Le secteur manufacturier avait récupéré environ 97 % de ses emplois d’avant la pandémie. (Photo: 123RF)
PERSPECTIVES DES MARCHÉS ÉTRANGERS. La pandémie continue de frapper très fort, notamment en Amérique du Nord et en Europe. La situation soulève des inquiétudes quant à la vigueur de la reprise économique mondiale en 2021 et engendre de l’incertitude pour les exportateurs d’ici.
Déjà en 2020, l’économie canadienne — très axée sur les exportations — a souffert des effets négatifs de la crise sanitaire sur le commerce mondial. Exportation et développement Canada (EDC) estime que les exportations canadiennes chuteront de 16 % cette année.
« Parce qu’il œuvre dans des secteurs et des marchés assez diversifiés, le Québec s’est toutefois mieux tiré d’affaire » que l’ensemble du pays, souligne Andrea Gardella, économiste principale d’EDC. Les exportations québécoises ont ainsi diminué de 10 % entre janvier et septembre par rapport à la même période en 2019, contre 15 % pour le Canada. L’industrie aéronautique québécoise a tout de même enregistré une baisse de 21 % de ses exportations, alors que l’agroalimentaire a vu ses ventes internationales augmenter de 8 %. Celles du secteur des minerais et métaux se sont quant à elles maintenues (+ 1 %).
Des opportunités en Chine et aux États-Unis
Pour l’an prochain, EDC prévoit une croissance économique mondiale de 6,6 % et un rebond de 9 % des exportations canadiennes. Dans les deux cas, ce sera insuffisant pour retrouver les niveaux prépandémiques.
Tout n’est pas pour autant gris et certains marchés extérieurs restent prometteurs. La croissance économique pourrait atteindre 5 % en Asie et 7,5 % en Chine, selon Investissement Québec International (IQI). Le Fonds monétaire international (FMI) prédit même 8,2 % de croissance pour la Chine, alors qu’EDC espère que celle-ci atteigne 9 %. Les exportations québécoises vers ce pays ont augmenté de 23 % entre janvier et août cette année, par rapport à 2019.
« Le gouvernement investit beaucoup pour stimuler son marché domestique de consommation de biens, notamment par l’entremise de bons d’achat, et les Chinois se montrent très friands de produits étrangers », indique Marie-Ève Jean, vice-présidente exportations à IQI. La Chine a récemment adopté l’objectif de devenir carboneutre en 2060 et finance beaucoup de projets liés aux technologies vertes et à la mobilité durable.
«La Chine a également été durement frappée par la peste porcine africaine, qui a diminué sa production de porcs et elle se tourne vers les importations de viande», ajoute Andrea Gardella. De fait, ces importations ont augmenté de 73,5 % dans les six premiers mois de 2020, selon des données du gouvernement chinois. Une occasion pour les producteurs de porcs québécois, à condition bien sûr qu’ils continuent eux-mêmes d’être épargnés par ce virus.
Reste que c’est vers notre voisin du Sud que seront rivés tous les regards, puisque plus de 70 % des exportations québécoises y sont destinées. EDC y prévoit une croissance économique réelle de 4,9 % en 2021, après un recul de – 3,4 % en 2020. Le FMI table plutôt sur une croissance de 3,1 %, qui pourrait gagner deux points si le nouveau plan d’aide de 483 milliards de dollars américains à l’économie et aux hôpitaux, adopté par le Congrès le 19 novembre dernier, a l’effet espéré.
Le dynamisme de certains secteurs américains bénéficie déjà à nos entreprises. « La vigueur du marché de l’habitation aux États-Unis soutient les exportations québécoises de bois d’œuvre et de minerais et métaux », illustre Marie-Ève Jean.
Quant à l’élection de Joe Biden à la présidence, elle ne fera pas disparaître le protectionnisme, dont les démocrates sont traditionnellement plus friands que les républicains. Mais elle pourrait offrir plus de stabilité et de prévisibilité aux entreprises d’ici. « Malgré la renégociation difficile de l’ALENA, les tarifs imposés par Trump sur l’acier et sur l’aluminium et ses guerres commerciales, les exportations québécoises vers les États-Unis ont augmenté au cours des cinq dernières années, en raison de la bonne santé de l’économie américaine », rappelle Véronique Proulx, PDG de Manufacturiers Exportateurs du Québec (MEQ).
Celle-ci ajoute qu’à la fin septembre, le secteur manufacturier avait récupéré environ 97 % de ses emplois d’avant la pandémie, ce qui constitue un bon signe. Toutefois, la subvention salariale fédérale a beaucoup aidé les entreprises, ce qui pourrait fausser les données. Un facteur de plus qui rend 2021 difficile à lire.
Réapprendre la commercialisation
Une consultation réalisée en juillet dernier par MEQ lors d’une tournée régionale auprès de 60 PME a par ailleurs montré que le plus grand souci de celles-ci concerne la commercialisation. « Elles ne savent pas comment elles s’y prendront pour vendre et recruter de nouveaux clients ou développer des marchés, alors qu’ils ne peuvent plus le faire en personne », relate Véronique Proulx. MEQ a donc demandé au gouvernement d’augmenter son accompagnement des entreprises afin d’améliorer leurs compétences de marketing virtuel et de commerce en ligne.
En l’absence de certitude quant à la demande des marchés extérieurs en 2021, Véronique Proulx souhaite voir les gouvernements canadien et québécois accorder une plus grande place aux produits locaux dans leur politique d’approvisionnement public. « Cela aiderait à compenser les pertes de nos fabricants sur les marchés internationaux », fait-elle valoir.