Les franchiseurs du Québec n’auront pas d’autre choix que de miser sur les immigrants entrepreneurs étrangers à la fois pour reprendre les franchises existantes ou pour ouvrir de nouveaux territoires. (Photo: 123RF)
COURRIER DES LECTEURS. À l’heure où le gouvernement du Québec souhaite mieux contrôler les immigrants temporaires, l’entrepreneuriat des investisseurs étrangers par la franchise semble toujours connaître un bel engouement qui ne devrait pas se tarir. Au contraire. Bien qu’il y ait très peu de statistiques sur le sujet, il suffit d’observer ou de discuter avec des propriétaires de franchises, dans tous les secteurs d’activités, pour se rendre compte que la plupart viennent d’ailleurs. Tentons de comprendre pourquoi.
1. Un projet clé en main
Pour quiconque souhaite immigrer et entreprendre dans un pays que l’on ne connaît pas, ce sont deux marches assez hautes à franchir. Pour immigrer au Québec, il faut un projet d’affaires et un visa. Trouver une entreprise à reprendre ou encore créer une entreprise n’est pas un exercice facile sans réseau ou sans avoir passé du temps dans la province pour prospecter. La franchise permet immédiatement de se projeter et surtout d’investir dans un concept qui a fait ses preuves. Comprendre les codes de consommation, c’est un tout autre défi. La franchise, que ce soit pour un service, un commerce ou de la restauration, c’est un projet «clé en main» qui évite les pièges et obstacles de la création. Le franchiseur, par sa formule, formera son franchisé avant, pendant et après le lancement des opérations.
2. S’acheter une deuxième vie avec la première
C’est l’expression consacrée pour la plupart des investisseurs étrangers qui souhaitent entreprendre en franchise. Pour cause, acheter une franchise nécessite des fonds, à la fois pour l’installation en famille, et bien entendu le projet de franchise.
Le franchiseur, dans sa qualification, doit s’assurer de l’expérience du candidat, mais également de sa capacité financière à acheter la franchise. Point d’autant plus important que les institutions financières demandent plus de garanties lorsque l’on n’a pas ou peu d’historique de crédit sur le territoire.
En outre, ne négligeons pas l’aspect culturel dans les affaires qui peut freiner l’intégration ou créer certaines distorsions entre le franchiseur et son franchisé. C’est pourquoi certains franchiseurs exigent de leurs futurs candidats à la franchise qu’ils aient au moins deux années de vie dans le pays avant de les qualifier pour l’achat d’une franchise.
3. Le repreneuriat en franchise, un défi aussi pour les franchiseurs au Québec
Le « repreneuriat encadré », c’est un des axes de reprise qui peut intéresser de futurs repreneurs étrangers. L’avantage de la reprise en franchise est qu’elle est encadrée par le franchiseur qui permet au repreneur d’obtenir des informations objectives. C’est plus rassurant pour le repreneur. Le Conseil québécois de la franchise et le Centre de transfert des entreprises du Québec (CTEQ) collaborent à encourager le repreneuriat en franchise. Pour certaines régions du Québec, le vieillissement des propriétaires opérateurs, la fin des contrats de franchises sans possibilité de renouvellement faute de repreneurs ou du manque d’intérêt de la reprise par la deuxième, voire troisième génération dans certains secteurs d’activités, menacent grandement l’économie à terme. En moyenne, un réseau en franchise bien établi au Québec renouvelle chaque année 5% de son parc de franchisés. Actuellement, ce chiffre peut monter jusqu’à 20% pour certaines bannières, selon les données remontées par les membres du CQF.
Une fois de plus, ce sont les régions qui sont davantage touchées par le vieillissement et le manque de relève. La population des 50 ans et plus est largement plus nombreuse en région que dans les grandes villes. Ce sont autant d’occasions pour des investisseurs étrangers et leurs familles.
4. Des retombées économiques pour le Québec
L’écosystème de la franchise peut être un canal d’entrée intéressant pour l’immigration d’affaires à condition que franchiseurs et futurs candidats étrangers puissent collaborer et préparer leur intégration. Le Conseil québécois et ses nombreux partenaires travaillent depuis quelques années à la mise en place d’un projet pilote dédié à l’entrepreneuriat ou le repreneuriat en franchise issu de toutes les communautés culturelles. Ce programme, nommé « Immigrer et entreprendre en franchise ici au Québec » aura comme mandat d’offrir des services dédiés aux entrepreneurs afin de les accueillir, de les former aux pratiques et à la culture d’affaires, et les orienter dans l’écosystème entrepreneurial en franchise québécois. Un projet collaboratif entre partenaires économiques (les villes, les sociétés de développements régionales…) a l’importance d’intégrer les entrepreneurs issus de la diversité.
Si l’on se penche sur les retombées économiques potentielles, ce sont les investissements directs et indirects qu’il faut considérer. Prenons l’exemple d’une famille qui immigre et qui investit dans une franchise, celle-ci aura investi dans des frais d’immigration, dans des honoraires d’avocats, de comptables, dans l’achat de la franchise et puis pour la famille, dans l’achat ou la location du bien immobilier. On estime des retombées directes et indirectes entre 500 000 et 3 000 000 $ par investisseur.
Dans le cas d’une société étrangère qui s’installe et crée une franchise maîtresse pour développer le Québec et le reste du Canada avec un plan d’ouverture de plusieurs emplacements, les retombées pour la province peuvent se traduire en millions de dollars et en centaines d’emplois.
5. De nouveaux visas entrepreneurs: est-ce bon pour la franchise?
L’élément clé pour investir dans une franchise, c’est d’obtenir un visa qui conduit à la résidence permanente. Depuis le 1er janvier 2024, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) a créé et ouvert de nouveaux visas pour les gens d’affaires qui favorisent l’entrepreneuriat francophone.
Ces visas permettent d’obtenir la résidence permanente moyennant certains critères d’éligibilité et d’accompagnement. Le CQF et ses partenaires comme le CTEQ ou Classe Affaires Canada France peuvent guider les franchiseurs et les franchises dans ces procédures.
Les franchiseurs du Québec n’auront pas d’autre choix que de miser sur les immigrants entrepreneurs étrangers à la fois pour reprendre les franchises existantes ou pour ouvrir de nouveaux territoires. Quelle belle occasion et richesse pour nos franchiseurs, mais il faut également déployer davantage de moyens pour faciliter et accélérer l’intégration des nouvelles cultures dans nos franchises et collaborer dans le sens de la rétention. Et pour un investisseur étranger, c’est aussi tellement plus rassurant d’investir, mais de façon encadrée.