D’où vient la pollution et comment investir en la combattant
John Plassard|Publié le 07 novembre 2024(Photo: Adobe Stock)
EXPERT INVITÉ. Le titre de cette analyse peut vous sembler assez étrange ou d’un «moindre» intérêt avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir aux États-Unis, cependant il n’a jamais été aussi important. En effet, cette étude ne s’attarde pas sur le CO2 (qui est l’ennemi de notre planète), mais plutôt sur les secteurs qui alimentent la pollution. Synthèse et analyse.
Les faits
Le nouveau rapport des Nations Unies sur les émissions de CO2 vient de tomber et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est… inquiétant.
Les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont atteint un nouveau sommet en 2023, après une augmentation de 1,3% par rapport à 2022.
Le rapport examine dans quelle mesure les pays doivent s’engager à réduire les gaz à effet de serre et à tenir leurs promesses dans le cadre de la prochaine série de contributions déterminées au niveau national (CDN), qui doit être soumise au début de 2025, avant la COP30.
Des réductions de… 42% sont nécessaires d’ici à 2030 et de 57% d’ici à 2035 pour parvenir à une température de 1,5 °C.
Si l’on n’augmente pas l’ambition de ces nouvelles CDN et que l’on ne commence pas à les mettre en œuvre immédiatement, le monde s’orientera vers une augmentation de la température de 2,6 à 3,1 °C au cours de ce siècle. Cela aurait des conséquences dramatiques pour les populations, la planète et les économies.
La question est cependant de savoir concrètement ce qui alimente les gaz à effet de serre…
Qu’est-ce qui alimente le gaz à effet de serre en 2024?
Lorsque vous pensez à l’effet de serre, vous pensez bien évidemment à ces usines qui émettent de la fumée ou encore du smog dans certaines villes chinoises qui empêchent aux habitants de voir le ciel. Cependant, la réalité est un peu plus complexe.
En 2023, les émissions des différents secteurs révèlent les divers défis à relever pour atteindre les objectifs climatiques :
- Secteur de l’électricité : En tête des émissions mondiales avec 15,1 GtCO2e, les émissions du secteur de l’électricité résultent de la dépendance aux combustibles fossiles pour la production d’électricité. Malgré les progrès réalisés dans le domaine des énergies renouvelables, les combustibles fossiles restent prédominants, les centrales au charbon et au gaz demeurant des sources importantes. La transition vers des sources d’énergie plus propres pour la production d’électricité est essentielle pour atteindre les objectifs d’émissions du secteur. Les émissions ont atteint 8,4 GtCO2e, les véhicules routiers contribuant à eux seuls de manière significative en raison de leur forte dépendance à l’égard des combustibles fossiles. L’aviation, qui s’est redressée après les baisses liées aux pandémies, a connu une forte augmentation des émissions de 19,5% en 2023. La réduction des émissions dans les transports nécessitera un passage aux véhicules électriques, aux biocarburants et à d’autres options à faibles émissions, ainsi que des investissements dans les infrastructures de transport en commun.
- L’agriculture : Les émissions de l’agriculture proviennent d’activités telles que l’élevage, la culture du riz et la gestion des sols. Les émissions du bétail représentent à elles seules environ 6% des émissions mondiales, principalement en raison de la production de méthane. Les améliorations technologiques dans la gestion du fumier et les régimes alimentaires alternatifs présentent un potentiel important de réduction des émissions dans ce secteur.
- L’industrie : 6,5 GtCOal supplémentaires, principalement dans des secteurs tels que le ciment, l’acier et les produits chimiques. Ces secteurs sont confrontés à des défis en matière de réduction de l’intensité de carbone en raison des besoins en énergie pour les processus à haute température, le piégeage du carbone et de nouveaux matériaux efficaces étant considérés comme nécessaires pour une décarbonisation en profondeur. La transition du secteur comprend également l’augmentation des taux de recyclage et la mise en œuvre des principes de l’économie circulaire.
- Bâtiments : L’utilisation de l’énergie dans les bâtiments, en particulier la consommation d’électricité, a été un facteur important, les combustibles fossiles représentant une grande partie de l’utilisation de l’énergie. Il est possible de réduire les émissions en modernisant les bâtiments existants avec des matériaux et des technologies à haut rendement énergétique, ce qui nécessiterait des investissements importants dans les infrastructures vertes.
- Les déchets : Représentant une part plus faible des émissions, le secteur des déchets est responsable des émissions de méthane provenant des décharges et des eaux usées. Les améliorations apportées à la gestion des déchets, telles que le captage du méthane et les stratégies de réduction des déchets, peuvent réduire les émissions de manière significative.
