Éric Dupont, inspecteur en santé et sécurité du travail

Publié le 16/12/2021 à 00:01

Par CNESST

Le rôle d’inspecteur en santé et sécurité du travail demeure parfois nébuleux ou incompris. Éric Dupont, inspecteur de la CNESST à Montréal, nous explique son rôle à l’aide d’exemples concrets, et nous communique sa passion pour la prévention.

Depuis combien de temps travaillez-vous à la CNESST?

J’ai commencé comme inspecteur il y a un peu plus de 12 ans.

Petite anecdote, je devais débuter comme inspecteur sur l’équipe volante (SWAT) en Abitibi, j’avais même reçu mon billet d’avion. Finalement, à la dernière minute, on m’a informé que je commencerais plutôt mon nouvel emploi à Montréal. J’y suis depuis!

Quelle est votre clientèle type et quels services lui offrez-vous?

En prévention-inspection, notre clientèle est paritaire. Que ce soit sur un chantier de construction ou dans un établissement, j’ai la chance de rencontrer des employeurs, des travailleurs et des travailleuses lors d’interventions planifiées, lors d’enquêtes, lors du traitement de refus de travail ou de plaintes.

J’accompagne les milieux de travail afin qu’ils s’assurent de la conformité des lieux par rapport à la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) et aux règlements qui en découlent. On est là pour s’assurer que les lieux sont sécuritaires, mais aussi pour faire cheminer les milieux de travail en ce qui a trait à la santé et à la sécurité du travail (SST) afin qu’ils puissent ultimement se prendre en charge et être autonomes dans leur gestion de la SST.

Nous offrons du soutien aux employeurs et aux travailleurs. Ce n’est pas l’inspecteur qui gère la SST en entreprise, il s’agit plutôt d’un travail paritaire qui doit venir du milieu. Nous ne mettons donc pas en place les solutions à la place de l’employeur. Nous l’aidons plutôt à identifier les situations problématiques. L’employeur, par la suite, est responsable d’implanter la solution adéquate, notamment en fonction des contraintes de l’entreprise.

Dans le cas où il y aurait eu un accident du travail, je dois identifier les causes pour éviter qu’un tel événement se reproduise.

À quoi ressemble une journée type ou un cas type, pour vous?

Lors du déroulement d’une enquête à la suite d’un accident du travail grave ou mortel, l’objectif de la CNESST n’est pas de trouver un coupable, mais plutôt d’identifier les causes de l’accident pour que ça ne se reproduise pas.

D’abord, je rencontre les parties pour comprendre ce qui s’est passé, la manière dont elles ont réagi et les actions qui ont été posées à la suite de l’accident.

Je regarde ensuite les lieux pour essayer d’identifier les causes potentielles de l’accident. Dans certains cas, je dois émettre des avis de correction en expliquant les mesures que l’employeur doit prendre et le délai à respecter pour rendre son milieu de travail sécuritaire. Dans d’autres cas, j’interdis l’utilisation d’un équipement ou je suspends les travaux quand je constate des problèmes graves.

Si l’employeur a un plan d’action en santé et sécurité du travail, je dois m’assurer avec lui que les risques présents dans son milieu sont bien identifiés, que les moyens pour les contrôler ou les corriger sont réalistes et qu’il respecte bien ses engagements. Dans le cas où une situation dangereuse est signalée à la CNESST, le dossier est assigné à un inspecteur qui va intervenir dans le milieu de travail. Le signalement reçu peut être anonyme et confidentiel. C’est un droit important des travailleurs. Quand on se présente sur les lieux, avec ou sans rendez-vous, on s’assure que l’identité du plaignant ne sera pas dévoilée.

Que trouvez-vous le plus stimulant dans votre travail?

Ce qui est le plus stimulant, c’est sans aucun doute de constater des changements dans une entreprise où on est intervenu. Je ne parle pas seulement des éléments corrigés pour lesquels j’avais émis des avis de correction, mais plutôt des situations où mon intervention a encouragé un changement de mentalité dans l’organisation. Voir que l’employeur a compris l’importance de la SST, qu’il l’a prise en charge et qu’il fait plus que le minimum requis. Voir aussi les travailleuses et travailleurs contents et fiers d’évoluer dans leur milieu de travail parce qu’ils sentent que la SST fait partie de la culture de leur entreprise.

