Cancer de la prostate: Bernard Bigras lance un appel au milieu des affaires
Sylvie Lemieux|Édition de la mi‑octobre 2024Bernard Bigras rappelle l’importance de vivre dans le moment présent. (Photo: courtoisie)
GÉNIE-CONSEIL. En ce mois de novembre, consacré à la sensibilisation au cancer de la prostate, Bernard Bigras, PDG de l’Association des firmes de génie-conseil du Québec (AFG) et ancien député du Bloc québécois, brise le silence sur son diagnostic reçu en août dernier.
«J’ai réalisé que plus j’en parlais, plus je recevais du soutien. Je me suis aussi rendu compte qu’il y avait beaucoup plus d’hommes que je pensais qui sont atteints ou ont été atteints du cancer de la prostate. C’est important de mobiliser la population sur cette cause», explique Bernard Bigras, en rappelant qu’il y a 18 Québécois par jour en moyenne qui vont recevoir un diagnostic de cancer de la prostate.
Bernard Bigras fait partie de ce nombre. Il a toutefois mûrement réfléchi avant de s’ouvrir sur sa maladie. «Oser en parler, c’est un pas qui n’est pas facile à franchir, reconnaît-il. Mais s’isoler, ce n’est pas bon pour le moral ni pour la santé.»
C’est pourquoi il joint sa voix à la campagne de financement de Procure, un organisme qui accompagne les hommes atteints du cancer de la prostate. L’objectif à atteindre en 2024: amasser 1 000 000$, grâce notamment à la vente de nœuds papillon.
«Procure joue un rôle essentiel. L’organisme offre de nombreux services, comme un accès à des spécialistes, des groupes de soutien, et une ligne d’écoute pour les hommes atteints ainsi que leurs proches», souligne Bernard Bigras qui a particulièrement apprécié les capsules vidéo produites par Procure permettant de démystifier la maladie.
«Le mot cancer est encore synonyme de mortalité, déplore-t-il. Or, le taux de survie sur cinq ans du cancer de la prostate est de plus de 90% quand il est dépisté dans les stades précoces de développement.»
Sous son impulsion, l’AFG s’est engagé à soutenir la campagne de financement de Procure. «Nous allons inviter l’ensemble de nos membres à y adhérer. Notre objectif est d’amasser 5 000$ », précise le PDG.
Un diagnostic après des années de surveillance
Le parcours médical de Bernard Bigras illustre l’importance d’un suivi régulier. Depuis 2015, il était sous surveillance en raison d’un taux d’antigène prostatique spécifique (APS) plus élevé que la normale pour son âge. Suivi de près par un urologue, il a subi au fil des ans une biopsie et passé deux résonances magnétiques qui se sont révélées négatives. C’est lorsque son taux d’APS a presque doublé l’année dernière qu’une nouvelle biopsie s’est imposée en urgence.
Le diagnostic est tombé le 8 août 2024, après une attente de trois mois angoissants. Les tests ont révélé la présence de deux tumeurs, confirmant ce que les médecins ont qualifié de «cancer intermédiaire favorable». Un stade qui requiert un suivi strict, mais qui offre un pronostic encourageant.
Le traitement qui lui a été prescrit suit un protocole précis. La première étape, en cours, consiste en une hormonothérapie par voie orale pendant six mois. Suivront ensuite la curiethérapie, qui implique le placement de sources radioactives à l’intérieur de la prostate pour réduire les tumeurs, puis des séances de radiothérapie.
Un traitement éprouvant
L’hormonothérapie n’est pas sans effets secondaires pour Bernard Bigras. Ce traitement, destiné à réduire la production de testostérone, s’accompagne de symptômes tels qu’une fatigue accrue, une baisse de la masse musculaire et des douleurs corporelles. Il doit aussi composer avec des sautes d’humeur et des bouffées de chaleur, des symptômes similaires à ceux que vivent les femmes en ménopause. «Je sais maintenant ce qu’elles peuvent vivre», lance-t-il.
Pour combattre ces effets indésirables, il s’impose une nouvelle discipline: des exercices de renforcement musculaire supervisés par une kinésiologue et des marches quotidiennes de 10 000 à 15 000 pas. «Si je marche moins, je m’en ressens rapidement», précise-t-il.
Dans son entourage, Bernard Bigras déplore la perte de quelques amis et collègues liée au cancer de la prostate, dont Jack Layton, l’ancien chef du NPD, qui était son voisin de banquette à la Chambre des communes lorsqu’il était député du Bloc québécois. «J’ai vu cet homme se battre jusqu’à la fin», se remémore-t-il avec émotion.
Un appel au patronat
En parlant de son expérience, Bernard Bigras souhaite non seulement sensibiliser les hommes, mais aussi engager les entreprises et les employeurs dans cette cause. «Le patronat doit soutenir la recherche et les outils développés par Procure pour accompagner les personnes atteintes», insiste-t-il.
Dès l’annonce de son diagnostic, il a trouvé du soutien auprès de son entourage, notamment au sein de sa famille et de son milieu professionnel. Ses pensées sont d’abord allées à ses enfants, une fille de 27 ans et deux enfants de 12 et 13 ans. Il souligne aussi le rôle crucial de son employeur et de ses collègues. «Le milieu de travail reste un espace de socialisation. Il permet de briser l’isolement souvent associé à la maladie», dit-il.
Cette épreuve a profondément modifié sa façon d’aborder la vie, tant personnelle que professionnelle. Ses journées au bureau se terminent plus tôt: «Pour faire mon travail, je dois puiser dans mes réserves. J’ai besoin de me coucher plus tôt qu’à l’habitude pour récupérer.»
Bernard Bigras rappelle l’importance de vivre dans le moment présent. Il a notamment redécouvert le bonheur de faire des marches en nature. «Quand on a un poste de responsabilité, on a toujours tendance à anticiper. S’ancrer dans le moment présent, en pleine conscience, est devenu très important», dit-il.