- Autres secteurs et gaz autres que le CO2 : Les gaz fluorés et les changements d’affectation des sols contribuent encore aux émissions, les émissions dues à la dégradation des sols et à la déforestation restant problématique dans de nombreuses régions. Les puits de carbone terrestres, le boisement et le reboisement sont considérés comme essentiels pour compenser ces émissions, qui présentent un potentiel d’atténuation substantiel si l’on en fait une priorité au niveau mondial.
Qui sont les «coupables»?
Les pays ayant les émissions de gaz à effet de serre les plus élevées en 2023 sont la Chine, les États-Unis et l’Inde, suivis par l’Union européenne, la Fédération de Russie et le Brésil. Plus précisément :
- La Chine a émis un total de 16 000 MtCO2e, soit 30% des émissions mondiales et une augmentation de 5,2% par rapport à l’année précédente.
- Les États-Unis ont émis 5 970 MtCO2e, soit 11% des émissions mondiales, bien qu’ils aient enregistré une baisse de 1,4% de leurs émissions.
- L’Inde a contribué à hauteur de 4 140 MtCO2e, soit 8% du total, avec une augmentation des émissions de 6,1% par rapport à l’année précédente.
- L’Union européenne a émis 3 230 MtCO2e, soit 6% des émissions mondiales, avec une réduction notable de 7,5%.
- La Fédération de Russie et le Brésil figurent également parmi les plus gros émetteurs, avec des émissions respectives de 2 660 MtCO2e (5% des émissions mondiales) et de 1 300 MtCO2e (2%).
Ces régions sont les principales responsables des émissions mondiales, les membres du G20 contribuant collectivement à environ 77% du total.
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Comment investir dans la thématique?
Cette question peut vous choquer, mais elle a totalement sa place. L’idée ici n’est pas d’investir dans les émissions de CO2 (!), mais dans les moyens de la combattre selon les différents secteurs.
Pour les investisseurs qui suivent de près les tendances de durabilité, voici une exploration détaillée des solutions pour réduire les émissions dans six secteurs clés que les Nations Unies ont mis en avant, ainsi qu’une sélection d’entreprises cotées engagées dans des actions concrètes en faveur du climat (liste non exhaustive).
- Électricité : La décarbonation de ce secteur passe par une transition massive vers les énergies renouvelables (solaire, éolien, hydroélectrique), couplée au déploiement de réseaux intelligents et de solutions de stockage. La fermeture des centrales au charbon et au gaz est un impératif pour atteindre les objectifs climatiques. ➢ Entreprises actives : NextEra Energy, Enphase Energy, Orsted
- Transports : Pour réduire les émissions, il est crucial d’adopter les véhicules électriques (VE), les biocarburants, et les alternatives faibles en carbone, en plus de moderniser les infrastructures de transport public. ➢ Entreprises actives : Tesla, BYD Company, Delta Airlines (pionnière dans l’adoption de biocarburants).
- Agriculture : L’agriculture durable est la clé pour ce secteur avec des techniques de gestion améliorées pour les sols et le fumier, ainsi que des régimes alimentaires alternatifs pour le bétail, réduisant ainsi les émissions de méthane. ➢ Entreprises actives : Deere & Company, Beyond Meat, Inc.
- Industrie : La décarbonation industrielle exige des efforts importants, notamment le captage et stockage du carbone, le recyclage des matériaux, et l’adoption de processus à faible intensité carbone, surtout pour l’acier, le ciment et les produits chimiques. ➢ Entreprises actives : ArcelorMittal, Linde, Siemens AG
- Bâtiments : La réduction des émissions dans ce secteur repose sur la rénovation des bâtiments pour une meilleure efficacité énergétique, l’intégration de technologies durables et l’utilisation de matériaux écologiques. ➢ Entreprises actives : Johnson Controls International, Schneider Electric, Honeywell International.
- Déchets : Améliorer la gestion des déchets via le captage du méthane, augmenter le recyclage et transformer les déchets en énergie sont des méthodes clés pour réduire les émissions de ce secteur. ➢ Entreprises actives : Waste Management, Republic Services, Veolia Environnement SA.
- Autres Émetteurs et Gaz (autres que CO2) : Les puits de carbone, la reforestation, et l’agriculture régénérative sont cruciaux pour compenser les émissions issues de la déforestation et de la dégradation des sols.
Synthèse
La pollution mondiale est principalement alimentée par des secteurs comme l’électricité, les transports, l’agriculture, l’industrie, les bâtiments et les déchets. Chaque secteur nécessite des solutions spécifiques, comme le passage aux énergies renouvelables pour l’électricité, l’adoption de véhicules électriques dans les transports, et des pratiques de gestion durable pour l’agriculture. La reforestation et les pratiques de régénération agricole contribuent également à compenser les émissions en capturant le carbone atmosphérique. Si l’arrivée de Donald Trump met un point d’interrogation sur leur adoption, il n’est plus question aujourd’hui de savoir si nous avons le choix…