Taux directeur: des conséquences plus grandes qu’il n’y paraît
Charles Poulin|Édition de la mi‑octobre 2022La montée des taux a ceci de particulier pour les détenteurs d’une hypothèque à taux variable : le paiement mensuel n’augmentera pas automatiquement. (Photo: 123RF)
IMMOBILIER RÉSIDENTIEL. Le taux directeur est passé de 0,25 % à 3,25 % en seulement six mois. Les répercussions de cette augmentation concernent les acheteurs récents, mais aussi ceux qui ont une propriété depuis plusieurs années.
L’augmentation des taux d’intérêt hypothécaires touche les propriétaires et les acheteurs de différentes manières, souligne l’économiste de la Banque Nationale, Daren King.
Il donne en exemple une personne qui a acheté sa propriété en octobre 2017. Pour une hypothèque de 400 000 $, elle obtenait un taux fixe de 3,05 % (cinq ans, assuré), ce qui lui donnait un versement mensuel de 1903 $ par mois.
Cinq ans plus tard, au renouvellement, sa balance de capital s’élève à environ 340 000 $. Avec le taux en vigueur à 5,19 %, malgré le capital remboursé, son paiement se chiffre à 2284 $, une augmentation de 381 $ par mois.
En effectuant le même exercice avec les mois de février 2017 et 2022, ainsi que mai 2017 et 2022, les écarts de paiements respectifs sont de 25 $ et de 260 $ mensuellement.
Pour un taux variable, la différence est de 735 $ par mois entre septembre 2021 et septembre 2022, le taux étant passé de 1,46 % à 5 %.
Carl Vignola, conseiller à Gestion de patrimoine TD, note une augmentation de paiement mensuel de 494 $ entre le taux de 2,77 % qu’on pouvait obtenir en janvier 2022 et celui de 5,27 % du début octobre.
« Tout le monde ne subit pas le même impact, mais ça peut être assez important, note Daren King, de la Banque Nationale. Surtout quand les sondages indiquent qu’une bonne proportion des Canadiens sont à 200 $ par mois de ne pas être capables de payer leurs factures. »
Prêts moins élevés
Un autre effet de la croissance des taux est d’obtenir des prêts hypothécaires maximaux moins élevés qu’auparavant.
Carl Vignola présente l’exemple d’un premier acheteur qui se soumet à un test de stress hypothécaire. Une fois le ratio d’endettement du ménage calculé, son paiement mensuel maximal est de 1500 $.
Si le prêt maximal qu’il aurait pu dénicher avait été de 343 500 $ avant la première hausse du taux directeur, il se chiffrait plutôt à 251 200 $ en septembre en raison de la hausse des taux d’intérêt.
« C’est majeur comme différence, laisse tomber Carl Vignola. Mais si on ajoute 6000 $ de plus en intérêts, c’est 6 % d’un revenu brut de 100 000 $. Les gens ont perdu beaucoup de pouvoir d’achat depuis le début de l’année. »
Renouvellement douloureux
La montée des taux a ceci de particulier pour les détenteurs d’une hypothèque à taux variable : le paiement mensuel n’augmentera pas automatiquement.
Carl Vignola explique que la convention entre l’institution financière et le client ne prévoit habituellement pas de clause concernant un ajout sur les paiements. Par contre, le versement peut être modifié à la demande du client.
Si le taux change, le versement ne change pas, à moins d’atteindre un taux déclencheur lorsque le versement ne couvre plus que le montant des intérêts, précise-t-il. « S’il n’y pas d’intervention, au renouvellement, le solde sera alors plus élevé qu’anticipé. »
Par exemple, pour un prêt de 300 000 $ à un taux variable de 3 % sur cinq ans avec amortissement de 25 ans, le versement hypothécaire est de 1400 $ par mois. Mais si, après cinq ans, le taux variable a augmenté et le capital n’a pas bougé, il en coûterait maintenant 2015 $ par mois pour rembourser le prêt sur la période restante, soit 20 ans.
Il recommande aux détenteurs de prêts hypothécaires à taux variable de revoir leur planification régulièrement pour éviter les mauvaises surprises. La plupart des institutions financières offrent la possibilité de verser des montants forfaitaires allant jusqu’à 10 % ou 15 % de plus que prévu annuellement.
Taux variable ou fixe?
Les récentes augmentations du taux directeur rendent plusieurs propriétaires plus frileux quant aux taux hypothécaires variables. Plus le montant de l’hypothèque est élevé, plus les conséquences peuvent être importantes, souligne le vice-président et directeur général de Royal LePage au Québec, Dominic St-Pierre.
Il estime toutefois que le pire des hausses est passé et que le taux variable pourrait être avantageux dans les mois à venir.
« Évidemment, quelqu’un qui a pris un taux variable en début d’année est actuellement très affecté, mentionne-t-il. Mais ça me surprendrait que la situation reste la même au cours des six prochains mois. »
La vice-présidente et chef des opérations à Sutton Québec, Julie Gaucher, rappelle que les Québécois déménagent en moyenne aux trois, quatre ans. Au moment de choisir entre le taux variable et le taux fixe, il faudra ainsi prendre en compte les possibles pénalités à payer si on vend sa propriété avant l’échéance du terme hypothécaire.