L’AFP a interrogé à Bakou, pendant la COP29, Avinash Persaud, conseiller spécial pour le climat de la Banque interaméricaine de développement. (Photo: Getty Images)
Bakou — Des milliers de milliards de dollars sont nécessaires pour aider les pays plus pauvres à affronter le changement climatique et chaque dollar investi aujourd’hui permettra d’économiser au moins quatre dollars de dégâts à l’avenir, selon des études.
Alors pourquoi est-il si difficile de réunir cet argent et quelles sont les solutions innovantes pour y parvenir?
L’AFP a interrogé à Bakou, pendant la conférence sur le climat de l’ONU (COP29), l’un des meilleurs experts dans ce domaine, Avinash Persaud, conseiller spécial pour le climat de la Banque interaméricaine de développement.
L’éolien avant les digues
Les pays en développement, à l’exception de la Chine, auront besoin d’une aide extérieure de 1 000 milliards de dollars américains (G$US) par an d’ici à 2030 pour réduire leur empreinte carbone et s’adapter aux effets du réchauffement, estiment des économistes mandatés par les Nations unies.
Cet argent pourrait provenir de gouvernements étrangers, de grandes institutions de crédit comme la Banque mondiale ou encore du secteur privé.
Mais certains projets attirent plus facilement l’argent, explique Avinash Persaud.
Exemple: le secteur privé apprécie les centrales solaires et les éoliennes parce qu’il y a un retour sur investissement lorsque les gens achètent l’électricité produite.
En revanche, les investisseurs sont beaucoup moins intéressés par les digues qui ne génèrent aucun revenu, poursuit M. Persaud, ancien conseiller de la première ministre de La Barbade, Mia Mottley.
«Malheureusement, il n’y a pas de magie dans la finance. Il faut donc beaucoup d’argent public», dit-il.
Frilosité politique
Dans les pays riches et notamment dans ceux de l’Union européenne, qui est le premier contributeur en matière de financement international pour le climat, les principaux donateurs sont confrontés à des pressions politiques et économiques au niveau national.
« Les gouvernements ne se font pas élire pour augmenter leurs budgets d’aide et envoyer plus d’argent à l’étranger », constate M. Persaud.
Il faut parfois des décennies pour rentabiliser l’investissement dans une digue face aux tempêtes et à la montée du niveau de la mer, ce qui rend difficile pour les pays endettés d’emprunter suffisamment d’argent et à de bons taux pour la construire dès maintenant.
Selon M. Persaud, les banques de développement pourraient contribuer à réduire le coût des emprunts, tandis que de nouvelles taxes sur les industries polluantes, comme le transport maritime mondial, le charbon, le pétrole et le gaz, permettraient de lever des centaines de milliards de dollars.
De tels systèmes «innovants» existent déjà, ajoute-t-il: aux États-Unis, 0,09$US par baril de pétrole est versé à un fonds pour couvrir la dépollution en cas de rejets dans la nature.
« C’est la même chose avec l’atmosphère, ce sont des rejets », dit-il en parlant des gaz à effet de serre. « Si nous généralisions ces mesures, si nous les étendions à l’ensemble des énergies fossiles, nous pourrions collecter l’argent nécessaire ».
Cela aiderait les pays les plus pauvres à se remettre d’une catastrophe — les «pertes et dommages» dans le langage des Nations unies —, ce dont peu d’investisseurs se préoccupent, note-t-il.
« Si nous pouvons établir ici et là ces taxes de solidarité pour des choses impossibles à financer autrement, alors nous pourrions combler ce fossé », dit M. Persaud.
300G$US
« Rien de tout cela n’est facile », admet ce vétéran des délibérations internationales : « Lever l’argent est difficile. Le dépenser à bon escient est difficile. Le faire parvenir aux personnes qui en ont le plus besoin est difficile ».
Mais 1 000G$US par an sont une demande réaliste si elle est sous-tendue par 300G$US de financement public des pays riches, soit trois fois plus que leur engagement actuel, selon lui.