Vers une pénurie d’architectes au Québec?

Publié le 09/02/2021 à 13:20

Par Kollectif

Bureau de la firme d'architecture Lemay. Photo : Adrien Williams

Petites annonces, réseaux sociaux, chasseurs de tête, bonus à l’embauche… Plusieurs firmes d’architecture québécoises multiplient les efforts pour réussir à embaucher de nouveaux talents au sein de l’équipe. Une situation qui en déstabilise plusieurs.

« Je n’ai jamais vécu ça, indique le fondateur de L. McComber  – Architecture Vivante, Laurent McComber, un bureau de 7 employés. L’an dernier, lorsqu’on affichait des postes, on recevait trente, quarante, cinquante CV de qualité. Depuis quelques mois, surtout avec le télétravail et la pandémie, ça arrive au compte-gouttes. Et là, on a la langue à terre. »

Même son de cloche du côté de Stéphan Langevin, qui dirige STGM architectes associés, une firme comptant 150 employés et qui œuvre partout au Québec.

« C’est un combat hebdomadaire de trouver les bonnes ressources, confirme-t-il. Tous nos employés sont très occupés. Le recrutement ne va pas à la vitesse qu’on voudrait, particulièrement pour les architectes ou technologues avec une certaine expérience. »

Signe que la situation préoccupe l’ensemble du milieu, l’Association des architectes en pratique privée du Québec (AAPPQ) vient de réaliser une étude pour prendre le pouls sur les enjeux de main-d’œuvre en province. Au total, 213 firmes ont répondu à l’appel.

Pour les trois quarts des répondants, il est « difficile » ou « très difficile » de recruter, peut-on constater dans l’étude. On évalue que 256 architectes et 404 techniciens et technologues additionnels seraient nécessaires pour satisfaire les besoins des bureaux d’architecture au Québec dans les deux prochaines années.

« On ne peut pas encore parler de pénurie. L’étude parle plutôt d’un “faible manque”, nuance Lyne Parent, directrice générale de l’AAPPQ. Mais les défis sont évidents. Cette situation met notamment une pression à la hausse sur les salaires étant donné que la demande surpasse l’offre. Ça peut devenir un enjeu financier pour certaines firmes. »

Selon Mme Parent, la concurrence avec le secteur public, qui offre des conditions avantageuses sur le plan salarial et des avantages sociaux, peut également venir désavantager les entreprises privées dans leurs efforts de recrutement.

Par exemple, le personnel technique travaillant dans une entreprise privée décroche, en moyenne, un salaire annuel de 62 000 $, selon des données provenant de l’Institut de la statistique du Québec. La rémunération de ce même emploi dans le secteur public s’élève à près de 67 000 $. En ajoutant les avantages sociaux, la rémunération obtenue en pratique privée est 21 % moins élevée que dans le secteur public.

Moins de mandats et liste d’attente

Pour certains architectes, la croissance de leur firme doit plafonner, momentanément espère-t-on, par manque de ressources humaines.

« Je dois faire 80 heures par semaine depuis presque un an parce que je ne réussis pas à embaucher comme je le souhaiterais, avoue Maxime Moreau de MXMA Architecture & Design. Je suis malheureusement rendu à devoir refuser des contrats. »

De son côté, l’architecte Laurent McComber a développé une « liste d’attente », ayant de la difficulté à répondre à la demande. « Ceux qui souhaitent vraiment travailler avec moi doivent patienter, indique-t-il. J’aimerais bien faire autrement, mais c’est la réalité. »

Dans certaines firmes, on va même jusqu’à proposer des bonis pouvant s’élever à plusieurs centaines de dollars aux employés qui réussissent à amener un nouveau collègue dans leur équipe. Une solution pour essayer de ne pas ralentir la chaîne de production.

Des solutions à moyen et long termes ?

Voyant la conjoncture, la situation ne risque pas de se résorber rapidement. Uniquement au Plan québécois des infrastructures (PQI), le gouvernement prévoit investir 130 milliards de dollars sur 10 ans, dont 3 milliards d’investissements ont été devancés pour participer à la relance de l’économie devenue nécessaire dans le contexte de la pandémie.

De surcroît, plus d’un cinquième des architectes actuellement en pratique ont plus de 60 ans. Leur retrait progressif du marché du travail ces prochaines années pour cause de retraite réduira d’autant plus le nombre d’architectes d’expérience dans les cabinets.

« À court terme, les solutions ne sont pas pas nombreuses, admet la directrice générale de l’AAPPQ, Lyne Parent. Le système scolaire, par exemple, ne peut pas répondre à la demande même en ajoutant des admissions supplémentaires. »

L’option la plus prometteuse pourrait être de se tourner vers l’immigration, ce qui comporte néanmoins son lot de défis.

« La formation à l’extérieur du pays peut être très différente d’un endroit à l’autre, tout comme les tâches qu’on donne aux architectes ou technologues et les codes construction, poursuit Mme Parent. Cette option demande plus d’investissement et d’énergie de la part des gestionnaires. Avec la pandémie, ça complique d’autant plus les choses. Mais des solutions de formation de mise à niveau pourraient être développées pour combler ces écarts. C’est une piste intéressante à évaluer. »

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