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Une petite révolution chez Matiss

Jean-François Venne|Édition de la mi‑octobre 2023

Une petite révolution chez Matiss

L’entreprise a aussi transformé son programme d’assurance collective, désormais modulaire. Les employés peuvent y ajouter la couverture dentaire. (Photo: 123RF)

AVANTAGES SOCIAUX ET RÉGIMES DE RETRAITE. Au moment où sa croissance s’accélère, l’entreprise spécialisée en automatisation industrielle Matiss a complètement revu son programme d’avantages sociaux. Les modifications ont touché les heures travaillées, l’assurance collective et le régime de retraite.

Fondée en juin 1995 par Jacques Martel, Matiss compte plus de 110 employés et continue d’embaucher à un bon rythme. Sa croissance s’accélère tellement qu’en juin 2022, l’entreprise a entamé un processus d’agrandissement de son usine de fabrication de Saint-Georges, en Beauce. 

« La pandémie et la pénurie de main-d’œuvre alimentent une forte demande pour l’automatisation, ce qui joue en notre faveur actuellement », explique Virginie Martel. La fille du propriétaire a longtemps été directrice des ressources humaines et reprend maintenant les rênes l’entreprise de son père avec son collègue Bobby St-Pierre.

Une telle croissance dans un contexte de rareté de main-d’œuvre exige de proposer des conditions de travail qui permettent d’attirer de nouveaux salariés et de conserver ceux que l’on emploie déjà. En 2019-2020, Matiss a donc amorcé une révision complète de ses conditions de travail, incluant les avantages sociaux et le régime de retraite.

 

La semaine de quatre jours 

La main-d’œuvre de Matiss est très diversifiée. Elle compte deux divisions : MatissEquipement, spécialisée dans l’automatisation des marchés agroalimentaires et industriels, et Matissoft, qui propose des solutions informatiques adaptées au marché agricole. Elle emploie donc des travailleurs en usine, des ingénieurs électriques et mécaniques, des spécialistes de l’informatique, etc. L’un des défis consistait à offrir des options équitables pour tous ces salariés. 

Le passage à la semaine de quatre jours a représenté le plus grand changement. Il s’est effectué en deux étapes. Les salariés de Matiss travaillaient au départ 40 heures en quatre jours et demi. L’entreprise a d’abord réduit cela à 36 heures en quatre jours et demi, mais sans diminuer le salaire. Cela revenait bien sûr à bonifier la rémunération. Au début de 2023, l’horaire est passé à 36 heures en quatre jours. Afin de garder une certaine flexibilité, les employés qui n’ont pas effectué leurs 36 heures pendant la semaine peuvent venir travailler le vendredi. 

Matiss a aussi conservé le mode de travail hybride qui s’est développé pendant la pandémie, mais exige que les travailleurs soient présents ensemble certains jours de la semaine. Les divisions ont une latitude pour décider quels jours ; la plupart ont choisi le mercredi et jeudi. Cela permet de s’assurer que les gens continuent de se voir régulièrement et de socialiser entre eux. 

« Les salariés ont 28 heures fixes et 8 heures flexibles, mais nous ne voulons pas qu’ils travaillent plus que 9 heures par jour, souligne Virginie Martel. Cela irait contre le but de notre politique, qui vise à leur offrir un meilleur équilibre entre la vie personnelle et le travail. » 

Ce changement s’est traduit par plusieurs petites modifications dans les processus internes de l’entreprise, notamment du côté administratif. Matiss a aussi dû expliquer à ses clients qu’elle serait désormais fermée le vendredi.

 

Bonifier l’assurance collective et le régime de retraite

L’entreprise a aussi transformé son programme d’assurance collective, désormais modulaire. « Les gens peuvent choisir entre trois options pour les médicaments et peuvent ajouter le dentaire, ce que nous n’offrions pas auparavant, précise Virginie Martel. Un grand nombre de nos employés ont décidé de prendre cette couverture dentaire, c’est très populaire. » L’employeur cotise toujours le même montant, mais la contribution de l’employé augmente en fonction du niveau de couverture qu’il choisit.

Matiss a par ailleurs revu à la hausse sa contribution au REER des employés. L’entreprise cotise désormais 2 % pour tous ses employés, dès l’embauche. Avant cela, le travailleur devait attendre deux ans avant que l’employeur commence à cotiser, et la cotisation maximale n’atteignait pas 2 %. 

Loin de s’arrêter en si bon chemin, Matiss est déjà en train de refaire l’examen de sa rémunération globale, comme il l’avait fait en 2019. Avec l’aide de Solertia, la firme qui l’a accompagnée dans tous ces changements, elle utilise la plateforme d’Amélio pour sonder ses employés une fois par trimestre. Cela lui permet d’évaluer leur satisfaction envers les conditions de travail et les avantages sociaux de Matiss et de connaître leurs attentes. Les derniers coups de sonde ont montré que le passage à la semaine de 36 heures était très apprécié des employés.

