Adopter de meilleures pratiques grâce aux microcultures
Catherine Charron|Édition de la mi‑septembre 2024Au cours des dernières années, l’entreprise dirigée depuis 2012 par Alexandre Latour a connu une importante expansion : la PME compte désormais plus de 160 employés répartis dans six bureaux à travers la province. (Photo: courtoisie)
GESTION DES TALENTS. Et si vous aviez des choses à apprendre de vos équipes où la microculture diffère le plus des autres ? C’est ce qu’a tenté de faire la firme de conseil en génie civil Équipe Laurence à la suite de deux acquisitions menées au pic de la pandémie en 2020.
Au cours des dernières années, l’entreprise dirigée depuis 2012 par Alexandre Latour a connu une importante expansion : la PME compte désormais plus de 160 employés répartis dans six bureaux à travers la province.
Toutes ont une couleur et des particularités qui leur sont propres, reconnaît d’emblée l’ingénieur de formation. Il n’est donc pas surprenant que chacune interprète à sa façon les valeurs véhiculées par la direction, dit-il, même si cette dernière tente de différentes manières de rallier derrière une vision commune l’ensemble du personnel.
Là où l’entreprise a rencontré le plus d’écart entre la culture promue et celle vécue par les employés, c’est chez ses équipes acquises où des mœurs et des valeurs différentes existaient déjà.
Pandémie et confinement obligent, l’intégration des deux bureaux s’est en partie faite à distance. « On n’a pas pu être près de nos nouveaux employés, d’échanger face à face », raconte le patron.
Après avoir expliqué aux gestionnaires locaux les valeurs et la mission de la firme de génie, la direction d’Équipe Laurence leur a confié la tâche d’assurer la transition de culture. Ça a été une erreur, d’après Alexandre Latour. L’ancienne garde « ne communiquait pas le message qu’on lui transmettait. Elle ne comprenait pas non plus notre vision, car elle divergeait trop de celle qu’elle avait toujours connue. »
Au-delà du lieu géographique où étaient situés les bureaux, le président-directeur général croit que les microcultures observées alors au sein de l’organisation étaient davantage le fruit de génération auxquelles appartenaient les dirigeants. Ces différences de vision n’ont pas été que négatives, nuance-t-il.
« Ça nous a permis de brasser nos idées, de nous remettre en question en observant ce que ces autres entreprises faisaient. C’est ce qui fait la force d’un groupe. »
Tendre l’oreille
L’entreprise a tiré d’importantes leçons de ses acquisitions. « On ne peut pas rentrer avec nos gros sabots et imposer une manière de penser, illustre Alexandre Latour. Changer des valeurs, ça ne se fait pas du jour au lendemain. Ce n’est pas comme modifier la taille de police d’un document. »
Le dialogue et le temps ont donc été essentiels à cette démarche. Certes, la PME a dû expliquer à quelques reprises ce que les valeurs de l’organisation, soit la simplicité, le plaisir et la créativité, signifient. Elle a dû aussi tendre l’oreille. « Si une entreprise s’en va dans une direction sans écouter ses employés, ils ne sentiront pas qu’ils font partie de l’équipe », rappelle-t-il.
Des coups de sonde sont d’ailleurs passés à l’occasion pour effectuer un suivi du sentiment d’appartenance qu’éprouve le personnel.
Pour tenter de pallier les défis qu’engendre la distance dans l’alignement des valeurs auquel tend la firme de génie, Alexandre Latour parcourt régulièrement les routes du Québec afin d’être sur le terrain. « C’est en y allant, en parlant avec eux sur l’heure du dîner, et pas que de travail, que l’on peut aussi mieux communiquer nos valeurs », dit-il.
Les membres des équipes de gestion en place sont d’importants alliés pour les véhiculer, ajoute le PDG. La vision de l’entreprise leur est donc fréquemment rappelée afin qu’ils la fassent cascader dans leurs bureaux respectifs.
La plupart du temps, les employés travaillent principalement avec les coéquipiers de leur région. La PME tente néanmoins de créer un maillage entre ces collègues de partout dans la province pour rallier tous les membres du personnel et nourrir un sentiment d’appartenance à l’ensemble du groupe.
Un fleuve loin d’être tranquille
Ça aura pris près de deux ans avant que les bureaux acquis en 2020 souscrivent réellement aux us et coutumes d’Équipe Laurence, tout en gardant la saveur qui leur est propre.
La démarche n’aura toutefois pas été faite sans quelques dommages collatéraux, indique Alexandre Latour, car ils ont perdu les deux anciennes têtes dirigeantes au passage. Elles n’adhéraient pas à la vision de la PME, dit-il.
« On doit expliquer nos valeurs, mais accepter que chacun les interprète inévitablement à sa manière. Ça ne veut pas dire pour autant que l’entreprise ne doit pas s’assurer que tous aient une définition commune de ce qu’elles signifient », conclut-il.