Dany Belleville, Charles Massicotte et Robert Verreault (Photo: Jérôme Lavallée)
FOCUS LANAUDIÈRE. Automatisation, formation, recrutement de travailleurs étrangers : les entreprises de la région de Lanaudière ont mis en place différentes solutions pour remédier au manque de travailleurs. Dany Belleville, copropriétaire et vice-présidente de l’entreprise familiale de moulage Plastique GPR, Charles Massicotte, président et chef de la direction du fabricant de vérins hydrauliques Mailhot Industries, et Robert Verreault, directeur général du fabricant de pneus Bridgestone Canada, ont fait part de leurs initiatives lors d’une rencontre organisée par Les Affaires à Terrebonne à laquelle assistaient une trentaine d’autres entrepreneurs, intervenants économiques et élus municipaux de la région.
La région de Lanaudière n’échappe pas au problème de pénurie de main-d’oeuvre qui frappe le Québec. Or, s’il est difficile de recruter de nouveaux employés, aussi bien s’assurer de garder ceux qui travaillent déjà au sein des entreprises, estiment d’entrée de jeu les panélistes.
«Le premier élément à considérer est de reconnaître que l’actif le plus important au sein d’une entreprise, ce sont les employés qui y travaillent. Il faut donc créer des environnements de travail qui favorisent leur mobilisation et leur rétention», affirme Charles Massicotte, dont l’entreprise emploie quelque 350 personnes dans une usine à Saint-Jacques et dans une autre au Mexique.
Mailhot Industries s’intéresse aussi au développement d’expertise de son personnel. Par exemple, deux employés travaillant au service d’expédition ont pu suivre une formation de soudeur aux frais de l’entreprise, qui continuait en même temps à payer leur salaire. «On compte le faire de plus en plus. C’est un investissement bénéfique tant pour l’entreprise que pour les employés», indique M. Massicotte.
La formation à l’interne est aussi au coeur de la stratégie de rétention de Plastique GPR. La PME de Saint-Félix-de-Valois, qui compte 210 employés, paie les coûts d’une formation mise en place avec une commission scolaire de la région pour l’obtention d’un diplôme d’études professionnelles en moulage de matières plastiques. «C’est une excellente façon de valoriser et de retenir nos employés», souligne Mme Belleville.
D’autant qu’en matière de recrutement, elle doit rivaliser avec de plus grandes entreprises, comme Bridgestone, qui offrent une rémunération horaire nettement plus élevée. Pour arriver à se distinguer, Plastique GPR organise aussi des activités de mobilisation, comme sa corvée au Camp Papillon, un lieu de vacances adapté aux jeunes ayant des handicaps. Une fois par année, les employés y effectuent différents travaux d’entretien et de réparation.
«On ferme l’usine et, comme nous fonctionnons par quarts de travail, ça permet pour une rare fois à tout le monde d’être ensemble», mentionne Mme Belleville en précisant que les employés sont rémunérés pour cette journée. L’entreprise emploie également une douzaine de personnes ayant des handicaps physiques ou mentaux.
Les employés semblent avoir apprécié une nouvelle initiative lancée l’an dernier : les dirigeants leur ont préparé et servi des repas, même en pleine nuit. «On en profite pour prolonger le temps de lunch et discuter. C’est très amical», affirme la copropriétaire.
Valeurs et culture d’entreprise
La valorisation des employés passe aussi par leur plus grande implication dans les décisions de gestion d’une entreprise. Bridgestone Canada, à Joliette, où 1300 employés fabriquent 17 000 pneus par jour, mise entre autres sur la culture japonaise de la maison-mère. Le kaizen, ce processus d’origine japonaise qui incite les travailleurs à proposer des améliorations, y est à l’honneur.
«On veut que les employés apportent de nouvelles idées. Ça permet d’avoir plus d’engagement de leur part et cela contribue au succès de l’entreprise», fait valoir Robert Verreault. Cette culture prend racine dès le recrutement, alors que l’accueil de nouveaux employés se déroule pendant trois jours. «On en profite pour leur parler de la mission, pour expliquer les différents services de l’entreprise, l’importance des clients. Chaque site mondial a même un conseiller japonais en permanence. À la fin, on leur demande s’ils sont prêts à accepter la mission», raconte M. Verreault.
Chez Mailhot Industries, les employés doivent comprendre la mission de l’entreprise, ainsi que ses ambitions. «On en discute régulièrement avec les employés. Pour qu’ils soient fiers que des cylindres qu’ils fabriquent à Saint-Jacques se retrouvent sur des camions partout aux États-Unis, au Brésil ou au Chili», souligne Charles Massicotte.
La culture d’entreprise est aussi primordiale pour Lynn Landry, propriétaire du concessionnaire Motos Illimitées à Terrebonne, qui emploie quelque 130 personnes. «Avant même d’engager quelqu’un, il y a un processus d’intégration d’environ trois semaines. On leur présente entre autres un film d’une heure avec des témoignages d’employés, et non de la direction», détaille-t-elle. Elle note que les gestionnaires doivent être à l’écoute des employés. «Ça nous permet de détecter les employés qui penseraient à quitter l’entreprise.»
Le Groupe Fransyl, qui produit notamment des systèmes et des matériaux de construction pour la toiture, a même été dans l’obligation de congédier des employés qui ne répondaient pas aux valeurs de l’entreprise familiale de Terrebonne. «Certains employés de longue date étaient réfractaires à l’arrivée de plus jeunes. Ça créait une barrière entre les générations et on risquait de perdre les plus jeunes», explique le président et chef de la direction Luc Jutras. La PME a tenté de contrer ce «danger d’expulsion» en invitant les plus anciens à agir plutôt comme mentors auprès des jeunes. Surtout à une époque où les entreprises souhaitent garder le plus longtemps possible leurs employés dans la soixantaine qui songent à leur retraite.
Nouveau bassin de main-d’oeuvre
Comme un nombre croissant d’entreprises au Québec, celles de Lanaudière se tournent vers une plus grande automatisation de leur production et Àvers les immigrants pour résoudre leur problème de main-d’oeuvre.
Mailhot Industries peut compter sur son usine mexicaine, qui emploie 160 personnes à Silao, dans l’État de Guanajuato. «Ce n’est pas notre priorité d’amener des travailleurs mexicains ici. Mais c’est une option, et il nous arrive de le faire ponctuellement quand on a un pic de production», précise M. Massicotte.
Bridgestone a pour sa part trouvé un nouveau filon : la main-d’oeuvre féminine, et particulièrement celle qui travaille dans le secteur de la vente au détail. «Nos meilleurs opérateurs aujourd’hui, ce sont des femmes. Elles sont plus multitâches que les hommes et sont très à l’aise avec la robotique», constate Robert Verreault. Les femmes représentent désormais 15 % de l’ensemble des employés de l’usine de Joliette, et Bridgestone souhaite augmenter ce ratio à 30 %.