« Nous continuerons de réévaluer notre offre tous les trois ou quatre ans, affirme Virginie Martel. C’est très important pour nous de rester attrayants sur le marché de l’emploi, pour soutenir nos efforts de recrutement et de rétention des travailleurs. »

Optimiser chaque dollar investi dans les régimes d’avantages sociaux est un exercice éminemment complexe quand certaines dépenses en santé augmentent de près de 10 % cette année. Plus que jamais, il devient essentiel pour les employeurs de miser sur la valeur des avantages sociaux offerts aux employés afin de rester concurrentiels dans un monde du travail en grand bouleversement.
La hausse annuelle des coûts de soins se chiffre à 6 ou 7 % depuis plusieurs années au ¬Canada. Bien qu’il y ait encore beaucoup d’incertitude quant à la durée des pressions inflationnistes mondiales, ¬Aon prévoit une hausse de 7,5 % des coûts des soins médicaux offerts par les employeurs canadiens en 2023. 
Outre le développement de nouveaux médicaments biologiques qui entraîne une hausse des dépenses depuis plusieurs années, certains fournisseurs de soins de santé ont augmenté de façon importante leurs tarifs en 2023. « L’Association des chirurgiens dentistes du ¬Québec a publié son guide des tarifs des soins ¬bucco-dentaires et on a vu une augmentation moyenne de 9,8 % au 1er janvier 2023, indique ¬Dominique ¬Millette, directrice, développement des affaires à iA ¬Groupe financier. Ce n’est qu’un exemple parmi toute la gamme de services, et cela a indéniablement une incidence directe sur le coût des assurances collectives. »
Par ailleurs, plusieurs pathologies exercent une pression sur les dépenses en santé, notamment les maladies ¬auto-immunes, le diabète et les troubles de santé mentale, soit en raison d’une plus grande prévalence, soit en raison de nouveaux traitements plus coûteux. Finalement, « la pandémie a entraîné d’importants retards dans les chirurgies et les tests diagnostiques, ce qui a un effet sur la santé des individus et, ultimement, risque d’entraîner des coûts plus élevés », rappelle ¬Martin ¬Charron, associé, assurance collective chez ¬Normandin ¬Beaudry.
L’année 2024 pourrait être encore plus difficile, selon ¬Cathy ¬Perron, codirectrice des Solutions pour la santé d’Aon ¬Canada. « ¬La façon dont on calcule notre tarification dans nos régimes comprend l’expérience passée, de telle sorte qu’on n’a pas l’impact de l’inflation au moment où elle arrive, ¬explique-t-elle. On peut donc s’attendre à voir l’incidence des hausses arriver de deux à six mois plus tard que ce qu’on perçoit dans notre quotidien. »
Miser sur la flexibilité… et les soins virtuels
Dans ce contexte économique difficile, combiné à une pénurie d’employés, les employeurs tentent d’optimiser les dépenses en avantages sociaux afin de rester compétitifs. Différents produits mis à la disposition des employés s’avèrent particulièrement appréciés, notamment les soins de santé virtuels. « ¬Cela représente seulement quelques dollars par mois par certificat et les taux d’utilisation de ce service sont très élevés », mentionne ¬Dominique ¬Millette. Un sondage ¬Ipsos mené en 2020 a d’ailleurs révélé que 72 % des ¬Canadiens verraient leur employeur de façon plus positive si on leur offrait un service de télémédecine.
Plus généralement, la santé et le ¬bien-être sont les piliers d’une culture d’entreprise solide. « Une personne en début de carrière a des besoins différents d’une personne près de la retraite, constate ¬Cathy ¬Perron. Il faut donc s’adapter à sa population. Un régime flexible répondra aux attentes de plus de gens. C’est un élément qui ne coûte pas très cher et qui donne énormément de satisfaction aux employés. »
Il suffit de quelques options supplémentaires, comme les soins de santé virtuels, pour rendre un régime flexible. « ¬Même une petite entreprise qui a peu de budget peut se donner de la flexibilité, ajoute ¬Cathy ¬Perron. Il suffit d’opter pour un régime plus minimaliste, de façon à procurer plus de flexibilité aux employés. L’employeur offre la base qu’il juge nécessaire. »
Les comptes de soins de santé, pour couvrir des dépenses médicales non remboursées par leur régime, et les comptes de ¬mieux-être ont également gagné en popularité. « Plusieurs employeurs en ont élargi la portée, mentionne ¬Martin ¬Charron. Au départ, ces comptes permettaient surtout de rembourser des frais pour des activités physiques ou des équipements sportifs, mais plusieurs autorisent maintenant le remboursement des frais liés au maintien de la santé mentale, des frais de garde ou d’autres services domestiques, des titres de transport en commun ou des équipements de bureau pour le télétravail. »
Et à la question : salaire ou avantages sociaux ? Cathy ¬Perron répond que les stratégies adoptées concernant les salaires et les avantages sociaux doivent être le reflet d’une culture organisationnelle. « Quand ils choisissent un employeur, les gens ne veulent pas juste accepter une offre mirobolante. On a vu des gens revenir à leur employeur précédent, parce que le salaire n’est pas tout. La culture d’entreprise, c’est très important dans le quotidien des gens. »
Encadré
73 % des employés de 18 à 34 ans et 69 % des employés de 35 à 44 ans sont susceptibles de changer d’employeur afin de profiter d’un meilleur régime d’avantages sociaux.
Dans un bon régime d’avantages sociaux, les travailleurs recherchent avant tout :
Du soutien en santé mentale : 88 % 
Un compte de soins de santé : 80 % 
Des couvertures facultatives
personnalisées : 79 %
Source : ¬RBC Assurance