Avez-vous constaté une évolution dans votre domaine d’expertise depuis que vous occupez votre emploi? Si oui, qu’avez-vous remarqué?

Si on parle de la sécurité des machines, par exemple, je dirais que depuis 2005-2006, ça a évolué énormément. Les employeurs, les travailleurs, les intervenants connaissent beaucoup plus la réglementation. Les gens comprennent l’objectif de la prévention. Je remarque une meilleure adhésion quant à l’importance de sécuriser ses équipements, ses machines, ses appareils, etc.

Je constate de belles améliorations dans les entreprises. Par contre, il reste encore du travail à faire, notamment pour que les correctifs demeurent. La permanence des correctifs est un enjeu bien présent en 2021. Certaines entreprises reviennent à leurs vieilles habitudes. Ça peut se produire pour différentes raisons. Ça peut être, par exemple, une moins bonne adhésion au changement, qui fait en sorte que la méthode de travail se perd avec le temps. L’employeur doit donc s’assurer que les correctifs perdurent.

Je constate l’importance pour l’employeur l’importance de bien suivre l’implantation d’un correctif afin que tous les travailleurs y adhèrent et que celui-ci soit maintenu dans le temps.. Il faut rappeler que ce n’est pas parce qu’un correctif est apporté que le travail de prévention s’arrête!

Une personne qui est inspectrice pour la CNESST, en 2021, à quel genre de défis peut-elle être confrontée?

Tous les jours, il y a de nouveaux produits, de nouveaux équipements, de nouvelles machines… donc de nouveaux risques émergents! Il faut savoir s’adapter et demeurer à jour.

Et à l’inverse, il y a aussi de vieux équipements en entreprise. Sécuriser ces équipements pour s’assurer qu’ils répondent aux nouvelles normes ou exigences de sécurité, ce n’est pas toujours facile. L’exemple qui me vient en tête, ce sont les ascenseurs. Il y a beaucoup de vieux bâtiments et de vieux ascenseurs au Québec. La « clause grand-père », ou clause de droits acquis, ne s’applique pas en SST. Un vieil ascenseur ne pourra pas toujours être mis aux normes actuelles, à moins d’effectuer des travaux majeurs. Cela n’est pas nécessairement possible pour l’employeur, pour des raisons logistiques ou financières. Ça peut devenir un casse-tête pour nous également. Dans le cas des ascenseurs, en collaboration avec le réseau d’expertise de la CNESST, il y a de la documentation qui a été produite pour permettre de cibler les éléments les plus importants à améliorer pour assurer la sécurité des mécaniciens qui effectuent des travaux sur les ascenseurs. Parce qu’il faut se rappeler que la CNESST s’occupe de la sécurité des travailleurs et des travailleuses et que la Régie du bâtiment s’occupe de la sécurité des usagers. Ce sont des missions complémentaires.

Quelle a été votre plus belle expérience dans le cadre de votre travail à la CNESST?

Pour moi, c’est le parrainage! Parrainer de nouveaux inspecteurs, c’est un peu comme du compagnonnage, si on veut. Je crois avoir un petit côté pédagogue. J’aime le partage de connaissances et d’expérience. C’est valorisant de voir une ou un jeune inspecteur autonome et content de faire son travail quelques années après un parrainage qui a porté fruit.

Un mot de la fin?

Je vais dire ce que je dis souvent à propos de notre rôle dans les entreprises : « L’inspecteur est là pour aider les milieux de travail à s’améliorer. On n’est pas là pour nuire à la bonne marche des opérations ou pour mettre des bâtons dans les roues. Au contraire, on est comme un œil extérieur, un regard neuf, qui peut identifier des risques. On veut rendre les milieux plus sécuritaires, aider les entreprises à avancer en santé et sécurité du travail et même, ultimement, à avancer sans nous! »

 

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