’a pas précisé l’impact du coronavirus sur ses opérations. Mais la fabrication de composantes de microélectronique est considérée comme prioritaire au Québec. Et selon un sondage réalisé au début d’avril par la Electronic Components Industry Association, basée aux États-Unis, 83 % des entreprises ont dit que la crise n’avait aucun impact, ou sinon un impact minimal ou modéré, sur leur personnel et sur leurs opérations.