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Trouver les bonnes recrues grâce à la microculture

Catherine Charron|Édition de la mi‑septembre 2024

Trouver les bonnes recrues grâce à la microculture

Dorénavant, les spécialistes de l’embauche doivent mener leur petite enquête. «Ils doivent agir en partenaire d’affaires auprès du gestionnaire qui tente de trouver de nouveaux joueurs afin de comprendre dans un premier temps comment la culture générale est vécue, ce qu’ils valorisent comme comportement, comment les décisions sont prises», explique Maryse Leduc.

GESTION DES TALENTS. Bien qu’elles fassent partie de la même grande tribu et qu’elles partagent des valeurs communes, les équipes de Trekking Group ont chacune leur propre couleur. Consciente de ces différences, l’entreprise tente d’aller au-delà de la simple description de chaque microculture et de la laisser transparaître dans le processus d’embauche afin de dénicher les meilleurs candidats.

« Il n’y a pas une culture identique. Il faut que la personne s’y intègre. Ce n’est pas à nous de décider que cette personne convient mieux au bureau de Montréal ou de Toronto. Ce ne sont pas des clones, ce sont des humains », raconte Jean-François Couture, directeur du marketing et de la marque employeur.

Toutes les entreprises n’y parviennent pas aussi naturellement : les différences entre l’expérience vendue à l’employé au moment de son recrutement et celle qu’il vit en réalité est l’une des principales raisons pour lesquelles près d’une recrue sur trois a quitté son emploi dans les 90 premiers jours suivant son embauche, indique Deloitte dans l’édition 2024 de son rapport Global Human Capital Trends. En d’autres termes, la microculture de la future équipe a mal été transmise.

« D’une région à l’autre, d’une division à l’autre, d’une fonction à l’autre, c’est sûr qu’il va y avoir des nuances de culture, confirme Maryse Leduc, consultante en culture organisationnelle à Brio. On n’aura pas la même marge de manœuvre, le même degré d’aisance avec le risque par exemple. »

En plus de perdre un coéquipier nouvellement gagné, ainsi que les fonds investis dans sa formation, les entreprises qui peinent à brosser le portrait de cette microculture se privent d’un candidat qui aurait apprécié cet environnement de travail qui diffère en partie de la culture véhiculée par la direction, préviennent les auteurs du rapport.

« C’est correct de dire par exemple que dans le Service des finances, on fait davantage attention à la gestion du risque. Ce n’est pas une tare ou une déviation par rapport à une culture idéalisée. C’est juste la réalité du mélange de personnalité, de parcours de carrière, de style de leadership », indique Benoit Hardy-Vallée, directeur de service, Développement de la main-d’œuvre chez Deloitte.

Les personnes responsables du recrutement devraient donc, d’après lui, s’intéresser à ces paramètres et adapter leur processus d’embauche. En plus de vendre la culture générale de l’entreprise et de chercher chez un candidat un lot de compétences précises pour mener à bien le travail, elles doivent ajouter cette « troisième corde à [leur] arc, dit-il. Les bons recruteurs le faisaient déjà informellement, car ils sont des experts des relations humaines, mais là, il faut que cette pratique se répande ».

Les questions à poser

Dorénavant, les spécialistes de l’embauche doivent mener leur petite enquête. « Ils doivent agir en partenaire d’affaires auprès du gestionnaire qui tente de trouver de nouveaux joueurs afin de comprendre dans un premier temps comment la culture générale est vécue, ce qu’ils valorisent comme comportement, comment les décisions sont prises », explique Maryse Leduc.

Benoit Hardy-Vallée abonde dans le même sens. « Si tu n’as pas cette relation client en interne, ce sera difficile de “vendre ton produit” au candidat. »

En plus du style de leadership, la personne responsable du recrutement doit se pencher sur les modalités de travail telles qu’elles sont réellement vécues, et qui peuvent différer des politiques établies par la direction.

Les rituels au sein de l’équipe et les manières de célébrer les succès, le degré de sécurité psychologique ou la manière de partager de la rétroaction doivent aussi figurer à leur liste de questions.

Tous ces éléments permettront aux recruteurs, qu’ils fassent partie de l’organisation ou qu’ils soient des consultants, de brosser un portrait fidèle de la microculture, et de ce qui la distingue de celles des autres équipes. Ces informations devront toutefois être corroborées par d’autres coéquipiers, souligne Maryse Leduc. « Il y a souvent de la distorsion entre ce que les leaders observent et ce qui est réellement vécu. »

Chaque offre d’emploi devrait introduire le genre d’expérience que vivra le candidat dans cette équipe, suggère Maryse Leduc. « Sans nécessairement parler de microculture, on peut décrire à quoi il devrait s’attendre s’il décroche le poste. »

Abondant dans le même sens, Jenny Ouellette, présidente et cofondatrice de BonBoss, ajoute que l’entrevue elle-même peut être un bon médium pour la refléter. « On a créé un genre de jeu de recrutement inversé. On voulait faire vivre rapidement au candidat la culture en lui montrant que le cabinet comptable était différent des autres, tout en permettant d’évaluer si la personne était bonne dans le service-conseil », dit-elle.

Lors des entretiens d’embauche, des membres de l’équipe en question peuvent aussi être invités afin de présenter les microcultures, ajoute Josyanne Villeneuve, conseillère en ressources humaines agréée et fondatrice de l’entreprise de service-conseil Main dans la main. « En impliquant différentes parties prenantes, on a diverses manières de présenter les choses et d’évaluer le candidat. Ce dernier aura aussi plus de matière pour analyser l’organisation. » Toutes ces personnes sont aussi plus à même de témoigner du quotidien. « C’est une chose de comprendre la microculture, c’en est une autre de la vivre », ajoute la consultante.

C’est d’ailleurs pourquoi au Trekking Group, ce sont les gérants et leurs assistants qui s’occupent de trouver leurs prochains collègues. « Il faut que tu goûtes à la tribu, et que ça te plaise, dit Jean-François Couture. On n’est pas là pour te forcer parce qu’on a absolument besoin d’un employé. »